— Just Married —
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21/01/2021
Caliban Vega

Caliban Vega
I'll tell the truth, I promise you
This world may frown upon the things I have you do
But I got taste, and I got style
I know the twists and turns to make your life worth a while
This world may frown upon the things I have you do
But I got taste, and I got style
I know the twists and turns to make your life worth a while
Informations générales

Nom : Vega.
Prénom : Caliban.
Âge : 42 ans, 21 janvier 2071.
Genre : Masculin.
Origines : Cubaines.
Activité : Chargé de direction pour la succursale japonaise Juan Valdez, multinationale d'import-export de café || Et accessoirement l'un des barons du cartel de narcotrafiquants Cuervos.
Sexualité : Hétérosexuel et parfois bisexuel de convenance, ses intérêts priment sur le genre de la chair qu'il côtoie.
Avatar : J'avais, j'ai plus, je vais retrouvu. De toute normalement c'est temporaire.
Règlement : - Run Forrest
- Ari
Chemin : Guess who's back.
Autre :
Prénom : Caliban.
Âge : 42 ans, 21 janvier 2071.
Genre : Masculin.
Origines : Cubaines.
Activité : Chargé de direction pour la succursale japonaise Juan Valdez, multinationale d'import-export de café || Et accessoirement l'un des barons du cartel de narcotrafiquants Cuervos.
Sexualité : Hétérosexuel et parfois bisexuel de convenance, ses intérêts priment sur le genre de la chair qu'il côtoie.
Avatar : J'avais, j'ai plus, je vais retrouvu. De toute normalement c'est temporaire.

Règlement : - Run Forrest

Chemin : Guess who's back.

Autre :

Devil's whisper.
Léon le scrute avec curiosité, les écrasant de son regard, lui et ses maigres quatorze ans d’existence. Caliban n’aime pas sa gueule, à Léon. Déjà, il a le nez tordu et ça lui donne un air impressionnant qui lui hérisse les cheveux sur la nuque. Ensuite, il a des mains tellement larges qu’elles pourraient manger son visage, alors il fait très attention à toujours se tenir hors de sa portée, aux aguets, paré à décamper si l’homme massif esquisse le moindre mouvement dans sa direction. Mais surtout, il sort avec sa mère et ça, ça ne lui plait pas.
Jusqu’à présent, Caliban avait toujours évité sa présence un maximum, ne cachant pas son animosité et n’ouvrant la bouche que pour lancer des phrases lui attirant les réprimandes de sa mère. Du coup, il partait jouer dans les rues du quartier, squattait chez ses potes ou allait prendre son repas dans sa chambre plutôt que de rester avec ces deux adultes roucoulant sans pudeur. Mais dernièrement, il a bien dû se faire une raison. Sa mère était de nouveau éprise et Léon prenait de plus en plus de place au sein de la vie de cette dernière.
« Faut que t’arrêtes de froncer les sourcils en permanence, gamin, tu vas finir ridé comme une vieille pomme, » lance l’homme avec légèreté, continuant d’observer l’espèce de demi-portion grincheuse qui le fixe d’un air mauvais.
– Et avoir ta gueule devrait être un délit pourtant t’es pas derrière les barreaux. »
Inès l’entend depuis l’entrée et hausse la voix.
« Caliban, ça suffit.
– C’est lui qu’a commencé. »
A ça, Léon hausse un sourcil.
« Ah bon ?
– Ouais. C’est toi qui me regardes. Puis pourquoi t’es encore ici ? T’as rien de mieux à foutre ?
– Caliban ! »
Inès passe la tête par l’ouverture de la porte et fusille tour à tour l’homme et l’adolescent du regard.
« Vous deux, ça suffit. Caliban, soit poli et si tu n’as rien d’agréable à dire, boude en silence. Et Léon, n’entre pas dans son jeu tu veux. Je n’en ai pas pour longtemps, tâchez de rester civilisés. »
Le garçon mime un blahblahblah silencieux en se laissant tomber sur un tabouret et sa mère lève les yeux au ciel. Sitôt que la porte d’entrée claque, Cal lance un coup d’œil suspicieux à l’homme toujours assis contre le rebord de la fenêtre. Léon le remarque et sourit, un grand sourire jovial et plein de dents, et Caliban fronce derechef les sourcils. L’homme sort de quoi rouler une cigarette sans quitter le garçon des yeux, Cal ne détourne pas le regard et le silence s’étire. Cal n’a rien contre le silence mais celui-ci lui donne l’impression d’être un lâche. Alors il finit par grogner.
« Quoi ?
– Tu ne m’aimes pas. »
Bonjour Captain Obvious. Cal ne se donne même pas la peine de répondre à une telle évidence, croisant ses bras sur la table et y posant son menton, reniflant avec dédain.
« Je peux savoir pourquoi ? »
Le môme n’a pas envie de répondre. Que Léon se creuse la cervelle et se crame les neurones à essayer de trouver par lui-même. Puis, finalement, le môme hausse un sourcil et lève un doigt après l’autre.
« Parce qu’ici c’est chez moi, pas chez toi. Parce que tu portes que des chemises à fleurs immondes. Parce que ma mère est naïve. Parce que les gens racontent des tas de choses sur ta gueule et qu’ils ont tous peur de toi. » Il jette un regard de défi à l’homme et ajoute aussitôt. « Moi tu me fais pas peur. »
Léon éclate de rire, un gros rire tonitruant, et il coince la roulée entre ses lèvres, secouant doucement la tête.
« Et qu’est-ce qu’on raconte à mon sujet ?
– Que tu fais partie des Cuervos.
– Ah. »
Léon ne dit rien de plus, ne dément pas, et Cal sait maintenant que les rumeurs sont vraies. L’homme craque une allumette et tire une bouffée, détournant la tête pour souffler la fumée vers la fenêtre ouverte sur la rue en contrebas. Le silence s’installe pendant de longues minutes et Caliban joue avec les manches effilées de son t-shirt. Il se dit qu’il devrait sérieusement avoir peur mais rien n’y fait. Pour lui, Léon n’est qu’un mec de plus profitant des réserves infinies d’affection que possède sa mère jusqu’à ce que l’intérêt de sa queue se porte ailleurs et que lui aussi la laisse en pleurs. Rien à foutre qu’il soit membre d’un cartel mexicain, dernier rejeton en date des restes de la Sinaloa. Rien à foutre qu’il soit un dealer, un simple gorille ou un type plus haut placé. Pour Cal, il n’est qu’un connard de plus qui ressemble à tous les autres.
« Cuervos ou pas, si tu fais pleurer ma mère, je te refais le portrait. »
Il ne lance pas sa menace à la légère, quand bien même Léon fait presque quatre têtes de plus que lui et trois fois sa largeur. Les autres aussi, ils étaient plus grands et plus forts, des adultes après tout, et lui n’est qu’un gosse en retard dans sa croissance et trop intelligent pour son propre bien. Ça ne l’a jamais empêché d’essayer de tenir parole, peu importent les mandales. Mais là où il s’attend à ce que Léon se moque, comme les autres, l’homme hoche la tête avec une sévérité qui prend le plus jeune au dépourvu.
« Je m’en souviendrai.
– ... je suis sérieux. Je le ferai.
– Je sais. »
Léon lui jette un coup d’œil inquisiteur, le jaugeant, et Caliban fait de son mieux pour rester impassible. Surtout ne rien montrer, ne pas le laisser voir combien sa réaction le déstabilise, ne pas lui faire comprendre qu’il ne sait pas comment gérer un adulte le traitant comme un égal. Il ignore s’il y parvient mais Léon finit par sourire, secouant doucement la tête en soupirant.
« Les gosses de nos jours… » Il jette son mégot par la fenêtre et vient s’asseoir en face de lui après avoir pris une bouteille d’eau et deux verres dans la cuisine, les posant entre eux. « Tu sais gamin, je pense qu’on va bien s’entendre, toi et moi. »
Cal l’observe avec des yeux ronds d'enfant, ne pouvant retenir une expiration incrédule.
« N’importe quoi ! J’veux rien avoir à faire avec un type comme toi.
– Tu serais surpris. »
Cal ignore si c’est le ton de sa voix, le demi-sourire qui fleurit sur ses lèvres ou le regard clair et écrasant. Mais quelque chose lui fout le frisson, et cette réponse a des airs de promesse.
Cloué au lit, intraveineuses dans le bras et shoot de morphine lui brouillant l’esprit, Cal contemple le plafond. Il a conscience que William lui parle et que Carmen l’observe avec inquiétude mais il n’y fait pas attention. A la place, il se demande à quel moment il a merdé. Il a toujours été prudent, il a toujours été patient, il a toujours respecté les ordres et pris des initiatives certaines. Alors bordel de merde comment est-ce qu’il a pu finir avec une balle dans le corps, il aimerait bien qu’on le lui explique. Mais son indignation se transforme en une hilarité droguée et son ricanement a au moins le mérite de faire taire William. Qu’on le lui explique, hein ? Ben voyons. Il devrait plutôt remercier quiconque surveille sa peau depuis le firmament que ça ne lui soit pas arrivé plus tôt et que la balle ait manqué ses tripes pour se contenter de lui exploser la hanche et une partie du bassin. D’après les médecins il a eu de la chance, et la rééducation ne devrait pas durer trop longtemps. L’os a dévié la balle à l’impact et sauvé sa colonne vertébrale des dégâts. Surtout les enfants, buvez bien votre lait, renforcez vos os à grands coups de calcium et vous verrez, vous n’aurez jamais besoin de gilet pare-balle ! Il rit de nouveau mais s’arrête bien vite. Trop douloureux.
« On va te laisser, » lâche William d’un ton guindé par le malaise, « on repasse te voir demain d’accord ? »
Cal agite vaguement une main en guise de réponse et les deux visiteurs s’en vont en silence. Il suit le couple des yeux avant de les glisser jusqu’à la fenêtre pour revenir les fixer sur son fidèle plafond. Ses deux amis de l’université doivent penser qu’il s’est simplement trouvé au mauvais endroit au mauvais moment, comme ça arrive parfois. C’est certainement ce qu’il leur dira quand il sortira de l’hôpital. Il se voit mal leur annoncer qu’en parallèle de son diplôme en commerce à Bogotá, il gère en sous-main le trafic de cocaïne entre la capitale colombienne et La Havane, plaque tournante royale vers les États-Unis. Sous le contrôle de son beau-père et des pontes de Medellín, mais quand même. Ça la foutrait mal. Et dire que ça pourrait déjà lui valider tous ses UE avec mention.
Léon et sa mère avaient fini par se marier, six ans plus tôt, en dépit du fait non négligeable que son beau-père en devenir était un narcotrafiquant. Cal n’allait pas se mentir, il avait été curieux du monde dans lequel vivait Léon. Il avait commencé par lui poser quelques questions, par-ci par-là, avant de se faire plus audacieux et de clairement montrer son intérêt. Sa poussée de croissance avait fini par s’enclencher, avide et affamée, une meute de chien enragés d’avoir été retenus trop longtemps lâchée dans chacun de ses os, hurlants et grondants sous sa peau. Les coups reçus et les bastons perdues l’avaient poussé à prendre des cours de boxe et de combats au corps à corps et on ne le considérait plus comme un vague moucheron irritant mais comme une bombe à retardement. Il était jeune, il était enfin fort et il était en vendetta contre le monde entier. Plonger dans l’univers de son beau-père n’en fut que plus facile. Léon aura au moins eu le mérite de le lui montrer sans fards ni artifices, ce monde s’enrichissant d'addictions désespérées et se nourrissant de shoots de violence impersonnelle. Caliban a beaucoup aimé la vue. Il en est venu à apprécier le compagnon de sa mère et ses manières de gangster gentleman. Léon le traitait comme le gamin intelligent et obligé de grandir trop vite qu’il était et non pas comme un crétin trop jeune pour comprendre la réalité dans laquelle il avait décidé d’avancer. Elle lui a causé pas mal d’emmerdes, cette réalité, valu pas mal d’hématomes, et il lui aura fallu un temps d’adaptation à la hiérarchie en place mais il ne regrette rien. Ni ses rares expérimentations avec les différentes faces innommables du cartel, ni les cicatrices, ni les amis et amourettes perdus en chemin, ni les compagnons traîtres gagnés en route. Pas même le fait de s’être pris une balle à vingt-deux piges alors qu’il concluait un accord de distribution avec un petit gang du coin. Il avait reçu un appel de Léon lui disant que ses contacts à Bogotá s’occupaient de la situation, que l’incident serait vite réglé. Ce qu’il comprit entre les lignes, c’est qu’on s’en était pris à lui pour atteindre le fameux Léon de la Cruz, probablement parce que sa nouvelle femme était mieux protégée que son étudiant de beau-fils. Caliban avait décidé de garder le nom de Vega pour éviter tous rapprochements dangereux de son côté, mais ça ne suffisait pas toujours, apparemment.
La morphine est en fin d’effet et la douleur dans son flanc gauche reprend de plus belle, lui brûlant le ventre jusque dans la cuisse. Il attrape la manette d’injection d’antidouleur et appuie sur le bouton. Alors que la drogue apaise son corps en ruine, il se demande distraitement si ses potentiels futurs employeurs à Juan Valdez accepteront sa blessure en guise d’excuse pour changer la date de son entretien d’embauche.
