— Just Married —
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01/10/2020
Euan Glenn

Glenn Euan
"La mer est aussi profonde dans le calme que dans la tempête."
Informations générales

Nom : Glenn
Prénom.s : Euan
Âge : 35 ans, né le 30 novembre 2076.
Genre : Masculin
Origines : Écossaises. Passeport britannique mais vive l'Ecosse libre
Activité : Archiviste aux Archives Nationales du Japon (3-2 Kitanomaru Koen, Chiyoda-ku, Tokyo)
Sexualité : Bisexuel
Avatar :Sherlock Holmes (Sherlock Holmes) - fanart de TetraOrb
Règlement : -
Chemin Déjà présent
Autre :
Prénom.s : Euan
Âge : 35 ans, né le 30 novembre 2076.
Genre : Masculin
Origines : Écossaises. Passeport britannique mais vive l'Ecosse libre

Activité : Archiviste aux Archives Nationales du Japon (3-2 Kitanomaru Koen, Chiyoda-ku, Tokyo)
Sexualité : Bisexuel
Avatar :Sherlock Holmes (Sherlock Holmes) - fanart de TetraOrb
Règlement : -
Chemin Déjà présent
Autre :

Histoire
Je crois que je me suis perdu, en chemin. Où, quand, je l’ignore. Sous mes pieds glacés, il n’y a que du vide. Dans mes oreilles résonne le silence. Non… non, il y a autre chose aussi. Il y a de la couleur, il y a de la vie, il y a des éclats de rire comme des pleurs en bataille. Je marche, et ma vie n’est qu’un sentier sans fin bordé de ténèbres qu’entrecoupent de radieux rayons de soleil, et mon horizon est assombri d’ombres que je ne comprends pas, et le paysage chatoie de mille feux. Il y a de bonnes choses, dans les mauvaises. De mauvaises choses, dans les bonnes. Hélas, trop souvent l’obscurité m’étreint, tandis que j’oublie qu’il me suffit d’allumer une bougie pour sortir de cette gangue de noirceurs. Mon existence n’est pourtant pas des plus douloureuses, mon passé n’est guère des plus tragiques.
Je suis né en Ecosse sous la lune d’argent, entouré de regards aimants, bercé des rires joyeux fêtant mon arrivée en ce vaste monde. Mon regard, sitôt, s’est fixé sur ses prunelles sombres, a aimé chacune des rides qui sillonnait son visage épuisé. Mon corps, sitôt, a réclamé la douceur de ses bras, la tendresse de ses étreintes. Ma mère fut toujours un pilier solide, un roc inébranlable. Si forte, si délicate. De ma naissance à ma mort, elle sera dans chacune de mes pensées. Une héroïne du quotidien, une étoile dans le lointain ; quoi qu’elle ait pu faire. J’aurais voulu n’avoir qu’un dixième de son courage, n’avoir qu’un centième de sa force mentale, n’avoir qu’un millième de sa volonté de survivre. Pour elle, j’aurais volontiers retourné les cieux et ébranlé la terre, cherché Nessie dans son grand lac, attrapé les lutins cachés au creux des arbres. Patiemment, elle m’a éduqué au prix de sa propre santé, au sacrifice de ses propres rêves. Elle m’a élevé en s’oubliant elle-même, elle m’a fait la haïr autant que l’aimer. Dans mon univers sans cesse chamboulé, elle était là, stable, immuable. Drôle, sévère. Tantôt juste, tantôt partiale. Humaine, certainement. Ballottée au gré des vents furieux que soufflait un époux trop indépendant, prisonnière d’une éducation qui l’avait faite femme des siècles passée. Les convictions demeuraient en son cœur sans que jamais elle n’ose les exprimer, les rancœurs s’accumulaient en son cœur sans que jamais elle n’ose les exprimer. Cela, je l’ai vu très tôt, je l’ai compris très vite, alors que les années s’entrecoupaient si souvent de déménagements auxquels je me suis bien trop vite habitué. Ce monde si instable que je connaissais me semblait être seul à pouvoir exister ; il me semblait alors n’être qu’un curieux avançant de tableau en tableau, de vitrine en vitrine, sans même comprendre que ces décors changeants devenaient chaque fois miens. Pour quelques mois, pour quelques années, avant qu’une nouvelle toile ne viennent les recouvrir.
Sans cesse trimbalé, dans une ville puis dans une autre, j’ai appris dans les livres, j’ai appris dans les rêves. Timidement, j’ai observé mes semblables qui grandissaient ensemble, tenté encore et encore de leur appartenir. Mais j’avais beau tendre les mains, avancer mon âme auprès des leurs, sitôt qu’enfin je m’approchais, je me sentais aspiré en arrière. De maison en maison, d’école en école. A peine le temps de découvrir, à peine le temps d’apprécier, à peine le temps de connaître. « Tu en as vu, des choses ! ». Oui j’en ai vu, beaucoup. Plus que bien d’autres sûrement, j’ai découvert les subtilités du terroir, j’ai rencontré d’incroyables personnes. « Tu en as fait, des choses ! ». Oui j’en ai fait, beaucoup. Plus que bien d’autres sûrement, j’ai parcouru des paysages incroyables, j’ai vécu de surprenantes aventures. Connu la tempête et la foudre, croisé le soleil printanier, sourit à la brume naissante sur l’onde endormie des lacs montagneux. J’ai senti mon cœur s’emballer devant le gazouillement des ruisseaux des collines verdoyantes, j’ai senti mon cœur cogner en contemplant la longue étendue de l’océan grincheux. J’ai fais de grands voyages, dormi dans des draps de soie, mangé dans des assiettes en argent. Et pourtant, pourtant… Pourtant… je n’aspirais qu’à un peu de silence, qu’à quelques pages dans un livre. Rien de grandiose, juste me poser et trouver à qui m’ouvrir. Pourtant… j’enviais ces êtres unis ayant appris à grandir ensemble, ces amis d’enfance qui se connaissent si bien, cette confiance aveugle entre deux frères de cœur. A chacune de ces nouvelles régions découvertes, j’ai davantage oublié ce que c’était, que d’être humain. Je suis devenu un peu plus sauvage, un peu plus renfermé. Comme l’oiseau apeuré qui, de son nid trop haut, observe le vide sous ses yeux anxieux : pour survivre, je devais m’envoler, essayer de rejoindre mes pairs, quitter le carcan qui m’entravait. Je n’ai jamais pu, du moins jamais vraiment. Je crois qu'une part de moi est restée là-haut, cachée sous la frondaison des arbres, accrochant le nid si protecteur. J’ai noué autour de mon âme un solide rideau de fer, qui ne s’entrouvrait que pour se laisser sèchement retomber à chaque nouvelle désillusion. Chaque jour, chaque mois, chaque année, je me suis senti dépassé. Perdu. Blessé. J’ai un peu plus pleuré de voir si peu de sincérité dans ces liens que je croyais authentiques, j’ai un peu plus souffert de ronger ma solitude dévorante. J’avais beau être entouré, physiquement, combien je me sentais seul ! J’aurais volontiers troqué tous ces souvenirs sur mes étagères pour conserver à mes côtés une âme sincère, j’aurais volontiers troqué tous ces objets accumulés pour une jeunesse partagée. Nous étions trois enfants, fort heureusement – mais de mes aînés, jumeaux, je n’ai jamais été proche. Plus jeune peut-être nous avons partagé quelques jeux, quelques rires. Une complicité, trop vite égarée. Notre écart s’est creusé et sans comprendre, je les ai vu s’éloigner main dans la main. Sans que jamais ils n’entament le chemin du retour.
J’ai néanmoins trouvé un fidèle compagnon, fusse-t-il inhabituel : mon violon. A neuf ans j’oscillais entre la musique et la lecture, cherchant en vain un peu d’attention auprès de proches agacés. Toujours trop critiques, derrière l’amour que je savais pourtant existant. « Trop sensible », me disaient-ils. « Arrête de penser » ; comme si c’était aisé. Les pensées tourbillonnent toujours sans fin sous mon crâne et j’aimerais tant enfin les figer. La nuit venue, je fixe le noir sous mes yeux ouverts, je contemple des heures durant ce mince rai de lumière d’un lampadaire trop clair, je refais le monde à ma façon. Je repense à ceci, je repense à cela. Les souvenirs remontent, parfois si anciens, parfois si futiles. Je sais que je ne dois pas leur donner ainsi une telle emprise ; mais qu’y puis-je ? Depuis si longtemps, je suis fatigué de toujours tout étudier, je suis fatigué de toujours trop analyser. Prendre la vie comme elle vient, cela semble si facile, pour eux. Et je ne comprends pas. Je ne comprends pas comment ils font tout ça. Je ne comprends pas qu’ils ne me comprennent pas, je ne comprends pas pourquoi je ne les comprends pas. Qu’avons-nous de si différent ? Suis-je simplement fou, une anomalie de ce monde, une tragique erreur de la Nature ? Ou bien eux le sont-ils, le nient, s'en jouent, s'en moquent avec une certaine sagesse ?