« Ca fait combien de tentative maintenant ?
– En comptant celle de Bogotá ? Six.
– Cinq autres depuis Bogotá, hein. »
Pensif, Léon tire sur sa clope en silence et Caliban patiente en jouant avec le barbell perçant sa langue derrière ses lèvres closes. Quand il voit que son beau-père et patron n’a pas l’air de vouloir continuer ni partager ses pensées, Caliban prend la parole.
« Comparé à toi, je suis sûr que c’est que dalle. »
Léon l’observe, une expiration railleuse lui échappant.
« Peut-être. Mais six en trois ans, pour une petite frappe dans ton genre, ce n’est pas normal.
– Je sais, je sais, on s’en prend à moi pour t’avoir toi, j’avais compris mer-
– On s’en prend à toi parce que tu es doué, hijo. Le succès que tu as eu avec ton coup de poker Juan Valdez t’as valu de gagner l’attention de pas mal de gens, là-haut. Ce qui n’est pas forcément une bonne chose. Les jeunes enfoirés ambitieux ont le don d’agacer. »
Caliban hausse les épaules. Sa fameuse idée n’avait rien de bien révolutionnaire. Après tout, user d’une entreprise de façade pour transporter des cargaisons illégales n’a rien de nouveau et les ruines encore fumantes des cartels du 20ème siècle en étaient la preuve flagrante. Le faire en infiltrant une corporation aussi énorme et connue plutôt que de construire le business de zéro était un brin plus audacieux qu’à l’accoutumée, certes. Mais les grains de cafés font des mules en or, et rien n’est plus mondain qu’un café sinon la dope qu’il camoufle. Cal n’avait fait qu’appliquer tout haut ce que d’autres avaient déjà pensé tout bas à de multiples reprises : au final, la drogue est un business comme un autre. Capable de construire des pays, d’anéantir des gouvernements et de fructifier en une croissance exponentielle au diapason du désespoir des peuples. Autant la traiter comme tel.
« Ceux d’en haut estiment qu’on risque de s’en prendre à toi de nouveau, à répétition. Ils ont arrangé un deal avec tes patrons pour que tu sois muté le mois prochain.
– Muté, hein ? » répète Cal avec méfiance.
– Dans leur succursale japonaise.
– Pardon ? »
Le ton du jeune homme n’a plus rien de méfiant. Il est froid, clair, net. Menaçant.
« C’est une blague ?
– Non.
– Hors de question. »
Léon soupire et écrase sa cigarette dans le cendrier à disposition.
« T’as pas vraiment le choix hijo. Soit tu t’exécutes, soit ils t’exécutent, c’est aussi simple que ça. Je m’en voudrais de faire pleurer ta mère mais c’est ainsi. »
Léon est sérieux. Le connaissant, Caliban ne doute pas une seconde qu'il serait prêt à être celui qui appuierait sur la détente si la chose devenait nécessaire, beau-fils ou non.
Cal se lève, commençant à faire les cent pas. Les enfoirés. Il avait entendu parler des développements des cafés et de la branche Japon, au bureau, depuis que Starbucks avait fait faillite de façon spectaculaire. Il savait que les grands patrons cherchaient à y implanter certains de leurs employés hispaniques afin que la direction se fasse aussi en accord que possible avec celle de la maison mère plutôt que laisser la succursale aux mains des nippons. Et puis ça faisait vendre, l’exotisme, chez ses insulaires formatés en série si loin des existences flamboyantes de son île natale. Il savait que personne ne voulait y aller parmi leur échelon, malgré la promotion conséquente allant avec la mutation. Personne n’était assez stupide pour se jeter volontairement dans la gueule du loup et se faire fourrer une puce dans la cervelle par amour de l’entreprise, et puis quoi encore. Une vie entière ruinée, jetée aux cochons des mœurs puritaines d’un système qu’ils n’ont jamais compris dans cette région du monde. Une putain d’épée de Damoclès dont la pointe ne ferait que s’enfoncer jour après jour un peu plus loin dans sa nuque. Cal se rend compte avec amertume qu’ici ou là-bas, Damoclès est déjà bien installé au-dessus de son crâne quoi qu’il arrive, cocktail en main jusqu'à la chute inévitable de son glaive. Mais ils auraient tout aussi bien pu le déplacer ailleurs qu’au Japon. L’envoyer pourrir dans les fins fonds perdus des campagnes US ou cirer les pompes des Russes. Il devait y avoir une autre raison, sûrement, à un sacrifice aussi accommodant. Il est jeune, compétent, jetable. Idéal lorsqu’il s’agit d’aller étendre le commerce du cartel sous une dictature. Arrêtant de marcher, il reporte son attention sur Léon.
« Le Japon, hein. J’imagine que je ne vais pas me contenter d’y vendre du café.
– Pas vraiment, non. »
Son beau-père a un sourire de requin collé aux lèvres et Caliban ne peut s’empêcher de le lui retourner.
Ils passent les heures qui suivent à discuter du marché engendré par la nouvelle jeunesse vibrante au Japon et des réseaux de trafics d’Asie de l’Est. Dans le mois qui suit, Léon donne à Caliban toutes les informations nécessaires sur leurs partenaires déjà en place et sur les groupes s’opposant à eux. Sur le speed, l’ice et le crystal produits là-bas, sur la manière dont les pontes des Cuervos comptent acheter chez eux pour inonder les Amériques, lassées de la coke. Ainsi que sur la façon dont leurs stocks à eux partiront fournir la demande asiatique et australienne en constante hausse depuis que les courbes de naissance repartent à plein régime.
Cal se dit qu’avec cet objectif en tête, il peut se faire une raison. Que s’il parvient réellement à implanter les Cuervos au Japon et à étendre leur réseau d’influence jusqu’au cœur de l’Asie, jusqu’à dépasser l’ambition de tous les cartels ayant pavé la voie, alors il n’aura pas perdu son temps à courber l’échine pour se faire pucer comme du bétail reproducteur. Il espère que ça suffira pour supporter ce qui va lui tomber dessus. Et au pire, il se consolerait avec la fortune obscène qu’il comptait bien amasser dans son ascension vers les clés du pouvoir.
Son mariage avec Selen avait été une véritable croisière. Calme, tranquille, parfaitement planifié. L’Incontestable les avait réunis pour leur façon de voir la vie comme une entreprise en constante expansion et cela avait fonctionné. Le fait qu’en prime l’autre parti s’avère agréable à vivre était un atout qui avait beaucoup facilité les choses mais, pragmatiques, ils auraient tiré le maximum de leur couple même sans ça. Ça a duré trois ans, trois années qui ont forcé Caliban à se remettre en question, à bousculer la solidité de plus en plus bancale de ses a priori pour le système de contrôle régissant l'archipel et leur existence. Puis l’entité en contrôle de leur vie a proclamé le divorce, ayant trouvé un partenaire plus adéquat à Selen, probablement quelqu’un qui accepterait de passer à l’étape suivante et mettre au monde une progéniture. Ils s’étaient beaucoup disputés à propos de ça, sur la fin. Mais Cal n’avait que vingt-neuf ans, un empire de narcotiques à gérer en intérim et le poste d’assistant de sous-direction d’une succursale titanesque prêt à lui tomber sur le dos d’un moment à l’autre maintenant qu’il avait fait la connerie de se montrer plus compétent que prévu à son ancien poste. Un môme dans l’équation, non merci. Inès a été très déçue. Elle aimait beaucoup son ancienne belle-fille.
Son mariage avec Quentin, à peine une poignée de mois plus tard, avait été un enfer. Il avait pu se résoudre au sexe avec un autre homme, ce n’était pas le problème. Non, le problème, c’était que cet enfoiré d’américain lui avait foutu la tête en vrac jusqu’à manquer de lui faire commettre des erreurs fatales dans la gestion du cartel et dans son ascension des échelons. Ils passaient plus de temps à se sauter à la gorge qu’autre chose. Ils se bourraient la gueule ou se sniffaient un possible rail pour parvenir à s’oublier un temps et à obéir à leurs devoirs conjugaux sans s’écharper. Ils passaient des journées entières à somnoler emmêlés l’un sur l’autre dans les draps et à commander des plats à emporter. Ils se moquaient cruellement l’un de l’autre et insultaient les membres de leurs belles familles sans retenue, jusqu’à provoquer une mêlée générale, deux fois. Ils haïssaient le système qui les avait forcés ensemble et le remerciaient en même temps. Ils tombaient dans une routine rugueuse et coupante puis pansaient les plaies de l’autre sans rien dire. Avec Quentin, Caliban avait été poussé à bout, exaspéré et enragé, il avait ri à en pleurer et il avait caressé l’idée d’homicide plus de fois qu’à son tour, et son époux n'eut jamais aucune d'idée d'à quel point ç'eut été facile, tant cette enflure lui pourrissait la vie. Eux deux, ça n’avait rien d’ordonné, ni de clair, ni de tranquille. Mais ça fonctionnait. Mieux qu’aucun d’eux n’aurait osé l’imaginer. Alors après cinq ans de ce cirque et un passage en centre de redressement, il y a eu la naissance d'Anna. Et peu après, il n’y a plus eu qu’elle et Caliban.
Quand les secousses et que les écroulements se sont tus, et que les sirènes d’alerte évacuation se sont mises à hurler dans la ville, Caliban n’a pas tout de suite compris les implications. Même après plus de dix ans passés dans ce pays il reste un simple métèque qui ne peut feindre les automatismes enracinés chez les autochtones depuis l’enfance.
Il a fallu que les procédures de sécurité s’enclenchent dans leur immeuble pour qu’il percute. Que tous les regards se tournent vers les parois vitrées offrant une vue imprenable sur la baie et sa mer lisse comme une flaque d’huile pour qu’il comprenne. Par chance, ils trônaient haut à la direction Valdez. Bien à l’abri dans une tour d’argent moderne qui venait de résister au séisme et ne souffrirait sûrement aucuns dégâts dans les étages supérieurs. Sûrement, pas vrai ?
Le flot de gens montant se réfugier dans les étages n’a cessé de s’écouler pendant une heure interminable d’angoisse. La sécurité ne laissait descendre personne, répartissant chacun au mieux, dans un calme si parfait qu’on en venait à croire que la menace était fictive et qu’il s’agissait d’un banal exercice de routine.
Comme beaucoup de parents, il a tout de suite essayé d’appeler l'école de sa fille, sans succès. Les réseaux saturés n’étaient plus fiables, les émissions des messages officiels captaient toutes les ressources, de même que les connexions pour les forces d’intervention. Sur le papier, ça parait logique. Dans les faits, tout cela parait absurde. Il a finalement reçu un message de la part de la direction de l’école, assurant que l’évacuation se faisait au plus vite, vers où il n’en savait rien. Puis le cri des sirènes a changé, annonçant la vague, et le silence s’est fait à l’étage.
Sans rien dire, ils ont tous regardé ce mur d’eau s’élever à l’horizon. S’approcher à toute vitesse, à toute vitesse. Conscients que les rues devaient encore être gorgées de monde, conscients que les pertes seraient énormes, conscients, soudain, qu’ils n’avaient aucune certitude que l’immeuble résiste à un impact de plein fouet sinon leurs espoirs fous de survie.
L’immeuble a tenu. Le temps que le plus gros de la vague reflue, les générateurs de secours se sont mis à carburer et le jour s’est dilué dans une nuit sombre et pluvieuse, toujours soumise aux orages. L’évacuation de l’immeuble a commencé pendant que Maria et Caliban reprenaient le travail, mettant en place une cellule de crise en lien direct avec la maison mère en Colombie, essayant de contacter tous les responsables et managers des enseignes disséminées dans la ville. Au petit matin d’une première nuit sans sommeil, Cal s’est enfermé dans son bureau pour contacter ses lieutenants et obtenir un rapport des dégâts sur les marchandises et connaître les pertes humaines. Puis il a contacté Léon et les autres pontes du cartel, par-delà l’océan, afin de leur faire comprendre l’aubaine qui venait de tomber entre leurs mains, sous réserve que la branche principale lui fournisse ce dont il avait besoin en hommes et en fonds. Les catastrophes étaient une mine d’or pour l’extension du trafic. Des territoires affaiblis ou laissés à l’abandon pouvaient aisément être saisis ; éliminer la concurrence passerait inaperçu, de même que jouer les bons samaritains pouvait permettre de les placer en dettes de pions clés pour l'avenir ; les âmes en peine ne tarderaient pas à venir chercher du réconfort dans les produits pour oublier la douleur ; faire disparaître enfants, femmes et hommes vers les différents réseaux de vente russes et chinois tiendrait du jeu d’enfant. Un cadeau du ciel, vraiment, pour des pourritures comme eux.
Seulement, l'univers a horreur du vide et tend à balayer les déséquilibres d'un revers de karma. Alors, forcément, le retour de bâton fut expéditif.