Mon collège, mon lycée ? Ils se sont déroulés posément. Sans anicroche notable. Un peu tristement, alors que je ne pouvais que fuir ces soirées bruyantes, ces corps qui se pressaient au son d’une musique trop forte. J’étais ennuyeux, je crois. Non, je le suis toujours. J’en suis sûr, même. J’ai côtoyé quelques camarades, mais plusieurs fois ils se sont soudainement détournés. Sans explication, sans regard, ils m’ont brusquement ignoré, me laissant seul avec ma honte, me laissant seul avec ma peine. J’ai timidement demandé, quand même : « qu’ai-je fais ? » et « pourquoi ? ». Le silence longtemps m’a répondu, jusqu’à ce que dans une grimace contrite, l’un d’eux le confesse en me croisant. Parce que je ne buvais pas dans ces soirées surpeuplées que j’évitais tant que possible, parce que je m’insurgeais craintivement devant l’hilarité morbide de camarades brûlant vive une araignée. Aujourd’hui, je félicite cet adolescent tremblant, d’avoir sacrifié ses envies de compagnie à son humanité. D'aucuns soupirent en me lisant, méprisants : "tant d'histoires pour ça…" Mais à mes yeux, tout est d'importance, et qu'importe si les vôtres se ferment trop vite.
Je suis serein, désormais. Je l'étais moins, à l’époque. C’est malheureux, vous savez, de n’avoir d’amis que des pseudonymes sans visage, de n’avoir d’échanges qu’au travers de claviers interposés. Cela m’a rongé, pendant longtemps. Obsédé, même. J'étais devenu dépendant, à tout cela. Cet univers dans son ensemble. Alors que je prenais mes notes, alors que j’écoutais mes cours, alors que je trempais dans un soupir mes frites dans leur ketchup, je ne pensais qu’à eux. Mes personnages, mon autre moi. Ceux que je n’étais pas. Ceux que j’étais. Ce que j’aurais pu être, ce que j’aurais dû être, ce que j’aurais rêvé d’être, ce que je craignais d'être. Ceux que je détestais, si fort, parce qu’ils me rappelaient chaque instant combien je haïssais mon caractère renfermé, combien je m'en voulais d'être ainsi isolé au fond de la classe. Ils m’encourageaient, pourtant, à tenter d’être un peu plus comme lui, un peu plus comme elle. Ils étaient moi, non ? Leurs forces étaient les miennes, non ? J’en prenais un, alors, je me drapais dans sa personnalité, je collais sur mon visage cette identité postiche. Je jouais un rôle : le mien. Je jouais à être un morceau de moi. C’est absurde, je sais. Vous ne comprenez pas, peut-être. Je ne saurais pourtant pas mieux expliquer. J’ai commencé le rpg à mes treize ans : je le continue encore. Dans l’écriture, je retrouve une sincérité que je ne parviens pas à saisir dans cette réalité qui m’entoure. Parce que je prétends être ce que je ne suis pas, tout en l’étant plus que jamais. Parce que j’ai cette illusion un peu étrange de me trouver parmi d’autres âmes perdues comme moi. Alien. Ma langue natale me semble parfaitement illustrer ce ressenti, honorant d'un même mot deux notions aussi proches que distinctes : alien. Ce que nous sommes. Etrangers parmi nos semblables, extraterrestes pour notre propre espèce. Les rpgistes sont des aliens, et à vrai dire, je suis plutôt fier d’être l’un d’eux.
Au fond, je ne peux pas vraiment me prétendre malheureux. Qu’ai-je connu, de vraiment douloureux ? La puce ? J’en ai eu peur, oui, très peur. Comment retrouver dans sa vie un inconnu, une étrangère, quand passer simplement commande est si difficile ? Comment partager son quotidien quand le cœur s’accélère devant un magasin trop bondé, quand on soupire en songeant à cette réception à laquelle on ne peut échapper, quand on bégaie face à un joli minois ? Chaque fois que j’entre dans une pièce, j’ai encore au fond du cœur ce tremblement qui me rappelle mes craintes de jeunesse : vont-ils m’accepter ? Pour combien de temps, avant qu’on ne se quitte encore ? Alors, comment sereinement accepter un mariage qui ne sera qu’imposé ? Elle est arrivée si soudainement, cette puce terrifiante. Sans que je ne puisse rien y redire, sans que je ne puisse rien y comprendre. C’était lui encore, ce père trop égoïste, qui foulait sous ses pieds ambitieux mes rêves d’enfant innocent, qui sacrifiait au grand dieu du pouvoir ma jeunesse dorée. Je l’ai tant renié pour cela. A treize ans, propulsé dans un pays nouveau, qu’important la dictature du cœur. « Advienne que pourra », semblaient-ils dire. Je l’ai secoué elle, alors, cette mère trop passive, qui regardait d’un œil vide sa vie chamboulée. Parce que je ne savais m’opposer à l’un, j’ai crié ma rage contre l’autre. Dans ses larmes pourtant, j’ai vu se diluer mon courroux. Face à sa douleur, j’ai chassé ma peur. Si frêle, si atone. Si meurtrie qu’un rien aurait pu la casser, me semblait-il. Aussi fragile qu’une mince feuille de papier face à un rude ouragan. De son mieux, elle pliait pour ne pas se déchirer, qu’important les lacérations. Un peu de scotch, sur ces coupures. « Je n’en ai pas le courage », avait-elle avoué. « Toi aussi, tu comprendras », avait-elle prédit. Accepter de tout quitter, tout sacrifier, pour quelques journées de plus, pour un sursis d’une poignée de mois ou semaines, pour même une année ou deux : comment le comprendre ? Quelle pitié, que de ne pouvoir passer sa vie qu’auprès d’un autre, que de ne s’aimer assez pour accepter de sa propre volonté de se défaire de ces griffes invisibles qui l’enserraient. Elle savait qu'elle le perdrait mais s'en moquait, si par cette épreuve elle pouvait encore le côtoyer un peu. Il me semblait presque voir les marques invisibles que son emprise psychique avait laissé sur elle. Comment était-ce seulement possible, d’ainsi posséder autrui ? En avait-il seulement conscience ? En avait-elle seulement conscience ? Mais il avait réussi. Il avait gravi les échelons, petit à petit. Ce fils de rien, cet enfant de la terre, soudainement devenait puissant. Recruté à un poste prestigieux de l’une des plus grosses sociétés d’informatique du pays, il avait fait voler les limites du possible, crever l'invisible plafond qui tentait de le ramener à terre. De le ramener à la Terre. Je le comprends maintenant ; enfin, je le comprends un peu mieux. Je comprends que sa jeunesse fut bercée du désir d’atteindre ce qu’il ne connaissait pas, de s’assurer que sur ses comptes s’alignent les chiffres jusqu’à ne manquer de rien, de se plaire à l’idée que de l’anonymat il devenait soudainement quelqu’un. Je comprends qu’après avoir tant souffert de la vétusté, fusse en pays aussi riche que celui écossais, il n’ait aspiré qu'à botter farouchement son destin misérable pour établir le sien propre. La réussite d’abord, la famille ensuite. Je perçois presque aussi cette volonté de vouloir offrir à ses enfants ce qu’il n’avait pas connu, oubliant pourtant de leur donner l’invisible richesse qu’il avait côtoyée ; l’amour, l’attention, l’affection. Maintenant, je le comprends – enfin, je le comprends un peu mieux. L'âge lisse les rancœurs, apaise les tourments, appelle à la compréhension. Mais pendant toute mon enfance… oh, que je l’ai maudit.
J’ai eu quelques souffrances, quand même. Qui me semblent si lointaines aujourd’hui, qui me semblent si dérisoires aujourd’hui. Je vous ai dit avoir eu une scolarité calme ? Elle le fut… presque. Après une enfance bercée par le chant émouvant des cornemuses, après une enfance assis tantôt sur les falaises abruptes dominant la Mer du Nord tantôt face aux landes râpées par les vents, après une enfance bercée de familières traditions, j’ai donc été projeté en plein Japon. Avec mon accent, avec mes hésitations. Avec mon incompréhension d’un monde encore changé, avec ma peur constante d’être trop jugé. Mes yeux trop ronds, mes traits trop taillés. J’aurais aimé me fondre dans la masse, ne plus me faire remarquer, que cette arrivée soit un nouveau départ positif plutôt que la continuité de mes insécurités. Mais… les rires, les moqueries, accueillirent mon désarroi. Quelques mois seulement mais quelques mois qui m’ont brisé. Je me souviens de ce rejet si violent qu’il me terrifiait la nuit venu, je me souviens avoir pleuré devant ma bougie allumée, je me souviens avoir supplié pour que demain n’arrive jamais. J’y pense encore avec colère, j’y pense encore avec regrets. J’y pense avec une infinie tristesse, pour moi, pour eux. Pour ceux qui me côtoyaient en fermant les yeux, pour ceux qui perdus sans doute n’ont su comment me tendre la main. J’y pense avec bonté aussi, devant les quelques rayons de soleil de cette époque, ces camarades bienveillants qui de quelques mots ou sourires m’insufflaient du courage. J’y pense avec honte aussi, d’avoir tant voulu mourir alors que cela semble si peu aujourd'hui. J’y pense enfin avec reconnaissance, car il m’a été possible de malgré tout poursuivre ma route avec dans une main mon archet, dans l’autre mes ouvrages. Et un sourire doux posé au coin des lèvres. Bibliothèque aux rayonnages affaissés, pupitre aux pages éparpillées : c’était là mon refuge – il n’a guère changé. Je suis fragile, trop fragile, je crois. Ce n’était que quelques mois, ce n’était que quelques mauvaises plaisanteries. Je m’en suis bien sorti, après tout.