Entre les décombres et les dégâts titanesques, les directives d’évacuation confuses et les réseaux saturés ou à moitié hors ligne, Caliban n’a pu retrouver Anna que trois jours après la catastrophe. Il avait mis les rouages fracassés du cartel en branle pour que les lieutenants en place obtiennent des informations, n’importe lesquelles, quitte à payer, menacer ou tuer s’il le fallait. Il n'avait cessé d'appeler les autres parents à l’école de sa fille, d’autres parents n'avaient cessé de le contacter lui, tous à la recherche du centre d’évacuation censé abriter leurs enfants. Puis la nouvelle leur est parvenue par un communiqué de la préfecture, incertaine, impossible ; le centre n’a pas tenu, le centre n’a pas suffi ; un effondrement partiel, une inondation, bloqués dans l’eau et les décombres un jour, une nuit, moins ou plus. Les pompiers et la milice avaient pu faire sortir la plupart des réfugiés de ce piège au soir tombé. Après la terreur sourde, on leur a appris que la majorité des élèves en étaient sortis indemnes. La majorité, seulement.
L’hôpital était noir de monde. Des blessés, des malades, des âmes hagardes, des médecins et des infirmières débordés, des gens en état de choc, de pleurs, des cris et des regards vides partout où se posait le sien. Des morts aussi, à la pelle, évacués sans douceur ni cérémonie pour faire de la place aux vivants.
Anna était dans une chambre pour deux, avec une vingtaine d’autres enfants n’ayant même pas dix ans, eux non plus. Des matelas posés à même le sol pour en faire entrer le plus possible et palier la saturation des lits, deux infirmières pour s’assurer de leurs santés et un docteur faisant sa ronde, une expression de profonde lassitude tirant les traits de visage. Le tableau n’aura pas fait tâche à côté d’un hôpital délabré d’Amérique Central après un attentat ou une attaque paramilitaire.
L’avantage d’avoir de l’argent c’est qu’on peut tout acheter, et ceux qui prétendent le contraire n’en ont simplement pas assez. Caliban a récupéré Anna dès qu’un médecin lui a confirmé qu’elle pouvait être déplacée. Un coup de fil et les services d’une clinique privée à Cuba lui étaient assurés, avion affrété dans l’heure suivante et atterrissant sur le tarmac de La Havane dès le lendemain.
Entre la direction d’une entreprise et l’expansion toujours en mouvement du plus gros cartel que ce siècle ait connu, Caliban est dans une position qui ne lui permet pas beaucoup de latitude sur la prise de jours de repos. Des semaines encore moins. Et pendant les périodes de crises, le repos devient un vague concept que lui effleure les doigts une heure par nuit jusqu’à perdre tout sens. Ça ne le dérange pas vraiment. Il s’y plaît, dans cette frénésie. Il s’y épanouit depuis tout gosse. Gérer la succursale est un défi qu’il relève avec une hargne vorace, tenir le trafic à flot est quelque chose qui l’électrifie chaque année un peu plus. Ça ne l’a jamais dérangé avant, non. Avant, même quand Anna était malade, il s’arrangeait pour que quelqu’un veille sur elle pendant que lui passait ses journées au bureau ou au cœur de négociations prenant part dans l’ombre.
Shukumei a changé tout ça. Les trois jours sans fin à croire sa fille morte noyée ont remis les choses en perspective. Pour la première fois en trente-huit ans d’existence, Caliban a mis le courant tumultueux de sa vie sur pause, laissant Maria s’occuper de la succursale et ses bras-droits remettre de l’ordre dans les affaires du cartel. A quoi bon s’entourer de gens compétents si on ne pouvait pas compter sur eux pour faire le sale boulot de temps en temps ? Ils savaient tous très bien que les résultats qu’ils devraient montrer à Caliban à son retour pouvait signer la fin de leurs carrières – ou vies.
Ça n’aura pas duré longtemps, deux semaines, trois tout au plus. Inès, malgré son inquiétude, était aux anges d’avoir enfin chez elle son fils et sa petite-fille pour plus que les quelques week-ends volés ici et là, entre Cuba et le Japon. Léon, lui, était ravi de pouvoir échanger seul à seul avec son beau-fils sur la restructuration des réseaux détruits par la vague. Et Caliban se fit la promesse muette qu’il ne se permettrait pas de vivre une troisième fois la disparition d’un être cher en spectateur, sans prendre lui-même les choses en main. Plus jamais.
Le malaise de l'homme lui faisant face rendrait presque l'air irrespirable, étouffant dans une tension à couper au couteau. A sa gauche, Esteban s'impatiente, faisant mine de déplacer une main vers l'arme logée à sa ceinture, mais Caliban l'arrête d'un geste de la main.
« Nous nous sommes sûrement mal compris, monsieur Franz. Il doit s'agir d'un malentendu.
- O-oui, un malentendu, abso-absolument.
- Bien. Vous allez donc prendre ce téléphone, comme prévu, et autoriser le transfert. »
Malgré la peur suant à grosses gouttes sur le visage de l'homme, ce dernier hésite encore, tentant à nouveau de protester
« Mais enfin, c'est- C'est beaucoup trop. Sûrement, le prix que nous avions convenu suffira amplement à-
- Vous n'aviez évoqué que votre propre voyage à l'étranger. Pas celui d'une invitée supplémentaire, encore moins d'une fille de joie éhontément dérobée sur le tard. Et à un établissement tout à fait respectable, qui plus est. Vous me mettez dans l'embarras avec de très bon amis. »
Une demi-vérité auréolée d'un pieu mensonge. Une compensation serait la bienvenue envers le groupe qui possédait cette hôtesse, afin d'éviter toute querelle stupide, et le fait qu'il s'en charge personnellement une première preuve de sa bonne foi. Caliban pourrait la leur retourner d'un claquement de doigt, évidemment. Mais quel profit aurait-il à en tirer ? Quand il pouvait tout aussi bien offrir une somme conséquente à des partenaires -bien plus que la valeur de la fille- en ces temps difficiles, et faire cracher son argent à ce petit fils de pédant et ignare, qui avait pensé pouvoir glisser une passagère clandestine sous leur nez. Quelle audace. Ahh, ce qu'on ne ferait pas par amour, vraiment.
« Vous autoriserez le transfert du nouveau montant monsieur Franz, il n'est que naturel de compenser un bien lésé. Après tout, nous ne sommes pas des voleurs. »
L'ironie obscène de sa déclaration lui tire un bref sourire, bien vite remplacé par l'ennui. Ces luttes vaines soutenues par des espoirs fous l'amusaient, autrefois. Aujourd'hui, elles ont toutes la même saveur de déjà-vu inéluctable. Une tragédie aussi vieille que le monde, toujours la même, et pourtant ils se rêvent tous une fin plus douce. S'imaginent qu'en appeler à ses sentiments, à sa raison, à sa vénalité leur obtiendra un quelconque traitement de faveur. La faute aux films et aux séries drapant son milieu d'un manteau de pathos adoucissant les contours de la réalité, sûrement. Laissant croire aux pauvres hères empêtrés dans les serres du cartel qu'ils devaient sûrement être le rôle principal de l'épisode de leur vie, que les choses ne pouvaient pas mal se passer pour eux. Oubliant que les tragédies n'ont pitié de personne. Encore moins de leurs héros et héroïnes.
Se levant, Caliban indique à Esteban de prendre le relais.
« Le gouvernement vous pense déjà morts, Stephan, vous et votre putain. Ne m'obligez pas à leur donner raison. »
Stephan Franz ne sera pas le premier ni le dernier à payer pour fuir le pays et effacer toute trace de son existence à la surface du globe. Pendant des mois, ils seront des dizaines, des centaines, certains plus riches que d'autres, d'autres plus stupides que riches. Au final, le chaos provoqué par la mort soudaine de centaines de millier de Japonais ne fut qu'un cadeau de noël supplémentaire pour les Cuervos. Très différent de cette brève étincelle d'agitation quelques années plus tôt, lors de cette rébellion mollassonne -Big Bang quelque chose ?- et n'ayant menée à rien. Des dissidents du dimanche, des idéalistes sans envergures. Non, cette fois le système faiblissait de l'intérieur, craquelant les murs jusqu'alors imprenables. Pour un peu, Caliban aurait presque souhaité qu'Anna et lui en fasse partie. Curieux de ce qu'il aurait pu faire d'une telle opportunité. Un départ à zéro, une fuite vers l'aventure et vers une vie tranquille, rien que tous les deux peut-être ? Mais chaque fois qu'il se laisse à imaginer la chose, la conclusion s'impose d'elle-même. Il serait resté, et Anna avec lui. Il serait resté, et aurait continué de plonger ses mains dans les entrailles de ce pays vérolé par la crainte et la colère, agonisant d'espoirs muets. Une véritable tragédie.
Jusqu’à présent, Caliban avait toujours évité sa présence un maximum, ne cachant pas son animosité et n’ouvrant la bouche que pour lancer des phrases lui attirant les réprimandes de sa mère. Du coup, il partait jouer dans les rues du quartier, squattait chez ses potes ou allait prendre son repas dans sa chambre plutôt que de rester avec ces deux adultes roucoulant sans pudeur. Mais dernièrement, il a bien dû se faire une raison. Sa mère était de nouveau éprise et Léon prenait de plus en plus de place au sein de la vie de cette dernière.
« Faut que t’arrêtes de froncer les sourcils en permanence, gamin, tu vas finir ridé comme une vieille pomme, » lance l’homme avec légèreté, continuant d’observer l’espèce de demi-portion grincheuse qui le fixe d’un air mauvais.
– Et avoir ta gueule devrait être un délit pourtant t’es pas derrière les barreaux. »
Inès l’entend depuis l’entrée et hausse la voix.
« Caliban, ça suffit.
– C’est lui qu’a commencé. »
A ça, Léon hausse un sourcil.
« Ah bon ?
– Ouais. C’est toi qui me regardes. Puis pourquoi t’es encore ici ? T’as rien de mieux à foutre ?
– Caliban ! »
Inès passe la tête par l’ouverture de la porte et fusille tour à tour l’homme et l’adolescent du regard.
« Vous deux, ça suffit. Caliban, soit poli et si tu n’as rien d’agréable à dire, boude en silence. Et Léon, n’entre pas dans son jeu tu veux. Je n’en ai pas pour longtemps, tâchez de rester civilisés. »
Le garçon mime un blahblahblah silencieux en se laissant tomber sur un tabouret et sa mère lève les yeux au ciel. Sitôt que la porte d’entrée claque, Cal lance un coup d’œil suspicieux à l’homme toujours assis contre le rebord de la fenêtre. Léon le remarque et sourit, un grand sourire jovial et plein de dents, et Caliban fronce derechef les sourcils. L’homme sort de quoi rouler une cigarette sans quitter le garçon des yeux, Cal ne détourne pas le regard et le silence s’étire. Cal n’a rien contre le silence mais celui-ci lui donne l’impression d’être un lâche. Alors il finit par grogner.
« Quoi ?
– Tu ne m’aimes pas. »
Bonjour Captain Obvious. Cal ne se donne même pas la peine de répondre à une telle évidence, croisant ses bras sur la table et y posant son menton, reniflant avec dédain.
« Je peux savoir pourquoi ? »
Le môme n’a pas envie de répondre. Que Léon se creuse la cervelle et se crame les neurones à essayer de trouver par lui-même. Puis, finalement, le môme hausse un sourcil et lève un doigt après l’autre.
« Parce qu’ici c’est chez moi, pas chez toi. Parce que tu portes que des chemises à fleurs immondes. Parce que ma mère est naïve. Parce que les gens racontent des tas de choses sur ta gueule et qu’ils ont tous peur de toi. » Il jette un regard de défi à l’homme et ajoute aussitôt. « Moi tu me fais pas peur. »
Léon éclate de rire, un gros rire tonitruant, et il coince la roulée entre ses lèvres, secouant doucement la tête.
« Et qu’est-ce qu’on raconte à mon sujet ?
– Que tu fais partie des Cuervos.
– Ah. »
Léon ne dit rien de plus, ne dément pas, et Cal sait maintenant que les rumeurs sont vraies. L’homme craque une allumette et tire une bouffée, détournant la tête pour souffler la fumée vers la fenêtre ouverte sur la rue en contrebas. Le silence s’installe pendant de longues minutes et Caliban joue avec les manches effilées de son t-shirt. Il se dit qu’il devrait sérieusement avoir peur mais rien n’y fait. Pour lui, Léon n’est qu’un mec de plus profitant des réserves infinies d’affection que possède sa mère jusqu’à ce que l’intérêt de sa queue se porte ailleurs et que lui aussi la laisse en pleurs. Rien à foutre qu’il soit membre d’un cartel mexicain, dernier rejeton en date des restes de la Sinaloa. Rien à foutre qu’il soit un dealer, un simple gorille ou un type plus haut placé. Pour Cal, il n’est qu’un connard de plus qui ressemble à tous les autres.
« Cuervos ou pas, si tu fais pleurer ma mère, je te refais le portrait. »
Il ne lance pas sa menace à la légère, quand bien même Léon fait presque quatre têtes de plus que lui et trois fois sa largeur. Les autres aussi, ils étaient plus grands et plus forts, des adultes après tout, et lui n’est qu’un gosse en retard dans sa croissance et trop intelligent pour son propre bien. Ça ne l’a jamais empêché d’essayer de tenir parole, peu importent les mandales. Mais là où il s’attend à ce que Léon se moque, comme les autres, l’homme hoche la tête avec une sévérité qui prend le plus jeune au dépourvu.
« Je m’en souviendrai.
– ... je suis sérieux. Je le ferai.
– Je sais. »
Léon lui jette un coup d’œil inquisiteur, le jaugeant, et Caliban fait de son mieux pour rester impassible. Surtout ne rien montrer, ne pas le laisser voir combien sa réaction le déstabilise, ne pas lui faire comprendre qu’il ne sait pas comment gérer un adulte le traitant comme un égal. Il ignore s’il y parvient mais Léon finit par sourire, secouant doucement la tête en soupirant.
« Les gosses de nos jours… » Il jette son mégot par la fenêtre et vient s’asseoir en face de lui après avoir pris une bouteille d’eau et deux verres dans la cuisine, les posant entre eux. « Tu sais gamin, je pense qu’on va bien s’entendre, toi et moi. »
Cal l’observe avec des yeux ronds d'enfant, ne pouvant retenir une expiration incrédule.
« N’importe quoi ! J’veux rien avoir à faire avec un type comme toi.
– Tu serais surpris. »
Cal ignore si c’est le ton de sa voix, le demi-sourire qui fleurit sur ses lèvres ou le regard clair et écrasant. Mais quelque chose lui fout le frisson, et cette réponse a des airs de promesse.
*
Cloué au lit, intraveineuses dans le bras et shoot de morphine lui brouillant l’esprit, Cal contemple le plafond. Il a conscience que William lui parle et que Carmen l’observe avec inquiétude mais il n’y fait pas attention. A la place, il se demande à quel moment il a merdé. Il a toujours été prudent, il a toujours été patient, il a toujours respecté les ordres et pris des initiatives certaines. Alors bordel de merde comment est-ce qu’il a pu finir avec une balle dans le corps, il aimerait bien qu’on le lui explique. Mais son indignation se transforme en une hilarité droguée et son ricanement a au moins le mérite de faire taire William. Qu’on le lui explique, hein ? Ben voyons. Il devrait plutôt remercier quiconque surveille sa peau depuis le firmament que ça ne lui soit pas arrivé plus tôt et que la balle ait manqué ses tripes pour se contenter de lui exploser la hanche et une partie du bassin. D’après les médecins il a eu de la chance, et la rééducation ne devrait pas durer trop longtemps. L’os a dévié la balle à l’impact et sauvé sa colonne vertébrale des dégâts. Surtout les enfants, buvez bien votre lait, renforcez vos os à grands coups de calcium et vous verrez, vous n’aurez jamais besoin de gilet pare-balle ! Il rit de nouveau mais s’arrête bien vite. Trop douloureux.
« On va te laisser, » lâche William d’un ton guindé par le malaise, « on repasse te voir demain d’accord ? »
Cal agite vaguement une main en guise de réponse et les deux visiteurs s’en vont en silence. Il suit le couple des yeux avant de les glisser jusqu’à la fenêtre pour revenir les fixer sur son fidèle plafond. Ses deux amis de l’université doivent penser qu’il s’est simplement trouvé au mauvais endroit au mauvais moment, comme ça arrive parfois. C’est certainement ce qu’il leur dira quand il sortira de l’hôpital. Il se voit mal leur annoncer qu’en parallèle de son diplôme en commerce à Bogotá, il gère en sous-main le trafic de cocaïne entre la capitale colombienne et La Havane, plaque tournante royale vers les États-Unis. Sous le contrôle de son beau-père et des pontes de Medellín, mais quand même. Ça la foutrait mal. Et dire que ça pourrait déjà lui valider tous ses UE avec mention.
Léon et sa mère avaient fini par se marier, six ans plus tôt, en dépit du fait non négligeable que son beau-père en devenir était un narcotrafiquant. Cal n’allait pas se mentir, il avait été curieux du monde dans lequel vivait Léon. Il avait commencé par lui poser quelques questions, par-ci par-là, avant de se faire plus audacieux et de clairement montrer son intérêt. Sa poussée de croissance avait fini par s’enclencher, avide et affamée, une meute de chien enragés d’avoir été retenus trop longtemps lâchée dans chacun de ses os, hurlants et grondants sous sa peau. Les coups reçus et les bastons perdues l’avaient poussé à prendre des cours de boxe et de combats au corps à corps et on ne le considérait plus comme un vague moucheron irritant mais comme une bombe à retardement. Il était jeune, il était enfin fort et il était en vendetta contre le monde entier. Plonger dans l’univers de son beau-père n’en fut que plus facile. Léon aura au moins eu le mérite de le lui montrer sans fards ni artifices, ce monde s’enrichissant d'addictions désespérées et se nourrissant de shoots de violence impersonnelle. Caliban a beaucoup aimé la vue. Il en est venu à apprécier le compagnon de sa mère et ses manières de gangster gentleman. Léon le traitait comme le gamin intelligent et obligé de grandir trop vite qu’il était et non pas comme un crétin trop jeune pour comprendre la réalité dans laquelle il avait décidé d’avancer. Elle lui a causé pas mal d’emmerdes, cette réalité, valu pas mal d’hématomes, et il lui aura fallu un temps d’adaptation à la hiérarchie en place mais il ne regrette rien. Ni ses rares expérimentations avec les différentes faces innommables du cartel, ni les cicatrices, ni les amis et amourettes perdus en chemin, ni les compagnons traîtres gagnés en route. Pas même le fait de s’être pris une balle à vingt-deux piges alors qu’il concluait un accord de distribution avec un petit gang du coin. Il avait reçu un appel de Léon lui disant que ses contacts à Bogotá s’occupaient de la situation, que l’incident serait vite réglé. Ce qu’il comprit entre les lignes, c’est qu’on s’en était pris à lui pour atteindre le fameux Léon de la Cruz, probablement parce que sa nouvelle femme était mieux protégée que son étudiant de beau-fils. Caliban avait décidé de garder le nom de Vega pour éviter tous rapprochements dangereux de son côté, mais ça ne suffisait pas toujours, apparemment.
La morphine est en fin d’effet et la douleur dans son flanc gauche reprend de plus belle, lui brûlant le ventre jusque dans la cuisse. Il attrape la manette d’injection d’antidouleur et appuie sur le bouton. Alors que la drogue apaise son corps en ruine, il se demande distraitement si ses potentiels futurs employeurs à Juan Valdez accepteront sa blessure en guise d’excuse pour changer la date de son entretien d’embauche.
*
« Ca fait combien de tentative maintenant ?
– En comptant celle de Bogotá ? Six.
– Cinq autres depuis Bogotá, hein. »
Pensif, Léon tire sur sa clope en silence et Caliban patiente en jouant avec le barbell perçant sa langue derrière ses lèvres closes. Quand il voit que son beau-père et patron n’a pas l’air de vouloir continuer ni partager ses pensées, Caliban prend la parole.
« Comparé à toi, je suis sûr que c’est que dalle. »
Léon l’observe, une expiration railleuse lui échappant.
« Peut-être. Mais six en trois ans, pour une petite frappe dans ton genre, ce n’est pas normal.
– Je sais, je sais, on s’en prend à moi pour t’avoir toi, j’avais compris mer-
– On s’en prend à toi parce que tu es doué, hijo. Le succès que tu as eu avec ton coup de poker Juan Valdez t’as valu de gagner l’attention de pas mal de gens, là-haut. Ce qui n’est pas forcément une bonne chose. Les jeunes enfoirés ambitieux ont le don d’agacer. »
Caliban hausse les épaules. Sa fameuse idée n’avait rien de bien révolutionnaire. Après tout, user d’une entreprise de façade pour transporter des cargaisons illégales n’a rien de nouveau et les ruines encore fumantes des cartels du 20ème siècle en étaient la preuve flagrante. Le faire en infiltrant une corporation aussi énorme et connue plutôt que de construire le business de zéro était un brin plus audacieux qu’à l’accoutumée, certes. Mais les grains de cafés font des mules en or, et rien n’est plus mondain qu’un café sinon la dope qu’il camoufle. Cal n’avait fait qu’appliquer tout haut ce que d’autres avaient déjà pensé tout bas à de multiples reprises : au final, la drogue est un business comme un autre. Capable de construire des pays, d’anéantir des gouvernements et de fructifier en une croissance exponentielle au diapason du désespoir des peuples. Autant la traiter comme tel.
« Ceux d’en haut estiment qu’on risque de s’en prendre à toi de nouveau, à répétition. Ils ont arrangé un deal avec tes patrons pour que tu sois muté le mois prochain.
– Muté, hein ? » répète Cal avec méfiance.
– Dans leur succursale japonaise.
– Pardon ? »
Le ton du jeune homme n’a plus rien de méfiant. Il est froid, clair, net. Menaçant.
« C’est une blague ?
– Non.
– Hors de question. »
Léon soupire et écrase sa cigarette dans le cendrier à disposition.
« T’as pas vraiment le choix hijo. Soit tu t’exécutes, soit ils t’exécutent, c’est aussi simple que ça. Je m’en voudrais de faire pleurer ta mère mais c’est ainsi. »
Léon est sérieux. Le connaissant, Caliban ne doute pas une seconde qu'il serait prêt à être celui qui appuierait sur la détente si la chose devenait nécessaire, beau-fils ou non.
Cal se lève, commençant à faire les cent pas. Les enfoirés. Il avait entendu parler des développements des cafés et de la branche Japon, au bureau, depuis que Starbucks avait fait faillite de façon spectaculaire. Il savait que les grands patrons cherchaient à y implanter certains de leurs employés hispaniques afin que la direction se fasse aussi en accord que possible avec celle de la maison mère plutôt que laisser la succursale aux mains des nippons. Et puis ça faisait vendre, l’exotisme, chez ses insulaires formatés en série si loin des existences flamboyantes de son île natale. Il savait que personne ne voulait y aller parmi leur échelon, malgré la promotion conséquente allant avec la mutation. Personne n’était assez stupide pour se jeter volontairement dans la gueule du loup et se faire fourrer une puce dans la cervelle par amour de l’entreprise, et puis quoi encore. Une vie entière ruinée, jetée aux cochons des mœurs puritaines d’un système qu’ils n’ont jamais compris dans cette région du monde. Une putain d’épée de Damoclès dont la pointe ne ferait que s’enfoncer jour après jour un peu plus loin dans sa nuque. Cal se rend compte avec amertume qu’ici ou là-bas, Damoclès est déjà bien installé au-dessus de son crâne quoi qu’il arrive, cocktail en main jusqu'à la chute inévitable de son glaive. Mais ils auraient tout aussi bien pu le déplacer ailleurs qu’au Japon. L’envoyer pourrir dans les fins fonds perdus des campagnes US ou cirer les pompes des Russes. Il devait y avoir une autre raison, sûrement, à un sacrifice aussi accommodant. Il est jeune, compétent, jetable. Idéal lorsqu’il s’agit d’aller étendre le commerce du cartel sous une dictature. Arrêtant de marcher, il reporte son attention sur Léon.
« Le Japon, hein. J’imagine que je ne vais pas me contenter d’y vendre du café.
– Pas vraiment, non. »
Son beau-père a un sourire de requin collé aux lèvres et Caliban ne peut s’empêcher de le lui retourner.
Ils passent les heures qui suivent à discuter du marché engendré par la nouvelle jeunesse vibrante au Japon et des réseaux de trafics d’Asie de l’Est. Dans le mois qui suit, Léon donne à Caliban toutes les informations nécessaires sur leurs partenaires déjà en place et sur les groupes s’opposant à eux. Sur le speed, l’ice et le crystal produits là-bas, sur la manière dont les pontes des Cuervos comptent acheter chez eux pour inonder les Amériques, lassées de la coke. Ainsi que sur la façon dont leurs stocks à eux partiront fournir la demande asiatique et australienne en constante hausse depuis que les courbes de naissance repartent à plein régime.
Cal se dit qu’avec cet objectif en tête, il peut se faire une raison. Que s’il parvient réellement à implanter les Cuervos au Japon et à étendre leur réseau d’influence jusqu’au cœur de l’Asie, jusqu’à dépasser l’ambition de tous les cartels ayant pavé la voie, alors il n’aura pas perdu son temps à courber l’échine pour se faire pucer comme du bétail reproducteur. Il espère que ça suffira pour supporter ce qui va lui tomber dessus. Et au pire, il se consolerait avec la fortune obscène qu’il comptait bien amasser dans son ascension vers les clés du pouvoir.