J’ai tenté d’être plus fort, après cela. Plus « viril ». Je ne sais toujours pas vraiment ce que ce mot signifie, mais il ne m’importe plus. En revanche, quitter le lycée, entrer en université, m’a donné davantage confiance en moi. Je crois ? J’ai commencé à m’ouvrir davantage, dans cet univers plus détendu, plus mature. Moins me soucier des yeux scrutateurs, ne me centrer que sur l’essentiel, présent sous mes yeux depuis si longtemps mais tellement délaissé : moi-même. Mes envies, mes désirs. « Ne fais pas de ta passion ton travail, mais de ton travail ta passion ». C’est un bon conseil, souvent répété, rarement écouté. Plus aisé à entendre qu’à reproduire, toutefois. Je l’ai fais, pourtant. J’ai eu la chance d’en avoir la possibilité. Mon violon, ma passion. Mes ouvrages, mon travail. Mes études m’ont permis de décrocher un poste parfait dans une bibliothèque tokyoïte, avant que quelques années ne passent et que ce soit au musée National de Tokyo que je poursuive mon travail. J’ai eu une heureuse fortune, certainement : celle d’avoir été bien recommandé, d’avoir plu aux bonnes personnes. Celle, aussi, de me trouver soudainement pris au piège d'un mariage redouté qui s'est paisiblement déroulé. Nous avons eu du mal, à nous apprivoiser. Nous nous sommes tout de suite compris pourtant. Il était comme moi, un peu perdu dans ce monde trop vaste, un peu apeuré de ne pouvoir s'y repérer. Nous nous sommes aimés, alors. D'amour je ne sais pas ; de tendresse certainement. Nos jours étaient paisibles, doux comme une caresse légère sur la joue, chauds comme la fumée des chocolats au marshmallows que l'on regardait fondre en écoutant taper la pluie. Nous nous sommes soutenus, aussi, épaulés, encouragés. Prisonniers des mêmes complexes, nous avons brisé nos chaînes ensemble, patiemment, le temps que fleurisse notre confiance en soi. Nous avons soudé nos liens face au même doux sourire, aussi. Posé nos lèvres sur le même front fragile, trouvé du réconfort à la seule vue de son existence. Notre petite plante. Akemi.
Rien n’a pu nous dévier de ce plus grand bonheur qu’est la parentalité. Rien, ni les disputes ni les doutes, non plus la peur d’un futur parfois instable, pas même les Incontrôlables et leurs cris dans la nuit. Les Incontrôlables… Je ne les comprends pas vraiment, ou peut-être que si, mais je les admire seulement de loin. Assumer ses revendications, affronter le pouvoir en place, c’est beau. C’est puissant. C’est trop pour moi. Attentats, rébellion malgré tout. Je crains cette violence, ce qu’elle entraîne dans son sillage. Il y a déjà tant de choses terribles, en ce monde ; pourquoi en rajouter ? Je crois au dialogue, je crois au poids des mots. Il n’y a pas de vainqueurs, dans une guerre : seulement des morts et des endeuillés. Il n’y a pas de victoire, dans le sang : seulement des larmes et de la douleur. Derrière les murs protecteurs de notre petite maison, nous avons écouté le vacarme de leur fureur, nous avons resserré nos étreintes autour de Akemi. Sans l’Incontestable, peut-être ne serait-elle jamais parvenue jusqu’à nous. Peut-être n’aurions-nous pas eu la joie immense d’éduquer si merveilleuse enfant. Peut-être ne nous aurait-elle pas autant apporté, par sa simple existence, et nous offrir l’insigne honneur de renaître, meilleurs. J’avais pitié, aussi, de ces révoltés emprisonnés et enchaînés. Je ne crois pas à la violence, ni dans un cas, ni dans l’autre. Je sais que l’ordre est nécessaire, impératif. Mais c’est ainsi, instinctif. Viscéral. Je sens mon ventre se nouer à ces tristes nouvelles d’arrestations, je sens mon cœur vaciller face à tous ces rêves bousculés, traînés, déchiquetés. Héros pour les uns, criminels pour les autres. A mes yeux, ils ne sont que malchanceux. Nés dans le mauvais pays, dans la mauvaise époque. Cette conclusion, je l’ai souvent pensé, aussi. Cela m’arrive encore. Chacun doit trouver sa voie, je crois. Non sa raison d’exister, car cette question n’entraîne toujours que dévalorisation et incertitudes. Plutôt la raison pour laquelle on souhaite exister. La mienne, je l’ai trouvé, il y a dix-sept ans déjà.
Elle était là, sous mes yeux, dans mes bras. Mon cœur se soulevait sous le flot d’émotions se déversant en moi. Ma fille. Mon enfant. Mon bébé. Elle est entrée dans ma vie si soudainement, si naturellement. Si vite devenue mon essentiel, mon univers, mon souffle de vie. Cliché, je sais mais… c’est une présence qui s’installe au fond de l’être pour ne jamais ressortir. Qu’importe l’instant, il y a toujours une petite pensée pour elle. J’étais bien, avant. Je ne comprenais pas ce qu’était vraiment ce mot, « paternité ». J’étais mieux, ensuite. J’ai compris que certaines choses ne s’expliquent pas. Elles se vivent, elles se ressentent, elles s’expérimentent. L’entendre rire et babiller de joie, voir l’éclat de colère dans ses pupilles sombres, peigner ses cheveux fins et soyeux, quel incommensurable cadeau la vie m’avait-elle offerte. Noter ses évolutions de taille et sourire à ses sauts de joie d’avoir pris quelques centimètres, l’accueillir contre moi pour chasser ses cauchemars la nuit venue, l’écouter me raconter ses journées sitôt rentrée de l’école… Il y aurait tant à dire, chaque seconde passée à ses côtés n’étant que douceur. Malgré ses caprices, malgré ses bêtises, malgré chacun de ses mensonges et chacun de ses excès. Elle fut, elle est, elle restera mon petit chardon, et nul ne pourra briser ce lien fusionnel qui nous unit. « Papa poule », diraient-ils. Je n’en ai pas honte. Je l’ai couvé avec attention, parfois trop peut-être. Mais est-il seulement possible de trop aimer son enfant ? Avec ses qualités et ses défauts, elle ne saurait être meilleure qu'elle ne l'est. Vous qui ne connaissez pas cette indescriptible émotion qu’est la douce contemplation de son petit endormi, je vous défie de seulement tenter me juger. Quel que soit son âge, quel que soit le mien, elle reste à mes yeux aussi parfaite qu’au premier regard échangé, aussi fragile qu’au premier jour dans ma vie. Cette terreur ressentie, en la découvrant malade. Shukumei ne nous avait épargné que pour deux ans plus tard, l’épidémie vienne nous trouver, s’en prenne à notre petit chardon qui sous ses piquants ne savait se défendre de l’insidieuse menace. Nous l’avons veillée, choyée. Avons été à ses côtés jusqu’à sa rémission puis, soulagés, nous avons baissé notre garde. Un instant. Un seul instant, suffisant pour qu’elle meure. Pour que nous l’ayons cru, du moins. Quel ascenseur émotionnel dévastateur, que d’apprendre le décès de son enfant pour le voir finalement revenir. Quelle horreur glaciale, quel soulagement inhumain. On ne suffoque que pour mieux respirer, on s’effondre pour se relever d’un bond. Et qu’importe qu’elle se soit signalée tout de suite, nous avons continué de crainte, jour après jour, que l’on vienne nous l’arracher. Aujourd’hui, cette peur a disparu ; la chasse à l’humain – quel nom barbare – est terminée. Une autre subsiste. Dix-sept ans aujourd’hui, déjà je la sais à la merci d’un mariage à venir. Elle a bien grandi, certes ; trop vite, ainsi que chaque parent le dira. Son enfance, son adolescence, ont passé avant que je n’aie le temps d’en prendre véritablement conscience. Adoptée à deux ans, je n’étais moi-même qu’un enfant - un grand enfant certes. Trop vite est arrivé le jour où j’ai compris qu’une lettre pourrait à tout instant venir troubler sa quiétude. J’espère, je prie, pour qu’elle trouve sa moitié d’âme, que son union soit heureuse. Mais pas tout de suite. Non, qu’elle vive encore sa jeunesse, ses rêves, sa liberté. Qu’elle se trompe, encore, souvent ; qu’elle aime, encore, souvent. Qu’elle s’amuse surtout, qu’elle conserve ce sourire qui lui va si bien, cette joie d’être qui ravit le monde. Qu’elle n’ait pas encore à connaître le choc d’une rencontre brutale, celui d’un divorce soudain. Comme le nôtre.
Divorce. Une annonce sèche ; comme toujours dans ce pays. Quelques lignes sur le moniteur. Une surprise ? Pas vraiment. Au fil des ans, nos liens s’étaient distendus, jusqu’à faire de nous… quoi ? Je ne sais pas. Deux coquilles vides qui se rencontraient, sans haine ni passion, sans tendresse ni dégoût. La complicité s'était évaporée, l'amitié s'était noyée sous l'ennui quotidien. Les devoirs n’étaient ni plaisir ni pénitence : ils étaient. La monotonie s’étalait telle une lourde chappe de plomb sur nous, engluant notre quotidien, éteignant chacun de nos sursauts d’énergie. Même lors de l’arrêt du moniteur, nous avions docilement poursuivi nos devoirs, sans que jamais ne soit bouleversé ces jours qui s’enchaînaient, toujours identiques. Février deux mille cent douze, nous étions soudainement libres. Choqués, peut-être, de ce brouillard qui nous libérait. Secoués d’être brutalement tirés de ce qui devenait un automatisme. Avec une pointe de tristesse, avec une pointe de soulagement, nous nous sommes séparés. Lui est parti loin de la ville, loin du bruit, loin de la foule. Une démission pour accompagner un divorce : rude changement de vie. Loin du va-et-vient permanent de la capitale, préférant rentrer dans sa contrée d’enfance, renouer avec lui-même. Pour tout cela, je l'admire encore. Et, parfois, je trouve quelques lettres de lui. Tamponnées d'un petit dessin rose, malicieux rappel de notre rencontre. La complicité n'est pas revenue, pas entièrement du moins - comment le pourrait-elle, quand tant s'est passé ? Mais il restera cher à mes yeux, toujours. Nos histoires sont trop liées pour un jour l’oublier.