*
Son mariage avec Selen avait été une véritable croisière. Calme, tranquille, parfaitement planifié. L’Incontestable les avait réunis pour leur façon de voir la vie comme une entreprise en constante expansion et cela avait fonctionné. Le fait qu’en prime l’autre parti s’avère agréable à vivre était un atout qui avait beaucoup facilité les choses mais, pragmatiques, ils auraient tiré le maximum de leur couple même sans ça. Ça a duré trois ans, trois années qui ont forcé Caliban à se remettre en question, à bousculer la solidité de plus en plus bancale de ses a priori pour le système de contrôle régissant l'archipel et leur existence. Puis l’entité en contrôle de leur vie a proclamé le divorce, ayant trouvé un partenaire plus adéquat à Selen, probablement quelqu’un qui accepterait de passer à l’étape suivante et mettre au monde une progéniture. Ils s’étaient beaucoup disputés à propos de ça, sur la fin. Mais Cal n’avait que vingt-neuf ans, un empire de narcotiques à gérer en intérim et le poste d’assistant de sous-direction d’une succursale titanesque prêt à lui tomber sur le dos d’un moment à l’autre maintenant qu’il avait fait la connerie de se montrer plus compétent que prévu à son ancien poste. Un môme dans l’équation, non merci. Inès a été très déçue. Elle aimait beaucoup son ancienne belle-fille.
Son mariage avec Quentin, à peine une poignée de mois plus tard, avait été un enfer. Il avait pu se résoudre au sexe avec un autre homme, ce n’était pas le problème. Non, le problème, c’était que cet enfoiré d’américain lui avait foutu la tête en vrac jusqu’à manquer de lui faire commettre des erreurs fatales dans la gestion du cartel et dans son ascension des échelons. Ils passaient plus de temps à se sauter à la gorge qu’autre chose. Ils se bourraient la gueule ou se sniffaient un possible rail pour parvenir à s’oublier un temps et à obéir à leurs devoirs conjugaux sans s’écharper. Ils passaient des journées entières à somnoler emmêlés l’un sur l’autre dans les draps et à commander des plats à emporter. Ils se moquaient cruellement l’un de l’autre et insultaient les membres de leurs belles familles sans retenue, jusqu’à provoquer une mêlée générale, deux fois. Ils haïssaient le système qui les avait forcés ensemble et le remerciaient en même temps. Ils tombaient dans une routine rugueuse et coupante puis pansaient les plaies de l’autre sans rien dire. Avec Quentin, Caliban avait été poussé à bout, exaspéré et enragé, il avait ri à en pleurer et il avait caressé l’idée d’homicide plus de fois qu’à son tour, et son époux n'eut jamais aucune d'idée d'à quel point ç'eut été facile, tant cette enflure lui pourrissait la vie. Eux deux, ça n’avait rien d’ordonné, ni de clair, ni de tranquille. Mais ça fonctionnait. Mieux qu’aucun d’eux n’aurait osé l’imaginer. Alors après cinq ans de ce cirque et un passage en centre de redressement, il y a eu la naissance d'Anna. Et peu après, il n’y a plus eu qu’elle et Caliban.
*
Quand les secousses et que les écroulements se sont tus, et que les sirènes d’alerte évacuation se sont mises à hurler dans la ville, Caliban n’a pas tout de suite compris les implications. Même après plus de dix ans passés dans ce pays il reste un simple métèque qui ne peut feindre les automatismes enracinés chez les autochtones depuis l’enfance.
Il a fallu que les procédures de sécurité s’enclenchent dans leur immeuble pour qu’il percute. Que tous les regards se tournent vers les parois vitrées offrant une vue imprenable sur la baie et sa mer lisse comme une flaque d’huile pour qu’il comprenne. Par chance, ils trônaient haut à la direction Valdez. Bien à l’abri dans une tour d’argent moderne qui venait de résister au séisme et ne souffrirait sûrement aucuns dégâts dans les étages supérieurs. Sûrement, pas vrai ?
Le flot de gens montant se réfugier dans les étages n’a cessé de s’écouler pendant une heure interminable d’angoisse. La sécurité ne laissait descendre personne, répartissant chacun au mieux, dans un calme si parfait qu’on en venait à croire que la menace était fictive et qu’il s’agissait d’un banal exercice de routine.
Comme beaucoup de parents, il a tout de suite essayé d’appeler l'école de sa fille, sans succès. Les réseaux saturés n’étaient plus fiables, les émissions des messages officiels captaient toutes les ressources, de même que les connexions pour les forces d’intervention. Sur le papier, ça parait logique. Dans les faits, tout cela parait absurde. Il a finalement reçu un message de la part de la direction de l’école, assurant que l’évacuation se faisait au plus vite, vers où il n’en savait rien. Puis le cri des sirènes a changé, annonçant la vague, et le silence s’est fait à l’étage.
Sans rien dire, ils ont tous regardé ce mur d’eau s’élever à l’horizon. S’approcher à toute vitesse, à toute vitesse. Conscients que les rues devaient encore être gorgées de monde, conscients que les pertes seraient énormes, conscients, soudain, qu’ils n’avaient aucune certitude que l’immeuble résiste à un impact de plein fouet sinon leurs espoirs fous de survie.
L’immeuble a tenu. Le temps que le plus gros de la vague reflue, les générateurs de secours se sont mis à carburer et le jour s’est dilué dans une nuit sombre et pluvieuse, toujours soumise aux orages. L’évacuation de l’immeuble a commencé pendant que Maria et Caliban reprenaient le travail, mettant en place une cellule de crise en lien direct avec la maison mère en Colombie, essayant de contacter tous les responsables et managers des enseignes disséminées dans la ville. Au petit matin d’une première nuit sans sommeil, Cal s’est enfermé dans son bureau pour contacter ses lieutenants et obtenir un rapport des dégâts sur les marchandises et connaître les pertes humaines. Puis il a contacté Léon et les autres pontes du cartel, par-delà l’océan, afin de leur faire comprendre l’aubaine qui venait de tomber entre leurs mains, sous réserve que la branche principale lui fournisse ce dont il avait besoin en hommes et en fonds. Les catastrophes étaient une mine d’or pour l’extension du trafic. Des territoires affaiblis ou laissés à l’abandon pouvaient aisément être saisis ; éliminer la concurrence passerait inaperçu, de même que jouer les bons samaritains pouvait permettre de les placer en dettes de pions clés pour l'avenir ; les âmes en peine ne tarderaient pas à venir chercher du réconfort dans les produits pour oublier la douleur ; faire disparaître enfants, femmes et hommes vers les différents réseaux de vente russes et chinois tiendrait du jeu d’enfant. Un cadeau du ciel, vraiment, pour des pourritures comme eux.
Seulement, l'univers a horreur du vide et tend à balayer les déséquilibres d'un revers de karma. Alors, forcément, le retour de bâton fut expéditif.
Entre les décombres et les dégâts titanesques, les directives d’évacuation confuses et les réseaux saturés ou à moitié hors ligne, Caliban n’a pu retrouver Anna que trois jours après la catastrophe. Il avait mis les rouages fracassés du cartel en branle pour que les lieutenants en place obtiennent des informations, n’importe lesquelles, quitte à payer, menacer ou tuer s’il le fallait. Il n'avait cessé d'appeler les autres parents à l’école de sa fille, d’autres parents n'avaient cessé de le contacter lui, tous à la recherche du centre d’évacuation censé abriter leurs enfants. Puis la nouvelle leur est parvenue par un communiqué de la préfecture, incertaine, impossible ; le centre n’a pas tenu, le centre n’a pas suffi ; un effondrement partiel, une inondation, bloqués dans l’eau et les décombres un jour, une nuit, moins ou plus. Les pompiers et la milice avaient pu faire sortir la plupart des réfugiés de ce piège au soir tombé. Après la terreur sourde, on leur a appris que la majorité des élèves en étaient sortis indemnes. La majorité, seulement.
L’hôpital était noir de monde. Des blessés, des malades, des âmes hagardes, des médecins et des infirmières débordés, des gens en état de choc, de pleurs, des cris et des regards vides partout où se posait le sien. Des morts aussi, à la pelle, évacués sans douceur ni cérémonie pour faire de la place aux vivants.
Anna était dans une chambre pour deux, avec une vingtaine d’autres enfants n’ayant même pas dix ans, eux non plus. Des matelas posés à même le sol pour en faire entrer le plus possible et palier la saturation des lits, deux infirmières pour s’assurer de leurs santés et un docteur faisant sa ronde, une expression de profonde lassitude tirant les traits de visage. Le tableau n’aura pas fait tâche à côté d’un hôpital délabré d’Amérique Central après un attentat ou une attaque paramilitaire.
L’avantage d’avoir de l’argent c’est qu’on peut tout acheter, et ceux qui prétendent le contraire n’en ont simplement pas assez. Caliban a récupéré Anna dès qu’un médecin lui a confirmé qu’elle pouvait être déplacée. Un coup de fil et les services d’une clinique privée à Cuba lui étaient assurés, avion affrété dans l’heure suivante et atterrissant sur le tarmac de La Havane dès le lendemain.
Entre la direction d’une entreprise et l’expansion toujours en mouvement du plus gros cartel que ce siècle ait connu, Caliban est dans une position qui ne lui permet pas beaucoup de latitude sur la prise de jours de repos. Des semaines encore moins. Et pendant les périodes de crises, le repos devient un vague concept que lui effleure les doigts une heure par nuit jusqu’à perdre tout sens. Ça ne le dérange pas vraiment. Il s’y plaît, dans cette frénésie. Il s’y épanouit depuis tout gosse. Gérer la succursale est un défi qu’il relève avec une hargne vorace, tenir le trafic à flot est quelque chose qui l’électrifie chaque année un peu plus. Ça ne l’a jamais dérangé avant, non. Avant, même quand Anna était malade, il s’arrangeait pour que quelqu’un veille sur elle pendant que lui passait ses journées au bureau ou au cœur de négociations prenant part dans l’ombre.
Shukumei a changé tout ça. Les trois jours sans fin à croire sa fille morte noyée ont remis les choses en perspective. Pour la première fois en trente-huit ans d’existence, Caliban a mis le courant tumultueux de sa vie sur pause, laissant Maria s’occuper de la succursale et ses bras-droits remettre de l’ordre dans les affaires du cartel. A quoi bon s’entourer de gens compétents si on ne pouvait pas compter sur eux pour faire le sale boulot de temps en temps ? Ils savaient tous très bien que les résultats qu’ils devraient montrer à Caliban à son retour pouvait signer la fin de leurs carrières – ou vies.
Ça n’aura pas duré longtemps, deux semaines, trois tout au plus. Inès, malgré son inquiétude, était aux anges d’avoir enfin chez elle son fils et sa petite-fille pour plus que les quelques week-ends volés ici et là, entre Cuba et le Japon. Léon, lui, était ravi de pouvoir échanger seul à seul avec son beau-fils sur la restructuration des réseaux détruits par la vague. Et Caliban se fit la promesse muette qu’il ne se permettrait pas de vivre une troisième fois la disparition d’un être cher en spectateur, sans prendre lui-même les choses en main. Plus jamais.
*
Le malaise de l'homme lui faisant face rendrait presque l'air irrespirable, étouffant dans une tension à couper au couteau. A sa gauche, Esteban s'impatiente, faisant mine de déplacer une main vers l'arme logée à sa ceinture, mais Caliban l'arrête d'un geste de la main.
« Nous nous sommes sûrement mal compris, monsieur Franz. Il doit s'agir d'un malentendu.
- O-oui, un malentendu, abso-absolument.
- Bien. Vous allez donc prendre ce téléphone, comme prévu, et autoriser le transfert. »
Malgré la peur suant à grosses gouttes sur le visage de l'homme, ce dernier hésite encore, tentant à nouveau de protester
« Mais enfin, c'est- C'est beaucoup trop. Sûrement, le prix que nous avions convenu suffira amplement à-
- Vous n'aviez évoqué que votre propre voyage à l'étranger. Pas celui d'une invitée supplémentaire, encore moins d'une fille de joie éhontément dérobée sur le tard. Et à un établissement tout à fait respectable, qui plus est. Vous me mettez dans l'embarras avec de très bon amis. »
Une demi-vérité auréolée d'un pieu mensonge. Une compensation serait la bienvenue envers le groupe qui possédait cette hôtesse, afin d'éviter toute querelle stupide, et le fait qu'il s'en charge personnellement une première preuve de sa bonne foi. Caliban pourrait la leur retourner d'un claquement de doigt, évidemment. Mais quel profit aurait-il à en tirer ? Quand il pouvait tout aussi bien offrir une somme conséquente à des partenaires -bien plus que la valeur de la fille- en ces temps difficiles, et faire cracher son argent à ce petit fils de pédant et ignare, qui avait pensé pouvoir glisser une passagère clandestine sous leur nez. Quelle audace. Ahh, ce qu'on ne ferait pas par amour, vraiment.
« Vous autoriserez le transfert du nouveau montant monsieur Franz, il n'est que naturel de compenser un bien lésé. Après tout, nous ne sommes pas des voleurs. »
L'ironie obscène de sa déclaration lui tire un bref sourire, bien vite remplacé par l'ennui. Ces luttes vaines soutenues par des espoirs fous l'amusaient, autrefois. Aujourd'hui, elles ont toutes la même saveur de déjà-vu inéluctable. Une tragédie aussi vieille que le monde, toujours la même, et pourtant ils se rêvent tous une fin plus douce. S'imaginent qu'en appeler à ses sentiments, à sa raison, à sa vénalité leur obtiendra un quelconque traitement de faveur. La faute aux films et aux séries drapant son milieu d'un manteau de pathos adoucissant les contours de la réalité, sûrement. Laissant croire aux pauvres hères empêtrés dans les serres du cartel qu'ils devaient sûrement être le rôle principal de l'épisode de leur vie, que les choses ne pouvaient pas mal se passer pour eux. Oubliant que les tragédies n'ont pitié de personne. Encore moins de leurs héros et héroïnes.
Se levant, Caliban indique à Esteban de prendre le relais.
« Le gouvernement vous pense déjà morts, Stephan, vous et votre putain. Ne m'obligez pas à leur donner raison. »
*
Stephan Franz ne sera pas le premier ni le dernier à payer pour fuir le pays et effacer toute trace de son existence à la surface du globe. Pendant des mois, ils seront des dizaines, des centaines, certains plus riches que d'autres, d'autres plus stupides que riches. Au final, le chaos provoqué par la mort soudaine de centaines de millier de Japonais ne fut qu'un cadeau de noël supplémentaire pour les Cuervos. Très différent de cette brève étincelle d'agitation quelques années plus tôt, lors de cette rébellion mollassonne -Big Bang quelque chose ?- et n'ayant menée à rien. Des dissidents du dimanche, des idéalistes sans envergures. Non, cette fois le système faiblissait de l'intérieur, craquelant les murs jusqu'alors imprenables. Pour un peu, Caliban aurait presque souhaité qu'Anna et lui en fasse partie. Curieux de ce qu'il aurait pu faire d'une telle opportunité. Un départ à zéro, une fuite vers l'aventure et vers une vie tranquille, rien que tous les deux peut-être ? Mais chaque fois qu'il se laisse à imaginer la chose, la conclusion s'impose d'elle-même. Il serait resté, et Anna avec lui. Il serait resté, et aurait continué de plonger ses mains dans les entrailles de ce pays vérolé par la crainte et la colère, agonisant d'espoirs muets. Une véritable tragédie.
- Pour les gens comme moi qui sont nuls pour les repères datés :
2071 – Naissance de Cal.
2085 – 14 ans – Extrait avec Léon.
2093 – 22 ans – Cal se fait tirer dessus à Bogotá.
2095 – 25 ans – Cal est prudemment écarté de la branche principale du cartel sous prétexte de développer le réseau en Asie et Océanie à partir du Japon (ce qu'il réussit).
2095 / 2100 – 25 à 29 ans – Mariage avec Selen.
2100 / 2105 – 29 à 34 ans – Mariage avec Quentin, naissance d’Anna en 2104, mort de Quentin en 2105.
2108 - 37 ans - BBK
2109 – Shukumei, Cal a 38 ans, Anna 5 ans.
2111 / 2112 – 40/41 ans – Épidémie et chasse à l’homme.
2113 – Contexte actuel, Cal a 42 ans, Anna 9 ans.
Physique

« Vos yeux, c’est naturel ?
— Pardon ?
— Vos yeux. Le noir. C’est naturel ? »
C’est la première question que Selen pose, depuis trente minutes qu’ils sont assis là, à se regarder dans le blanc des mirettes sans échanger guère plus que des salutations. Le silence ne les effraie ni l’un ni l’autre. Elle sait qu’il la jauge, fait de même. Elle pense deviner qu’il s’ennuie, que cette situation l’insupporte et que s’il n’y avait cette constante menace de mort planant au-dessus d’eux, il aurait décampé depuis longtemps. Tout comme elle.
Son désormais mari fronce légèrement les sourcils, semblant pris au dépourvu par la trivialité de la question, avant de répondre par l’affirmative, expliquant distraitement que les recours à la chirurgie n’étaient pas dans ses projets. Selen hoche la tête avec grâce et reprend son étude sans gêne de l’homme avec qui elle se voit désormais obligée de partager son intimité. Elle avait une image à maintenir, en tant que consultante externe d’une firme énergétique d’Europe du Nord, et elle n’allait pas mentir : l’image de son mari lui était tout aussi importante.
De ce qu’elle a compris après de fructueuses recherches, lui aussi travaille à un poste de quelque importance au sein d’une multinationale. Jeune mais ambitieux. Dans les rangs des possibles successeurs à la direction actuelle. Elle a tout de suite su apprécier l’allure tranchante, nette, et le maintien sûr de son nouveau mari, de même que ses vêtements simples mais de bonne facture. Un t-shirt noir sous une veste élégante de la même couleur faisant savamment ressortir la peau tannée, manches roulées sur ses avant-bras, et un jean d'un bleu sombre accompagné de chaussures aux airs de rangers parfaitement horribles. Selen lui aurait préféré des Weston -des Le Cambre lui irait parfaitement- mais elle aura bien l’occasion d’éduquer son jeune époux sur le sujet. Il s’en dégageait une sobriété décontractée, calculée, ne se laissant pas enfermer dans le formalisme. En dépit du piercing qu’elle avait cru voir briller au milieu de sa langue, de sa mâchoire mal rasée et de ces longs cheveux fantaisistes, le tableau était plutôt à son goût dans l’ensemble.
A la manière qu’il a de la regarder et de prendre possession de l’espace comme s’il avait toujours été son seul territoire, semblant la mettre au défi de le lui contester, Selen décide que ce Vega et elle pourront faire en sorte de tirer le maximum de ce partenariat imposé. Ces foutus yeux sombres qui lui ramollissent les genoux sont une agréable surprise, un petit bonus dont elle ne se plaindra pas.
« Et si nous sortions, Selen ? » finit-il par proposer. « Laissez-moi vous inviter à dîner. Il sera plus agréable de faire connaissance en dehors de cet appartement impersonnel. »
Selen décide aussi que la chaleur de sa voix est un mensonge suffisamment plaisant pour qu’elle s’y laisse prendre.
Après presque un an de cohabitation, elle ne se lasse toujours pas du contraste entre leurs deux peaux. Elle glisse distraitement ses doigts pâles contre l’épaule tatouée, massant son épiderme trop ferme à son goût, pour finir par appuyer sur le muscle assez fort pour tirer un grognement à la forme allongée contre elle. La réaction la fait sourire.
« Cal, le réveil a déjà sonné.
— Encore cinq minutes.
— Non.
— S’il te plait ?
— Non. »
Il soupire contre sa nuisette et se redresse sur un coude, grommelant dans sa barbe sans discontinuer. Il sort du lit en baillant et s’étire, grattant l’ombre de barbe qui s’étale sur sa joue, puis il enfile un vieux jogging troué et traîne des pieds jusqu’à la cuisine. Selen l’y rejoint peu après et l’observe avec attention. Des muscles noueux qui roulent sagement sous sa peau tandis qu’il prépare le petit-déjeuner, légèrement avachi, se grattant une cheville à l’aide de son autre pied. Une moue fatiguée et blasée plissant sa bouche, les yeux cernés par des nuits toujours trop courtes ou agitées, elle ne retrouve pas grand-chose de l’homme à l’aura de menace brute qu’il devient hors de leur appartement. Avec le temps, elle a vu son époux s’habituer à leur relation, s’habituer à la proximité et à l’intimité pour finalement parvenir à lâcher un peu la bride. Bien plus relaxé dans sa démarche, plus doux malgré l’éclat encore tranchant au creux de ses yeux ou dans ses mots. Moins contrôlé, aussi, parfois plus sauvage ou imprévisible.
Le regard de Selen coule le long de ses bras, accrochant les quelques cicatrices éparses, gardiennes de souvenirs de jeunesse, s’arrête sur ses mains occupées à préparer une omelette. Elle aime beaucoup ses mains. Il a une façon aérienne de les mouvoir en parlant, presque délicate, alors même que leurs paumes sont rêches, abîmées et calleuses, et que ses jointures sont parsemées de petites cicatrices plus ou moins lisses et adoucies. Elles ne collent pas avec l'image qu'elle se fait d'un employé de direction d’entreprise lambda. Des fois, souvent, elle se demande ce qui est vrai dans ce qu'il lui a raconté sur lui. Parce qu’il y a ces tatouages gigantesques, impossibles à deviner sous les chemises, les cravates et les costards, ces deux oiseaux sombres comme les abysses qui envahissent toute la partie haute de son dos, de son torse, de ses épaules, et le haut de ses bras jusqu’aux coudes. Parce qu'il y a cet affreux impact de balle qui a laissé une cicatrice rugueuse sur sa peau, qui a déchiré l’une de ses hanches, celle qui le fait légèrement boiter lorsqu'il a eu une longue journée ou qu'il fait froid et humide dehors. Il n'en parle pas, et elle non plus.
L’entendant fredonner, elle sort de ses pensées et revient à son visage et à ces trois grains de beauté qui jouent à la naissance de ses cheveux. Elle retient le commentaire moqueur qui lui brûle les lèvres en voyant les épis bordéliques qui couronnent la tête de Caliban. A la place, elle vient se caler contre son dos, appuyant son menton entre ses omoplates et lui soufflant dans la nuque, ignorant ses tortillements de protestation. Il est plus grand qu'elle d'une demi-tête, en dépit de son joli mètre soixante-quinze à elle, et cela continue de l'agacer. Se reculant à peine, elle pose ses coudes sur les épaules larges pour mieux passer ses doigts dans les cheveux longs, aux mèches noires fournies et épaisses, essayant de dompter sa crinière en un chignon. Sans grand succès. C’est à elle de grommeler et cela le fait sourire, un rictus amusé dansant sur ses lèvres. Ça aussi, il aura fallu qu’elle patiente pour le voir. Contrairement à ce qu’elle avait pu penser au départ, Caliban était loin d’être inexpressif. Il en avait juste un très bon contrôle lorsqu’il le souhaitait, connaissant l’avantage certain qu’il y avait à ne rien laisser paraître face à ses adversaires. Elle avait remarqué que ce fameux contrôle avait tendance à lui échapper lorsqu’il était trop concentré ou sincèrement intéressé par quelque chose. Le regarder chanter sous la douche ou voir un film qui lui plaisait était un véritable spectacle. Elle se félicitait d’en être l’une des rares spectatrices.
Ils se sont revus pour un café aujourd'hui, comme cela leur arrive de temps en temps en dépit du divorce prononcé par l'Incontestable. Ils sont restés bons amis. Et plus de dix ans après leur première rencontre, Caliban ressemble toujours à Caliban. Les traits plus marqués, des rides discrètes commençant à se laisser deviner sur son visage, la barbe taillée avec soin désormais et de rares cicatrices qu'elle n'avait jamais vues recouvrant les anciennes sur ses phalanges. Il n’est plus le jeune homme fraîchement débarqué à Tokyo du haut de ces vingt-cinq ans, non, mais il n’a pas changé pour autant. Seul son timbre de voix parait différent, un peu plus sérieux et rauque peut-être. Plus vrai dans sa chaleur, sûrement. Elle lui raconte les déboires de son petit dernier et lui râle pour la forme des derniers exploits téméraires d'Anna, l'éclat acéré de ses yeux toujours aussi sombres fondant dans son sourire fier.
— Pardon ?
— Vos yeux. Le noir. C’est naturel ? »
C’est la première question que Selen pose, depuis trente minutes qu’ils sont assis là, à se regarder dans le blanc des mirettes sans échanger guère plus que des salutations. Le silence ne les effraie ni l’un ni l’autre. Elle sait qu’il la jauge, fait de même. Elle pense deviner qu’il s’ennuie, que cette situation l’insupporte et que s’il n’y avait cette constante menace de mort planant au-dessus d’eux, il aurait décampé depuis longtemps. Tout comme elle.
Son désormais mari fronce légèrement les sourcils, semblant pris au dépourvu par la trivialité de la question, avant de répondre par l’affirmative, expliquant distraitement que les recours à la chirurgie n’étaient pas dans ses projets. Selen hoche la tête avec grâce et reprend son étude sans gêne de l’homme avec qui elle se voit désormais obligée de partager son intimité. Elle avait une image à maintenir, en tant que consultante externe d’une firme énergétique d’Europe du Nord, et elle n’allait pas mentir : l’image de son mari lui était tout aussi importante.
De ce qu’elle a compris après de fructueuses recherches, lui aussi travaille à un poste de quelque importance au sein d’une multinationale. Jeune mais ambitieux. Dans les rangs des possibles successeurs à la direction actuelle. Elle a tout de suite su apprécier l’allure tranchante, nette, et le maintien sûr de son nouveau mari, de même que ses vêtements simples mais de bonne facture. Un t-shirt noir sous une veste élégante de la même couleur faisant savamment ressortir la peau tannée, manches roulées sur ses avant-bras, et un jean d'un bleu sombre accompagné de chaussures aux airs de rangers parfaitement horribles. Selen lui aurait préféré des Weston -des Le Cambre lui irait parfaitement- mais elle aura bien l’occasion d’éduquer son jeune époux sur le sujet. Il s’en dégageait une sobriété décontractée, calculée, ne se laissant pas enfermer dans le formalisme. En dépit du piercing qu’elle avait cru voir briller au milieu de sa langue, de sa mâchoire mal rasée et de ces longs cheveux fantaisistes, le tableau était plutôt à son goût dans l’ensemble.