Désormais, je n’attends rien de plus, de l’Incontestable. Mais je ne le crains plus. S’il a su rendre tant d’années de ma vie paisibles et lumineuses, je ne doute pas qu’il saura recommencer. Je n’attends pas davantage de la vie non plus. Elle m’a tant apporté déjà. Alors, je me berce simplement de mon violon, comme de mes illusions.
Je suis né en Ecosse sous la lune d’argent, entouré de regards aimants, bercé des rires joyeux fêtant mon arrivée en ce vaste monde. Mon regard, sitôt, s’est fixé sur ses prunelles sombres, a aimé chacune des rides qui sillonnait son visage épuisé. Mon corps, sitôt, a réclamé la douceur de ses bras, la tendresse de ses étreintes. Ma mère fut toujours un pilier solide, un roc inébranlable. Si forte, si délicate. De ma naissance à ma mort, elle sera dans chacune de mes pensées. Une héroïne du quotidien, une étoile dans le lointain ; quoi qu’elle ait pu faire. J’aurais voulu n’avoir qu’un dixième de son courage, n’avoir qu’un centième de sa force mentale, n’avoir qu’un millième de sa volonté de survivre. Pour elle, j’aurais volontiers retourné les cieux et ébranlé la terre, cherché Nessie dans son grand lac, attrapé les lutins cachés au creux des arbres. Patiemment, elle m’a éduqué au prix de sa propre santé, au sacrifice de ses propres rêves. Elle m’a élevé en s’oubliant elle-même, elle m’a fait la haïr autant que l’aimer. Dans mon univers sans cesse chamboulé, elle était là, stable, immuable. Drôle, sévère. Tantôt juste, tantôt partiale. Humaine, certainement. Ballottée au gré des vents furieux que soufflait un époux trop indépendant, prisonnière d’une éducation qui l’avait faite femme des siècles passée. Les convictions demeuraient en son cœur sans que jamais elle n’ose les exprimer, les rancœurs s’accumulaient en son cœur sans que jamais elle n’ose les exprimer. Cela, je l’ai vu très tôt, je l’ai compris très vite, alors que les années s’entrecoupaient si souvent de déménagements auxquels je me suis bien trop vite habitué. Ce monde si instable que je connaissais me semblait être seul à pouvoir exister ; il me semblait alors n’être qu’un curieux avançant de tableau en tableau, de vitrine en vitrine, sans même comprendre que ces décors changeants devenaient chaque fois miens. Pour quelques mois, pour quelques années, avant qu’une nouvelle toile ne viennent les recouvrir.
Sans cesse trimbalé, dans une ville puis dans une autre, j’ai appris dans les livres, j’ai appris dans les rêves. Timidement, j’ai observé mes semblables qui grandissaient ensemble, tenté encore et encore de leur appartenir. Mais j’avais beau tendre les mains, avancer mon âme auprès des leurs, sitôt qu’enfin je m’approchais, je me sentais aspiré en arrière. De maison en maison, d’école en école. A peine le temps de découvrir, à peine le temps d’apprécier, à peine le temps de connaître. « Tu en as vu, des choses ! ». Oui j’en ai vu, beaucoup. Plus que bien d’autres sûrement, j’ai découvert les subtilités du terroir, j’ai rencontré d’incroyables personnes. « Tu en as fait, des choses ! ». Oui j’en ai fait, beaucoup. Plus que bien d’autres sûrement, j’ai parcouru des paysages incroyables, j’ai vécu de surprenantes aventures. Connu la tempête et la foudre, croisé le soleil printanier, sourit à la brume naissante sur l’onde endormie des lacs montagneux. J’ai senti mon cœur s’emballer devant le gazouillement des ruisseaux des collines verdoyantes, j’ai senti mon cœur cogner en contemplant la longue étendue de l’océan grincheux. J’ai fais de grands voyages, dormi dans des draps de soie, mangé dans des assiettes en argent. Et pourtant, pourtant… Pourtant… je n’aspirais qu’à un peu de silence, qu’à quelques pages dans un livre. Rien de grandiose, juste me poser et trouver à qui m’ouvrir. Pourtant… j’enviais ces êtres unis ayant appris à grandir ensemble, ces amis d’enfance qui se connaissent si bien, cette confiance aveugle entre deux frères de cœur. A chacune de ces nouvelles régions découvertes, j’ai davantage oublié ce que c’était, que d’être humain. Je suis devenu un peu plus sauvage, un peu plus renfermé. Comme l’oiseau apeuré qui, de son nid trop haut, observe le vide sous ses yeux anxieux : pour survivre, je devais m’envoler, essayer de rejoindre mes pairs, quitter le carcan qui m’entravait. Je n’ai jamais pu, du moins jamais vraiment. Je crois qu'une part de moi est restée là-haut, cachée sous la frondaison des arbres, accrochant le nid si protecteur. J’ai noué autour de mon âme un solide rideau de fer, qui ne s’entrouvrait que pour se laisser sèchement retomber à chaque nouvelle désillusion. Chaque jour, chaque mois, chaque année, je me suis senti dépassé. Perdu. Blessé. J’ai un peu plus pleuré de voir si peu de sincérité dans ces liens que je croyais authentiques, j’ai un peu plus souffert de ronger ma solitude dévorante. J’avais beau être entouré, physiquement, combien je me sentais seul ! J’aurais volontiers troqué tous ces souvenirs sur mes étagères pour conserver à mes côtés une âme sincère, j’aurais volontiers troqué tous ces objets accumulés pour une jeunesse partagée. Nous étions trois enfants, fort heureusement – mais de mes aînés, jumeaux, je n’ai jamais été proche. Plus jeune peut-être nous avons partagé quelques jeux, quelques rires. Une complicité, trop vite égarée. Notre écart s’est creusé et sans comprendre, je les ai vu s’éloigner main dans la main. Sans que jamais ils n’entament le chemin du retour.
J’ai néanmoins trouvé un fidèle compagnon, fusse-t-il inhabituel : mon violon. A neuf ans j’oscillais entre la musique et la lecture, cherchant en vain un peu d’attention auprès de proches agacés. Toujours trop critiques, derrière l’amour que je savais pourtant existant. « Trop sensible », me disaient-ils. « Arrête de penser » ; comme si c’était aisé. Les pensées tourbillonnent toujours sans fin sous mon crâne et j’aimerais tant enfin les figer. La nuit venue, je fixe le noir sous mes yeux ouverts, je contemple des heures durant ce mince rai de lumière d’un lampadaire trop clair, je refais le monde à ma façon. Je repense à ceci, je repense à cela. Les souvenirs remontent, parfois si anciens, parfois si futiles. Je sais que je ne dois pas leur donner ainsi une telle emprise ; mais qu’y puis-je ? Depuis si longtemps, je suis fatigué de toujours tout étudier, je suis fatigué de toujours trop analyser. Prendre la vie comme elle vient, cela semble si facile, pour eux. Et je ne comprends pas. Je ne comprends pas comment ils font tout ça. Je ne comprends pas qu’ils ne me comprennent pas, je ne comprends pas pourquoi je ne les comprends pas. Qu’avons-nous de si différent ? Suis-je simplement fou, une anomalie de ce monde, une tragique erreur de la Nature ? Ou bien eux le sont-ils, le nient, s'en jouent, s'en moquent avec une certaine sagesse ?
Mon collège, mon lycée ? Ils se sont déroulés posément. Sans anicroche notable. Un peu tristement, alors que je ne pouvais que fuir ces soirées bruyantes, ces corps qui se pressaient au son d’une musique trop forte. J’étais ennuyeux, je crois. Non, je le suis toujours. J’en suis sûr, même. J’ai côtoyé quelques camarades, mais plusieurs fois ils se sont soudainement détournés. Sans explication, sans regard, ils m’ont brusquement ignoré, me laissant seul avec ma honte, me laissant seul avec ma peine. J’ai timidement demandé, quand même : « qu’ai-je fais ? » et « pourquoi ? ». Le silence longtemps m’a répondu, jusqu’à ce que dans une grimace contrite, l’un d’eux le confesse en me croisant. Parce que je ne buvais pas dans ces soirées surpeuplées que j’évitais tant que possible, parce que je m’insurgeais craintivement devant l’hilarité morbide de camarades brûlant vive une araignée. Aujourd’hui, je félicite cet adolescent tremblant, d’avoir sacrifié ses envies de compagnie à son humanité. D'aucuns soupirent en me lisant, méprisants : "tant d'histoires pour ça…" Mais à mes yeux, tout est d'importance, et qu'importe si les vôtres se ferment trop vite.