A la manière qu’il a de la regarder et de prendre possession de l’espace comme s’il avait toujours été son seul territoire, semblant la mettre au défi de le lui contester, Selen décide que ce Vega et elle pourront faire en sorte de tirer le maximum de ce partenariat imposé. Ces foutus yeux sombres qui lui ramollissent les genoux sont une agréable surprise, un petit bonus dont elle ne se plaindra pas.
« Et si nous sortions, Selen ? » finit-il par proposer. « Laissez-moi vous inviter à dîner. Il sera plus agréable de faire connaissance en dehors de cet appartement impersonnel. »
Selen décide aussi que la chaleur de sa voix est un mensonge suffisamment plaisant pour qu’elle s’y laisse prendre.
*
Après presque un an de cohabitation, elle ne se lasse toujours pas du contraste entre leurs deux peaux. Elle glisse distraitement ses doigts pâles contre l’épaule tatouée, massant son épiderme trop ferme à son goût, pour finir par appuyer sur le muscle assez fort pour tirer un grognement à la forme allongée contre elle. La réaction la fait sourire.
« Cal, le réveil a déjà sonné.
— Encore cinq minutes.
— Non.
— S’il te plait ?
— Non. »
Il soupire contre sa nuisette et se redresse sur un coude, grommelant dans sa barbe sans discontinuer. Il sort du lit en baillant et s’étire, grattant l’ombre de barbe qui s’étale sur sa joue, puis il enfile un vieux jogging troué et traîne des pieds jusqu’à la cuisine. Selen l’y rejoint peu après et l’observe avec attention. Des muscles noueux qui roulent sagement sous sa peau tandis qu’il prépare le petit-déjeuner, légèrement avachi, se grattant une cheville à l’aide de son autre pied. Une moue fatiguée et blasée plissant sa bouche, les yeux cernés par des nuits toujours trop courtes ou agitées, elle ne retrouve pas grand-chose de l’homme à l’aura de menace brute qu’il devient hors de leur appartement. Avec le temps, elle a vu son époux s’habituer à leur relation, s’habituer à la proximité et à l’intimité pour finalement parvenir à lâcher un peu la bride. Bien plus relaxé dans sa démarche, plus doux malgré l’éclat encore tranchant au creux de ses yeux ou dans ses mots. Moins contrôlé, aussi, parfois plus sauvage ou imprévisible.
Le regard de Selen coule le long de ses bras, accrochant les quelques cicatrices éparses, gardiennes de souvenirs de jeunesse, s’arrête sur ses mains occupées à préparer une omelette. Elle aime beaucoup ses mains. Il a une façon aérienne de les mouvoir en parlant, presque délicate, alors même que leurs paumes sont rêches, abîmées et calleuses, et que ses jointures sont parsemées de petites cicatrices plus ou moins lisses et adoucies. Elles ne collent pas avec l'image qu'elle se fait d'un employé de direction d’entreprise lambda. Des fois, souvent, elle se demande ce qui est vrai dans ce qu'il lui a raconté sur lui. Parce qu’il y a ces tatouages gigantesques, impossibles à deviner sous les chemises, les cravates et les costards, ces deux oiseaux sombres comme les abysses qui envahissent toute la partie haute de son dos, de son torse, de ses épaules, et le haut de ses bras jusqu’aux coudes. Parce qu'il y a cet affreux impact de balle qui a laissé une cicatrice rugueuse sur sa peau, qui a déchiré l’une de ses hanches, celle qui le fait légèrement boiter lorsqu'il a eu une longue journée ou qu'il fait froid et humide dehors. Il n'en parle pas, et elle non plus.
L’entendant fredonner, elle sort de ses pensées et revient à son visage et à ces trois grains de beauté qui jouent à la naissance de ses cheveux. Elle retient le commentaire moqueur qui lui brûle les lèvres en voyant les épis bordéliques qui couronnent la tête de Caliban. A la place, elle vient se caler contre son dos, appuyant son menton entre ses omoplates et lui soufflant dans la nuque, ignorant ses tortillements de protestation. Il est plus grand qu'elle d'une demi-tête, en dépit de son joli mètre soixante-quinze à elle, et cela continue de l'agacer. Se reculant à peine, elle pose ses coudes sur les épaules larges pour mieux passer ses doigts dans les cheveux longs, aux mèches noires fournies et épaisses, essayant de dompter sa crinière en un chignon. Sans grand succès. C’est à elle de grommeler et cela le fait sourire, un rictus amusé dansant sur ses lèvres. Ça aussi, il aura fallu qu’elle patiente pour le voir. Contrairement à ce qu’elle avait pu penser au départ, Caliban était loin d’être inexpressif. Il en avait juste un très bon contrôle lorsqu’il le souhaitait, connaissant l’avantage certain qu’il y avait à ne rien laisser paraître face à ses adversaires. Elle avait remarqué que ce fameux contrôle avait tendance à lui échapper lorsqu’il était trop concentré ou sincèrement intéressé par quelque chose. Le regarder chanter sous la douche ou voir un film qui lui plaisait était un véritable spectacle. Elle se félicitait d’en être l’une des rares spectatrices.
*
Ils se sont revus pour un café aujourd'hui, comme cela leur arrive de temps en temps en dépit du divorce prononcé par l'Incontestable. Ils sont restés bons amis. Et plus de dix ans après leur première rencontre, Caliban ressemble toujours à Caliban. Les traits plus marqués, des rides discrètes commençant à se laisser deviner sur son visage, la barbe taillée avec soin désormais et de rares cicatrices qu'elle n'avait jamais vues recouvrant les anciennes sur ses phalanges. Il n’est plus le jeune homme fraîchement débarqué à Tokyo du haut de ces vingt-cinq ans, non, mais il n’a pas changé pour autant. Seul son timbre de voix parait différent, un peu plus sérieux et rauque peut-être. Plus vrai dans sa chaleur, sûrement. Elle lui raconte les déboires de son petit dernier et lui râle pour la forme des derniers exploits téméraires d'Anna, l'éclat acéré de ses yeux toujours aussi sombres fondant dans son sourire fier.
Caractère
Cal ferme le stylo et le tend à la jeune femme patientant debout à sa droite. Cette dernière le prend, récupère la liasse de contrats posée devant lui sur la table et sort après une légère inclinaison du buste envers les deux partis en présence. La porte ne fait aucun bruit en se refermant. Tête légèrement penchée, il observe l’homme assis à l’autre bout de la table avec calme, suivant la décomposition de ses traits. Rage, défaite, incrédulité. Un sourire aimable fleurit sur les lèvres du Cubain avant qu’il ne se lève, refermant les boutons de sa veste.
« Toujours un plaisir de faire affaires avec vous, monsieur Takeda. Si vous voulez bien m’excuser, Maria saura répondre à toutes vos questions. »
Un bref salut de la tête et Cal sort à son tour de la salle de conférence, faisant signe à Maria de prendre le relais. Il va jusqu’à son bureau, ouvre la fenêtre et s’allume une cigarette, tirant sur le filtre sans y penser. Il n’aime pas fumer, mais il trouve le grésillement de la fraise plus satisfaisant que ses goûts en la matière. Menton en paume, il se repasse en boucle l’entrevue avec Takeda et la signature des contrats, l’intégration totale de sa petite compagnie de manutention locale à Juan Valdez. Il vient probablement de ruiner la vie de cet homme et de sa société, d’un trait de stylo plume, pour le profit de son entreprise. Il suppose que ça fait de lui un bel enfoiré.
Expirant la fumée grisâtre, il écrase son mégot et retourne aux dossiers en attente sur son bureau : des demandes de transferts, des livraisons, des fusions, des imports, des rapports financiers, des dossiers RH, le prochain plan marketing, tout le nécessaire au bon fonctionnement de la succursale sur le sol japonais. Une couverture impeccable, un écran de fumée parfait, à l’instar de son rôle de façade à Tokyo.
Cal ne s’étonne plus de l’image qu’il est parvenu à se construire, que ce soit ici ou au sein du cartel. Il est devenu Vega, ce requin pour qui tout est négociable. Lui-même, vous, eux : négociables. La vérité, la morale, la loyauté : fondamentalement négociables, si vous voulez son avis. Il a été l’idéal du jeune poulain avide de grimper les échelons et se donnant les moyens d’y parvenir, peu importent les dommages collatéraux. Il est l’homme de main taillé sur mesure, façonné dans le respect de la hiérarchie et de la famille, courtois et attentif à ses anciens et à leurs attentes, même après qu’il ait pris place sur l'un des trônes laissé vacant. Il est ce rapace qui plane inlassablement sous le soleil de plomb pour mieux fondre et planter ses serres dans le dos de qui sera assez crédule pour lui laisser une telle opportunité. Sans un avertissement, sans une hésitation. Tout peut être sacrifié au nom du marché de l’existence, tout, même lui. Vega n’est pas quelqu’un d’agréable, parce qu’il réussit, et que sa réussite signifie l’échec d’un autre. Parce qu’il préfère les sacrifier, eux, plutôt que lui, s’en tenir à ses objectifs et construire sa survie sur des décombres encore fumantes. Être impitoyable, Cal sait faire, même si cela signifie s'arracher au gosse idéaliste qu’il se souvient avoir été un jour. Les idéalistes ne font pas long feu dans ce monde en constante ébullition.
« Va crever, Vega.
— Dans tes rêves. Allez, j’vais être clément, je te laisse dix secondes d’avance pour la prochaine course.
— Mais va crever, bordel ! J’ai pas besoin d’ça pour te mettre une branlée, t’vas voir.
— C'est pas une façon de parler à son boss ça pendejo.
— Bah ! Pseudo-PDG d’mes burnes va. PDG, PDG, P'tit Débilos Geignard ouais, putain d'merde. »
Cal éclate de rire sous ses Oculus et sélectionne la prochaine course Mario Kart, accompagné d’un chapelet d’injure de la part de son voisin. Rei est un type poli et aimable d'ordinaire, comme tout bon Japonais qui se respecte, mais mettez-le devant une console puis battez le à plate couture et il devient très vite le pire charretier du coin. Si vous avez le malheur de perdre en revanche, il deviendra un crâneur insouffrable et Cal ne compte plus le nombre de fois où il a failli lui faire avaler sa foutue manette pour qu’il arrête ses vantardises. Ils reprennent leur partie et, à les voir jouer et s’engueuler comme deux crétins, on a du mal à concevoir que les deux gus ont déjà la quarantaine bien entamée. Ils enchaînent les courses pendant une petite heure encore avant que le portable de Caliban ne sonne. Rei pause le jeu et les casques retrouvent le socle de la console.
« Va falloir que j’y aille, le cours d’Anna finit bientôt.
— C’est ça ouais, » raille le Japonais. « Avoue que t’as juste peur de perdre la course finale après ma remontée spectaculaire.
— Sûrement un peu de ça aussi, oui.
— J’le savais, eh.
— Je t’appelle dans la semaine ? Je pense descendre bosser au café vendredi.
— C’est ton café patron, t’y viens quand tu veux. »
Caliban expire un rire, récupère ses affaires et quitte l’appartement de Rei pour aller récupérer sa fille à son cours d'aïkido.
Rei et lui sont devenus amis par nécessité, parce que Cal venait d'être jeté aux fauves et qu'il lui fallait un pied à terre, au moins un contact sur lequel il pourrait compter pour recevoir de l'aide. Rei a été le manager en charge de mettre Cal à niveau dans la succursale à l'époque où il est arrivé au Japon. Il lui a par la suite servi d'intermédiaire avec les autres managers lorsque Cal a succédé au poste de directeur un peu moins d’une dizaine d’années plus tard. En bon métèque, Cal ne connaissait pas grand-chose du fonctionnement japonais et Rei lui a été d’une aide plus que précieuse, inestimable, pour mieux comprendre les envies des clients et le marché du pays, coutumes et cultures compris. Une aide que Cal a souhaité remercier à sa juste valeur, poussant discrètement pour une promotion du manager vers la direction des ressources humaines, sans succès. Rei aime son poste et n'a pas grande ambition d'en changer. Avec le temps, les deux hommes se sont réellement appréciés, au-delà de l’amabilité de circonstance et de la hiérarchie. Le fait que Cal se soit mis à délaisser sa tour de verre pour venir seconder Rei au café de temps en temps depuis Shukumei y a beaucoup contribué. Rei lui demande parfois comment il peut se permettre de jouer aux baristas comme si de rien n’était avec son emploi du temps intenable. Cal répond toujours par une stupidité, quelque chose comme « parce que ton crâne à moitié chauve vaut tous les mauvais clients du monde » ou « mes journées font 48h, un jeu d'enfant » et autres « tu confonds avec le clone n°187, je suis le clone n°451, la technologie de nos jours, hein ? ». Rei laisse filer sans insister et Cal lui en est reconnaissant. Il n’a pas envie de laisser voir à quel point l'existence peut soudain l’étouffer sans crier gare depuis le tsunami.