Je suis serein, désormais. Je l'étais moins, à l’époque. C’est malheureux, vous savez, de n’avoir d’amis que des pseudonymes sans visage, de n’avoir d’échanges qu’au travers de claviers interposés. Cela m’a rongé, pendant longtemps. Obsédé, même. J'étais devenu dépendant, à tout cela. Cet univers dans son ensemble. Alors que je prenais mes notes, alors que j’écoutais mes cours, alors que je trempais dans un soupir mes frites dans leur ketchup, je ne pensais qu’à eux. Mes personnages, mon autre moi. Ceux que je n’étais pas. Ceux que j’étais. Ce que j’aurais pu être, ce que j’aurais dû être, ce que j’aurais rêvé d’être, ce que je craignais d'être. Ceux que je détestais, si fort, parce qu’ils me rappelaient chaque instant combien je haïssais mon caractère renfermé, combien je m'en voulais d'être ainsi isolé au fond de la classe. Ils m’encourageaient, pourtant, à tenter d’être un peu plus comme lui, un peu plus comme elle. Ils étaient moi, non ? Leurs forces étaient les miennes, non ? J’en prenais un, alors, je me drapais dans sa personnalité, je collais sur mon visage cette identité postiche. Je jouais un rôle : le mien. Je jouais à être un morceau de moi. C’est absurde, je sais. Vous ne comprenez pas, peut-être. Je ne saurais pourtant pas mieux expliquer. J’ai commencé le rpg à mes treize ans : je le continue encore. Dans l’écriture, je retrouve une sincérité que je ne parviens pas à saisir dans cette réalité qui m’entoure. Parce que je prétends être ce que je ne suis pas, tout en l’étant plus que jamais. Parce que j’ai cette illusion un peu étrange de me trouver parmi d’autres âmes perdues comme moi. Alien. Ma langue natale me semble parfaitement illustrer ce ressenti, honorant d'un même mot deux notions aussi proches que distinctes : alien. Ce que nous sommes. Etrangers parmi nos semblables, extraterrestes pour notre propre espèce. Les rpgistes sont des aliens, et à vrai dire, je suis plutôt fier d’être l’un d’eux.
Au fond, je ne peux pas vraiment me prétendre malheureux. Qu’ai-je connu, de vraiment douloureux ? La puce ? J’en ai eu peur, oui, très peur. Comment retrouver dans sa vie un inconnu, une étrangère, quand passer simplement commande est si difficile ? Comment partager son quotidien quand le cœur s’accélère devant un magasin trop bondé, quand on soupire en songeant à cette réception à laquelle on ne peut échapper, quand on bégaie face à un joli minois ? Chaque fois que j’entre dans une pièce, j’ai encore au fond du cœur ce tremblement qui me rappelle mes craintes de jeunesse : vont-ils m’accepter ? Pour combien de temps, avant qu’on ne se quitte encore ? Alors, comment sereinement accepter un mariage qui ne sera qu’imposé ? Elle est arrivée si soudainement, cette puce terrifiante. Sans que je ne puisse rien y redire, sans que je ne puisse rien y comprendre. C’était lui encore, ce père trop égoïste, qui foulait sous ses pieds ambitieux mes rêves d’enfant innocent, qui sacrifiait au grand dieu du pouvoir ma jeunesse dorée. Je l’ai tant renié pour cela. A treize ans, propulsé dans un pays nouveau, qu’important la dictature du cœur. « Advienne que pourra », semblaient-ils dire. Je l’ai secoué elle, alors, cette mère trop passive, qui regardait d’un œil vide sa vie chamboulée. Parce que je ne savais m’opposer à l’un, j’ai crié ma rage contre l’autre. Dans ses larmes pourtant, j’ai vu se diluer mon courroux. Face à sa douleur, j’ai chassé ma peur. Si frêle, si atone. Si meurtrie qu’un rien aurait pu la casser, me semblait-il. Aussi fragile qu’une mince feuille de papier face à un rude ouragan. De son mieux, elle pliait pour ne pas se déchirer, qu’important les lacérations. Un peu de scotch, sur ces coupures. « Je n’en ai pas le courage », avait-elle avoué. « Toi aussi, tu comprendras », avait-elle prédit. Accepter de tout quitter, tout sacrifier, pour quelques journées de plus, pour un sursis d’une poignée de mois ou semaines, pour même une année ou deux : comment le comprendre ? Quelle pitié, que de ne pouvoir passer sa vie qu’auprès d’un autre, que de ne s’aimer assez pour accepter de sa propre volonté de se défaire de ces griffes invisibles qui l’enserraient. Elle savait qu'elle le perdrait mais s'en moquait, si par cette épreuve elle pouvait encore le côtoyer un peu. Il me semblait presque voir les marques invisibles que son emprise psychique avait laissé sur elle. Comment était-ce seulement possible, d’ainsi posséder autrui ? En avait-il seulement conscience ? En avait-elle seulement conscience ? Mais il avait réussi. Il avait gravi les échelons, petit à petit. Ce fils de rien, cet enfant de la terre, soudainement devenait puissant. Recruté à un poste prestigieux de l’une des plus grosses sociétés d’informatique du pays, il avait fait voler les limites du possible, crever l'invisible plafond qui tentait de le ramener à terre. De le ramener à la Terre. Je le comprends maintenant ; enfin, je le comprends un peu mieux. Je comprends que sa jeunesse fut bercée du désir d’atteindre ce qu’il ne connaissait pas, de s’assurer que sur ses comptes s’alignent les chiffres jusqu’à ne manquer de rien, de se plaire à l’idée que de l’anonymat il devenait soudainement quelqu’un. Je comprends qu’après avoir tant souffert de la vétusté, fusse en pays aussi riche que celui écossais, il n’ait aspiré qu'à botter farouchement son destin misérable pour établir le sien propre. La réussite d’abord, la famille ensuite. Je perçois presque aussi cette volonté de vouloir offrir à ses enfants ce qu’il n’avait pas connu, oubliant pourtant de leur donner l’invisible richesse qu’il avait côtoyée ; l’amour, l’attention, l’affection. Maintenant, je le comprends – enfin, je le comprends un peu mieux. L'âge lisse les rancœurs, apaise les tourments, appelle à la compréhension. Mais pendant toute mon enfance… oh, que je l’ai maudit.
J’ai eu quelques souffrances, quand même. Qui me semblent si lointaines aujourd’hui, qui me semblent si dérisoires aujourd’hui. Je vous ai dit avoir eu une scolarité calme ? Elle le fut… presque. Après une enfance bercée par le chant émouvant des cornemuses, après une enfance assis tantôt sur les falaises abruptes dominant la Mer du Nord tantôt face aux landes râpées par les vents, après une enfance bercée de familières traditions, j’ai donc été projeté en plein Japon. Avec mon accent, avec mes hésitations. Avec mon incompréhension d’un monde encore changé, avec ma peur constante d’être trop jugé. Mes yeux trop ronds, mes traits trop taillés. J’aurais aimé me fondre dans la masse, ne plus me faire remarquer, que cette arrivée soit un nouveau départ positif plutôt que la continuité de mes insécurités. Mais… les rires, les moqueries, accueillirent mon désarroi. Quelques mois seulement mais quelques mois qui m’ont brisé. Je me souviens de ce rejet si violent qu’il me terrifiait la nuit venu, je me souviens avoir pleuré devant ma bougie allumée, je me souviens avoir supplié pour que demain n’arrive jamais. J’y pense encore avec colère, j’y pense encore avec regrets. J’y pense avec une infinie tristesse, pour moi, pour eux. Pour ceux qui me côtoyaient en fermant les yeux, pour ceux qui perdus sans doute n’ont su comment me tendre la main. J’y pense avec bonté aussi, devant les quelques rayons de soleil de cette époque, ces camarades bienveillants qui de quelques mots ou sourires m’insufflaient du courage. J’y pense avec honte aussi, d’avoir tant voulu mourir alors que cela semble si peu aujourd'hui. J’y pense enfin avec reconnaissance, car il m’a été possible de malgré tout poursuivre ma route avec dans une main mon archet, dans l’autre mes ouvrages. Et un sourire doux posé au coin des lèvres. Bibliothèque aux rayonnages affaissés, pupitre aux pages éparpillées : c’était là mon refuge – il n’a guère changé. Je suis fragile, trop fragile, je crois. Ce n’était que quelques mois, ce n’était que quelques mauvaises plaisanteries. Je m’en suis bien sorti, après tout.
J’ai tenté d’être plus fort, après cela. Plus « viril ». Je ne sais toujours pas vraiment ce que ce mot signifie, mais il ne m’importe plus. En revanche, quitter le lycée, entrer en université, m’a donné davantage confiance en moi. Je crois ? J’ai commencé à m’ouvrir davantage, dans cet univers plus détendu, plus mature. Moins me soucier des yeux scrutateurs, ne me centrer que sur l’essentiel, présent sous mes yeux depuis si longtemps mais tellement délaissé : moi-même. Mes envies, mes désirs. « Ne fais pas de ta passion ton travail, mais de ton travail ta passion ». C’est un bon conseil, souvent répété, rarement écouté. Plus aisé à entendre qu’à reproduire, toutefois. Je l’ai fais, pourtant. J’ai eu la chance d’en avoir la possibilité. Mon violon, ma passion. Mes ouvrages, mon travail. Mes études m’ont permis de décrocher un poste parfait dans une bibliothèque tokyoïte, avant que quelques années ne passent et que ce soit au musée National de Tokyo que je poursuive mon travail. J’ai eu une heureuse fortune, certainement : celle d’avoir été bien recommandé, d’avoir plu aux bonnes personnes. Celle, aussi, de me trouver soudainement pris au piège d'un mariage redouté qui s'est paisiblement déroulé. Nous avons eu du mal, à nous apprivoiser. Nous nous sommes tout de suite compris pourtant. Il était comme moi, un peu perdu dans ce monde trop vaste, un peu apeuré de ne pouvoir s'y repérer. Nous nous sommes aimés, alors. D'amour je ne sais pas ; de tendresse certainement. Nos jours étaient paisibles, doux comme une caresse légère sur la joue, chauds comme la fumée des chocolats au marshmallows que l'on regardait fondre en écoutant taper la pluie. Nous nous sommes soutenus, aussi, épaulés, encouragés. Prisonniers des mêmes complexes, nous avons brisé nos chaînes ensemble, patiemment, le temps que fleurisse notre confiance en soi. Nous avons soudé nos liens face au même doux sourire, aussi. Posé nos lèvres sur le même front fragile, trouvé du réconfort à la seule vue de son existence. Notre petite plante. Akemi.
Rien n’a pu nous dévier de ce plus grand bonheur qu’est la parentalité. Rien, ni les disputes ni les doutes, non plus la peur d’un futur parfois instable, pas même les Incontrôlables et leurs cris dans la nuit. Les Incontrôlables… Je ne les comprends pas vraiment, ou peut-être que si, mais je les admire seulement de loin. Assumer ses revendications, affronter le pouvoir en place, c’est beau. C’est puissant. C’est trop pour moi. Attentats, rébellion malgré tout. Je crains cette violence, ce qu’elle entraîne dans son sillage. Il y a déjà tant de choses terribles, en ce monde ; pourquoi en rajouter ? Je crois au dialogue, je crois au poids des mots. Il n’y a pas de vainqueurs, dans une guerre : seulement des morts et des endeuillés. Il n’y a pas de victoire, dans le sang : seulement des larmes et de la douleur. Derrière les murs protecteurs de notre petite maison, nous avons écouté le vacarme de leur fureur, nous avons resserré nos étreintes autour de Akemi. Sans l’Incontestable, peut-être ne serait-elle jamais parvenue jusqu’à nous. Peut-être n’aurions-nous pas eu la joie immense d’éduquer si merveilleuse enfant. Peut-être ne nous aurait-elle pas autant apporté, par sa simple existence, et nous offrir l’insigne honneur de renaître, meilleurs. J’avais pitié, aussi, de ces révoltés emprisonnés et enchaînés. Je ne crois pas à la violence, ni dans un cas, ni dans l’autre. Je sais que l’ordre est nécessaire, impératif. Mais c’est ainsi, instinctif. Viscéral. Je sens mon ventre se nouer à ces tristes nouvelles d’arrestations, je sens mon cœur vaciller face à tous ces rêves bousculés, traînés, déchiquetés. Héros pour les uns, criminels pour les autres. A mes yeux, ils ne sont que malchanceux. Nés dans le mauvais pays, dans la mauvaise époque. Cette conclusion, je l’ai souvent pensé, aussi. Cela m’arrive encore. Chacun doit trouver sa voie, je crois. Non sa raison d’exister, car cette question n’entraîne toujours que dévalorisation et incertitudes. Plutôt la raison pour laquelle on souhaite exister. La mienne, je l’ai trouvé, il y a dix-sept ans déjà.
Elle était là, sous mes yeux, dans mes bras. Mon cœur se soulevait sous le flot d’émotions se déversant en moi. Ma fille. Mon enfant. Mon bébé. Elle est entrée dans ma vie si soudainement, si naturellement. Si vite devenue mon essentiel, mon univers, mon souffle de vie. Cliché, je sais mais… c’est une présence qui s’installe au fond de l’être pour ne jamais ressortir. Qu’importe l’instant, il y a toujours une petite pensée pour elle. J’étais bien, avant. Je ne comprenais pas ce qu’était vraiment ce mot, « paternité ». J’étais mieux, ensuite. J’ai compris que certaines choses ne s’expliquent pas. Elles se vivent, elles se ressentent, elles s’expérimentent. L’entendre rire et babiller de joie, voir l’éclat de colère dans ses pupilles sombres, peigner ses cheveux fins et soyeux, quel incommensurable cadeau la vie m’avait-elle offerte. Noter ses évolutions de taille et sourire à ses sauts de joie d’avoir pris quelques centimètres, l’accueillir contre moi pour chasser ses cauchemars la nuit venue, l’écouter me raconter ses journées sitôt rentrée de l’école… Il y aurait tant à dire, chaque seconde passée à ses côtés n’étant que douceur. Malgré ses caprices, malgré ses bêtises, malgré chacun de ses mensonges et chacun de ses excès. Elle fut, elle est, elle restera mon petit chardon, et nul ne pourra briser ce lien fusionnel qui nous unit. « Papa poule », diraient-ils. Je n’en ai pas honte. Je l’ai couvé avec attention, parfois trop peut-être. Mais est-il seulement possible de trop aimer son enfant ? Avec ses qualités et ses défauts, elle ne saurait être meilleure qu'elle ne l'est. Vous qui ne connaissez pas cette indescriptible émotion qu’est la douce contemplation de son petit endormi, je vous défie de seulement tenter me juger. Quel que soit son âge, quel que soit le mien, elle reste à mes yeux aussi parfaite qu’au premier regard échangé, aussi fragile qu’au premier jour dans ma vie. Cette terreur ressentie, en la découvrant malade. Shukumei ne nous avait épargné que pour deux ans plus tard, l’épidémie vienne nous trouver, s’en prenne à notre petit chardon qui sous ses piquants ne savait se défendre de l’insidieuse menace. Nous l’avons veillée, choyée. Avons été à ses côtés jusqu’à sa rémission puis, soulagés, nous avons baissé notre garde. Un instant. Un seul instant, suffisant pour qu’elle meure. Pour que nous l’ayons cru, du moins. Quel ascenseur émotionnel dévastateur, que d’apprendre le décès de son enfant pour le voir finalement revenir. Quelle horreur glaciale, quel soulagement inhumain. On ne suffoque que pour mieux respirer, on s’effondre pour se relever d’un bond. Et qu’importe qu’elle se soit signalée tout de suite, nous avons continué de crainte, jour après jour, que l’on vienne nous l’arracher. Aujourd’hui, cette peur a disparu ; la chasse à l’humain – quel nom barbare – est terminée. Une autre subsiste. Dix-sept ans aujourd’hui, déjà je la sais à la merci d’un mariage à venir. Elle a bien grandi, certes ; trop vite, ainsi que chaque parent le dira. Son enfance, son adolescence, ont passé avant que je n’aie le temps d’en prendre véritablement conscience. Adoptée à deux ans, je n’étais moi-même qu’un enfant - un grand enfant certes. Trop vite est arrivé le jour où j’ai compris qu’une lettre pourrait à tout instant venir troubler sa quiétude. J’espère, je prie, pour qu’elle trouve sa moitié d’âme, que son union soit heureuse. Mais pas tout de suite. Non, qu’elle vive encore sa jeunesse, ses rêves, sa liberté. Qu’elle se trompe, encore, souvent ; qu’elle aime, encore, souvent. Qu’elle s’amuse surtout, qu’elle conserve ce sourire qui lui va si bien, cette joie d’être qui ravit le monde. Qu’elle n’ait pas encore à connaître le choc d’une rencontre brutale, celui d’un divorce soudain. Comme le nôtre.
Divorce. Une annonce sèche ; comme toujours dans ce pays. Quelques lignes sur le moniteur. Une surprise ? Pas vraiment. Au fil des ans, nos liens s’étaient distendus, jusqu’à faire de nous… quoi ? Je ne sais pas. Deux coquilles vides qui se rencontraient, sans haine ni passion, sans tendresse ni dégoût. La complicité s'était évaporée, l'amitié s'était noyée sous l'ennui quotidien. Les devoirs n’étaient ni plaisir ni pénitence : ils étaient. La monotonie s’étalait telle une lourde chappe de plomb sur nous, engluant notre quotidien, éteignant chacun de nos sursauts d’énergie. Même lors de l’arrêt du moniteur, nous avions docilement poursuivi nos devoirs, sans que jamais ne soit bouleversé ces jours qui s’enchaînaient, toujours identiques. Février deux mille cent douze, nous étions soudainement libres. Choqués, peut-être, de ce brouillard qui nous libérait. Secoués d’être brutalement tirés de ce qui devenait un automatisme. Avec une pointe de tristesse, avec une pointe de soulagement, nous nous sommes séparés. Lui est parti loin de la ville, loin du bruit, loin de la foule. Une démission pour accompagner un divorce : rude changement de vie. Loin du va-et-vient permanent de la capitale, préférant rentrer dans sa contrée d’enfance, renouer avec lui-même. Pour tout cela, je l'admire encore. Et, parfois, je trouve quelques lettres de lui. Tamponnées d'un petit dessin rose, malicieux rappel de notre rencontre. La complicité n'est pas revenue, pas entièrement du moins - comment le pourrait-elle, quand tant s'est passé ? Mais il restera cher à mes yeux, toujours. Nos histoires sont trop liées pour un jour l’oublier.
Désormais, je n’attends rien de plus, de l’Incontestable. Mais je ne le crains plus. S’il a su rendre tant d’années de ma vie paisibles et lumineuses, je ne doute pas qu’il saura recommencer. Je n’attends pas davantage de la vie non plus. Elle m’a tant apporté déjà. Alors, je me berce simplement de mon violon, comme de mes illusions.
Physique

Miroir mon beau miroir… Dis-moi, quelle est donc cette image que tu me renvoies ? Une silhouette haute et mince, que d’aucuns diraient malingre peut-être, le plus souvent vêtue d’habits sobres, classiques. La démarche souple, rapide, un peu effacée. Les épaules doucement voûtées, habituées à se pencher vers écran comme papier. Je n’ai ni le charisme d’Ethan, chef d’entreprise d’univers steampunk, ni l’attrait séducteur de Eredan, le magicien malin, pas plus que l’aura respectable de Aëla, la sage guerrière. Je l’eus aimé mais… Je n’émets rien, j’en suis certain. Je suis terne, aucun éclat. A trop rester dans l’ombre, on devient ombre soi-même. Sous ma chevelure sombre aux épis rebelles, un visage pointu se révèle, que je n’apprécie ni ne rejette. Je l’ai, c’est tout. Avec ces pommettes hautes et ces joues un peu creuses, avec ces lèvres fines à la moue un peu triste, avec ce long nez droit presque pointu, avec ces iris tranquilles de glauque teintés. Avec, aussi, ce front large sur lequel viennent danser quelques mèches timides. Avec, aussi, ce teint pâle qui, naît sous le ciel gris de l’Ecosse, ne brunit jamais. Il n’est pas vraiment beau, ce visage. Point laid non plus. Cela me convient très bien. Aussi discret soit-il, l’absence de tout trait nippon le rend par déjà trop notable. Parfois, je laisse une barbe légère venir ronger ma figure pâle ; comme pour me cacher derrière ce masque naturel. Quelques fois aussi des lunettes viennent s’ajouter au tableau. Nécessaires, pour soulager ma vue fatiguée. De quelques gestes retenus, je les ôte sitôt loin des écrans. Retrouve l’expression de douce mélancolie qui semble gravée sur mes traits. La même – mais cela, miroir, tu n’en sauras jamais rien – qui résonne dans ma voix grave et posée, au timbre bas. La même, qui flotte souvent dans mes prunelles rêveuses. Celle que vous aurez oublié sitôt l’attention détournée, comme vous m’aurez bien vite effacé de votre mémoire, de vos vies ; parce que, je le sais, il n’y a rien de marquant en moi.
Caractère
Il est si difficile, de se présenter. Les qualités, les défauts… tout n’est que subjectivité. Il faut connaître, pour décrire. Il faut comprendre, pour décrire. Je ne suis certain ni de me connaître, ni de me comprendre. Incertain, alors ? Oui, peut-être. Les décisions m’effraient, les choix m’angoissent. Tant de possibilités qui soudainement s’ouvrent à moi, tant de chemins que mon esprit parcourt au plus vite pour tenter de n’en garder qu’un. Avec tous ces doutes et tous ces regrets qui s’entassent : « et si… », « j’aurais dû… ». Faire ceci, dire cela. Surtout, dire cela. Car le langage verbal m’apparaît toujours si compliqué. Les regards me déconcertent, les visages me déconcentrent. Le temps, l’expérience, sont venus quelque peu apaiser mes craintes, m’offrant une confiance en moi qui quoique encore faible, m’apparaît déjà être une extraordinaire progression. Je ne bégaie plus, je ne tremble plus. Je me renferme en revanche, sitôt face à d’inconnus visages. Je me cache malgré des sourires hésitants, je me claustre dans ma timidité. Désemparé face aux chagrins, dérouté face aux colères, décontenancé dès que me voilà face à un caractère trop vif, je garde le silence, pudique et réservé. Les mots me viennent pourtant au naturel, à l’écrit. Si aisément que c’en est effrayant. Toujours aussi posé, toujours aussi calme, mais davantage sincère. Je ne vois pas le jugement, dans leurs regards. Je peux nier l’ironie, dans leurs propos – et je la nie d’autant plus que souvent, second degré et sarcasme m’effleurent sans que je ne les comprenne. Bien à l’abri, en moi-même, je sais formuler le plus complexe, je rassure et apaise, j’invite à la confidence aisément. Je me dévoile, aussi. J’aide, aussi. Car demeure encore en moi ce petit garçon que j’étais, sûrement, je souffre de chacune des peines qui me parviennent. J’ai mal pour lui dont le mariage est désastreux, j’ai mal pour elle dont la mère est malade, j’ai mal pour tous ceux qui ont mal ; parce que j’avais mal pour moi, sans nul confident auprès de qui partager mon mal-être, je veux qu’au moins eux ne connaissent jamais cette douloureuse solitude. Alors, je prends le temps qu’il faut pour les écouter, alors je prends l’énergie qu’il faut pour les réconforter. Quelques mots sur un clavier, quelques lignes sur un écran. Salutaires, j’espère. Sans doute est-ce pour cela que mes proches me disent empathique et sensible, derrière ma barrière de glace qui sitôt en confiance auprès de mes proches fond sous la chaleur de mes sourires. Des compliments amusés, attendris, bienveillants. Je le fais pour moi pourtant, par égoïsme. Pour soulager mes propres maux en apaisant les leurs. On me dit résilient, aussi. Compatissant, apaisant, fidèle, aimant, attentionné. Intelligent et consciencieux, courtois, cultivé. Discipliné, discret. Doux. Observateur même, studieux aussi. Mais on me dit également peureux, inaccessible, introverti et maladroit. On me dit trop résigné ou trop rêveur, on me dit encore solitaire et timide. Détaché, exigeant, incertain, négatif. Renfrogné ou rébarbatif. Ennuyeux, plat, vide. On a dit beaucoup de choses de moi, parce que « on » est bavard autant qu’il aime juger son prochain. Je ne sais ce que je suis vraiment. Peut-être un peu de tout cela, peut-être rien de tout cela. Je sais seulement que j’aime écrire, que j’aime me perdre dans les mondes magiques que dessine ma musique. Je sais que j’aime parcourir les pages défraîchies de vieux livres mystérieux, je sais que j’aime les secrets et le silence, je sais surtout que j’aime mes proches et mon chez-moi. Je ne veux pas d’aventures, seulement profiter de la douce quiétude d’une demeure douillettement pourvue. Le bonheur réside dans les choses simples, dans les plaisirs innocents de la vie. Je suis poète un peu – ou je me plais à le croire. J’ignore ce que je suis vraiment. Ou peut-être que je le sais, que je ne veux pas l’admettre : parce que, au fond, je suis banal. Je ne fais rien d’extraordinaire, n’en ferait jamais. Nul ne me remarque, je marche dans l’ombre. Quelconque, ordinaire. Insignifiant. Pourtant, n’est-ce pas absurde, de se sentir commun autant que si souvent… déplacé ?
Euan Glenn

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Bienvenue cher Euan



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olala sherlock 
j'adore la plume, c'est beau.. ça se lit tout seul!
bienvenue et bonne chance pour la validation!

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Bienvenue parmi nous !!
Et bon rp d'avance !
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Euan Glenn

Tani > Merci
La prochaine fois je t'aurai. 
Tomie > Merci beaucoup, de ta part c'est un honneur.
Charline > Merci ! Au plaisir de se croiser inrp alors ! :3


Tomie > Merci beaucoup, de ta part c'est un honneur.

Charline > Merci ! Au plaisir de se croiser inrp alors ! :3
- Mini chrono (pour les correcteurs):
- 30 novembre 2076 : Naissance en Ecosse
Mars 2090 : Déménagement au Japon (13 ans)
Janvier 2096 : Mariage (19 ans)
18 décembre 2097 : Adoption de Akemi, âgée de 2ans (21 ans)
Février 2112 : Divorce (35 ans)
Euan Glenn

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Bienvenue à toi ! :)
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Re-bienvenue ! 
Et que dire si ce n'est: waw
Cette plume, ce perso, cette fiche
J'ai tout adoré, vraiment. C'est très agréable à lire, envoûtant et je ne sais pas pourquoi, je me sens si proche d'Euan
J'aime le fait que tu aies intégré le rp à ton perso (et je confirme, nous sommes des aliens
)
Bref, amuse-toi bien
• De réserver votre avatar ; Réservation avatars
• Si vous souhaitez trouver des partenaires pour vous lancer, n'hésitez pas à faire un tour par ici !
• Dans l'ordre, vous pouvez faire une demande de conjoint ici, ensuite vous faites une demande d'habitation ici et enfin, vous pourrez valider votre mariage ici.
• De faire un peu de pub autour de vous pour le forum et de voter régulièrement aux tops sites.

Et que dire si ce n'est: waw

Cette plume, ce perso, cette fiche

J'ai tout adoré, vraiment. C'est très agréable à lire, envoûtant et je ne sais pas pourquoi, je me sens si proche d'Euan


Bref, amuse-toi bien

Tu es validé(e) !
Toutes mes félicitations, votre fiche est validée !
N'oubliez pas :
• De remplir les champs de votre profil.• De réserver votre avatar ; Réservation avatars
• Si vous souhaitez trouver des partenaires pour vous lancer, n'hésitez pas à faire un tour par ici !

• Dans l'ordre, vous pouvez faire une demande de conjoint ici, ensuite vous faites une demande d'habitation ici et enfin, vous pourrez valider votre mariage ici.
• De faire un peu de pub autour de vous pour le forum et de voter régulièrement aux tops sites.

& Surtout, AMUSEZ-VOUS !

Merci Lucci, Zach (notamment pour le vava dessiné avec Kiyo ♥) et Lucas pour les avatars et kits

- Spoiler:
- Ce qu'ils ont dit
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- [22:06:43] Luz E. Alvadaro : "Le RP plus une passion, une profession" "Makoto Nanase 2017"
- Le plus beau compliment
:
- Le plus beau compliment
- Merci Karlito
:
- Merci Oz
:
- Ce qu'ils ont dit
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