Parfois, Cal délègue l'entreprise à Maria, son fidèle bras droit. Maria est bien plus compétente que lui pour gérer Valdez au jour le jour, ça crève les yeux, et elle est la raison pour laquelle l’implantation au Japon a réussi. Si ça ne tenait qu’à lui, elle aurait été promue à sa place depuis longtemps. Mais Maria n’a ni son passif, ni sa réputation, ni ses intuitions ; et si elle est une femme d’affaire redoutable capable de lui donner des sueurs froides lorsqu’il la voit en action, elle n’en reste pas moins une femme. Ici comme ailleurs, leurs ascensions restent aussi complexes que la misogynie des vieux croûtons siégeant aux côtés de Cal en conseils d’administration.
Et puis il y a le cartel, étroitement et discrètement imbriqué dans les mailles de l’entreprise, une tapisserie aussi délicate que dangereuse que Caliban maîtrise jusqu’au bout des ongles et dont Maria ignore tout. C’est pour gérer ce monde qu’il a été envoyé ici après tout, et il ne peut pas, ne veut pas, s’esquiver. Alors il délègue, et fuit les bureaux de la tour Valdez de temps en temps. Déléguer lui permet de ne pas péter un câble. De gérer la tension et la panique qui lui foutent des sueurs froides en pleine nuit, de garder l’esprit suffisamment clair et serein pour ne pas mettre l'entreprise ou le cartel en péril à cause d'une broutille, d’un détail qu'il n'aurait pas vu, d’une menace qu’il n’aurait pas sentie venir.
Parfois, il ira prétendre être un simple serveur dans le café géré par Rei en plein Shinjuku, le plus grand de l'archipel, revenant à la simplicité du contact avec le client, au contentement de participer à un instant de calme ou de satisfaction chez un anonyme, au plaisir d’un travail bien fait. Ils iront prendre un verre après la fermeture du café, dans un bar huppé, chez l’un ou l’autre, jouer un coup, discuter de leurs gosses et commérer sur le monde.
Parfois, il ira faire le sale boulot à la place des sbires du cartel, ignorant leurs protestations, leurs jefe, vous ne devriez pas vous salir les mains avec ce type. Ça lui sert d’excuse. La violence du milieu justifie la sienne et il n'y a que là qu'il peut l'exprimer sans retenue. Avant qu'elle déborde, avant qu'elle ne risque de dégueuler sa noirceur ailleurs et finisse en tâches indélébiles maculant les choses qui lui sont précieuses.
Les rares fois où Cal n’est pas préoccupé par toutes ces conneries cependant, quand il peut se permettre de ne penser ni à l’entreprise ni au cartel pour une poignée d’heures, il aime prétendre se glisser dans la peau d'un monsieur tout le monde en début de quarantaine et simple père célibataire. Ce n’est peut-être pas très crédible mais il y tient beaucoup, surtout ces dernières années alors qu’Anna grandit à toute vitesse.
Il profite d’un bon repas ou d’un bon film en compagnie d’Anna le soir s'il a pu rentrer à une heure décente, ce qui arrive un jour sur cinq. Il parcourt des terras d’informations sur internet, s’amuse de découvertes insolites qu’il y fait et appelle sa fille pour un oui ou pour un non quand il tombe sur une vidéo hilarante ou sur une histoire qui l'intéressera à coup sûr. Il envoie des memes stupides à Rei -ils font un concours-, spamme des crétineries à Maria pour le plaisir de les emmerder, elle et sa patience infinie, quand elle bosse alors qu'il est en affaires à l’étranger ou en week-end mensuel. Maria prévient toujours Anna en guise de représailles et la petite engueule son père sans faillir.
Comme monsieur tout le monde, Cal aime la musique de son époque tout autant que celle du siècle dernier et sa fille geint qu’il va lui foutre la honte, à écouter ses vieux groupes ringards aussi fort. Elle dit ça, mais il l’a surprise en train de fouiller dans ses bibliothèques numériques remplies de vieilleries plus d’une fois. Elle aime beaucoup chanter, Anna, alors Cal s’arrange pour qu’il y ait toujours un peu de musique dans l’appartement, de manière à ce que des défis karaoké puissent surgir à tout moment au détour d’un couloir.
Arrivé au dojo, il patiente avec les autres parents, certains qu’il reconnaît et salue à voix basse, s’enquérant de savoir comment ils vont, eux et leurs familles. Ils discutent de la pluie et du beau temps, de mondanités banales et affreusement ennuyeuses et ennuyantes, l'ignorance de ses interlocuteurs sur ses activités professionnelles rendant le tout irréel. Mais qu'y peut-il. Il adore se prendre au jeu.
Les portes s’ouvrent et une rivière de petits êtres s’en échappent en piaillant, dardant des regards inquisiteurs autour d’eux jusqu’à reconnaître les visages familiers qu’ils cherchent. Anna fronce les sourcils et fait la moue, hissée sur la pointe des pieds au milieu de la foule, puis elle le voit et sourit en l’appelant. Il agite doucement la main et attend qu’elle s’extirpe de la forêt de jambes et de bras par elle-même, jusqu'à ce qu'elle vienne tirer sur son manteau et lui racontent déjà la séance avec excitation avant même qu’il n’ait eu le temps de lui dire bonjour. Il lui ébouriffe les cheveux, lui rappelant d’être polie, et Anna s’interrompt. Il se penche, elle bougonne un coucou p'pa contre sa joue, et reprend son récit de plus belle en attrapant sa main pour le tirer vers la voiture qui les attend, agitant l’autre vers ses camarades. Cal n’est certainement pas l’homme le plus innocent du monde et il n’est peut-être pas loin de la crème des enfoirés. Mais il sait qu’il est un bon père, à défaut d’une bonne personne. Il suppose qu’il peut vivre avec ça.
« Toujours un plaisir de faire affaires avec vous, monsieur Takeda. Si vous voulez bien m’excuser, Maria saura répondre à toutes vos questions. »
Un bref salut de la tête et Cal sort à son tour de la salle de conférence, faisant signe à Maria de prendre le relais. Il va jusqu’à son bureau, ouvre la fenêtre et s’allume une cigarette, tirant sur le filtre sans y penser. Il n’aime pas fumer, mais il trouve le grésillement de la fraise plus satisfaisant que ses goûts en la matière. Menton en paume, il se repasse en boucle l’entrevue avec Takeda et la signature des contrats, l’intégration totale de sa petite compagnie de manutention locale à Juan Valdez. Il vient probablement de ruiner la vie de cet homme et de sa société, d’un trait de stylo plume, pour le profit de son entreprise. Il suppose que ça fait de lui un bel enfoiré.
Expirant la fumée grisâtre, il écrase son mégot et retourne aux dossiers en attente sur son bureau : des demandes de transferts, des livraisons, des fusions, des imports, des rapports financiers, des dossiers RH, le prochain plan marketing, tout le nécessaire au bon fonctionnement de la succursale sur le sol japonais. Une couverture impeccable, un écran de fumée parfait, à l’instar de son rôle de façade à Tokyo.
Cal ne s’étonne plus de l’image qu’il est parvenu à se construire, que ce soit ici ou au sein du cartel. Il est devenu Vega, ce requin pour qui tout est négociable. Lui-même, vous, eux : négociables. La vérité, la morale, la loyauté : fondamentalement négociables, si vous voulez son avis. Il a été l’idéal du jeune poulain avide de grimper les échelons et se donnant les moyens d’y parvenir, peu importent les dommages collatéraux. Il est l’homme de main taillé sur mesure, façonné dans le respect de la hiérarchie et de la famille, courtois et attentif à ses anciens et à leurs attentes, même après qu’il ait pris place sur l'un des trônes laissé vacant. Il est ce rapace qui plane inlassablement sous le soleil de plomb pour mieux fondre et planter ses serres dans le dos de qui sera assez crédule pour lui laisser une telle opportunité. Sans un avertissement, sans une hésitation. Tout peut être sacrifié au nom du marché de l’existence, tout, même lui. Vega n’est pas quelqu’un d’agréable, parce qu’il réussit, et que sa réussite signifie l’échec d’un autre. Parce qu’il préfère les sacrifier, eux, plutôt que lui, s’en tenir à ses objectifs et construire sa survie sur des décombres encore fumantes. Être impitoyable, Cal sait faire, même si cela signifie s'arracher au gosse idéaliste qu’il se souvient avoir été un jour. Les idéalistes ne font pas long feu dans ce monde en constante ébullition.
*
« Va crever, Vega.
— Dans tes rêves. Allez, j’vais être clément, je te laisse dix secondes d’avance pour la prochaine course.
— Mais va crever, bordel ! J’ai pas besoin d’ça pour te mettre une branlée, t’vas voir.
— C'est pas une façon de parler à son boss ça pendejo.
— Bah ! Pseudo-PDG d’mes burnes va. PDG, PDG, P'tit Débilos Geignard ouais, putain d'merde. »
Cal éclate de rire sous ses Oculus et sélectionne la prochaine course Mario Kart, accompagné d’un chapelet d’injure de la part de son voisin. Rei est un type poli et aimable d'ordinaire, comme tout bon Japonais qui se respecte, mais mettez-le devant une console puis battez le à plate couture et il devient très vite le pire charretier du coin. Si vous avez le malheur de perdre en revanche, il deviendra un crâneur insouffrable et Cal ne compte plus le nombre de fois où il a failli lui faire avaler sa foutue manette pour qu’il arrête ses vantardises. Ils reprennent leur partie et, à les voir jouer et s’engueuler comme deux crétins, on a du mal à concevoir que les deux gus ont déjà la quarantaine bien entamée. Ils enchaînent les courses pendant une petite heure encore avant que le portable de Caliban ne sonne. Rei pause le jeu et les casques retrouvent le socle de la console.
« Va falloir que j’y aille, le cours d’Anna finit bientôt.
— C’est ça ouais, » raille le Japonais. « Avoue que t’as juste peur de perdre la course finale après ma remontée spectaculaire.
— Sûrement un peu de ça aussi, oui.
— J’le savais, eh.
— Je t’appelle dans la semaine ? Je pense descendre bosser au café vendredi.
— C’est ton café patron, t’y viens quand tu veux. »
Caliban expire un rire, récupère ses affaires et quitte l’appartement de Rei pour aller récupérer sa fille à son cours d'aïkido.
Rei et lui sont devenus amis par nécessité, parce que Cal venait d'être jeté aux fauves et qu'il lui fallait un pied à terre, au moins un contact sur lequel il pourrait compter pour recevoir de l'aide. Rei a été le manager en charge de mettre Cal à niveau dans la succursale à l'époque où il est arrivé au Japon. Il lui a par la suite servi d'intermédiaire avec les autres managers lorsque Cal a succédé au poste de directeur un peu moins d’une dizaine d’années plus tard. En bon métèque, Cal ne connaissait pas grand-chose du fonctionnement japonais et Rei lui a été d’une aide plus que précieuse, inestimable, pour mieux comprendre les envies des clients et le marché du pays, coutumes et cultures compris. Une aide que Cal a souhaité remercier à sa juste valeur, poussant discrètement pour une promotion du manager vers la direction des ressources humaines, sans succès. Rei aime son poste et n'a pas grande ambition d'en changer. Avec le temps, les deux hommes se sont réellement appréciés, au-delà de l’amabilité de circonstance et de la hiérarchie. Le fait que Cal se soit mis à délaisser sa tour de verre pour venir seconder Rei au café de temps en temps depuis Shukumei y a beaucoup contribué. Rei lui demande parfois comment il peut se permettre de jouer aux baristas comme si de rien n’était avec son emploi du temps intenable. Cal répond toujours par une stupidité, quelque chose comme « parce que ton crâne à moitié chauve vaut tous les mauvais clients du monde » ou « mes journées font 48h, un jeu d'enfant » et autres « tu confonds avec le clone n°187, je suis le clone n°451, la technologie de nos jours, hein ? ». Rei laisse filer sans insister et Cal lui en est reconnaissant. Il n’a pas envie de laisser voir à quel point l'existence peut soudain l’étouffer sans crier gare depuis le tsunami.
Parfois, Cal délègue l'entreprise à Maria, son fidèle bras droit. Maria est bien plus compétente que lui pour gérer Valdez au jour le jour, ça crève les yeux, et elle est la raison pour laquelle l’implantation au Japon a réussi. Si ça ne tenait qu’à lui, elle aurait été promue à sa place depuis longtemps. Mais Maria n’a ni son passif, ni sa réputation, ni ses intuitions ; et si elle est une femme d’affaire redoutable capable de lui donner des sueurs froides lorsqu’il la voit en action, elle n’en reste pas moins une femme. Ici comme ailleurs, leurs ascensions restent aussi complexes que la misogynie des vieux croûtons siégeant aux côtés de Cal en conseils d’administration.
Et puis il y a le cartel, étroitement et discrètement imbriqué dans les mailles de l’entreprise, une tapisserie aussi délicate que dangereuse que Caliban maîtrise jusqu’au bout des ongles et dont Maria ignore tout. C’est pour gérer ce monde qu’il a été envoyé ici après tout, et il ne peut pas, ne veut pas, s’esquiver. Alors il délègue, et fuit les bureaux de la tour Valdez de temps en temps. Déléguer lui permet de ne pas péter un câble. De gérer la tension et la panique qui lui foutent des sueurs froides en pleine nuit, de garder l’esprit suffisamment clair et serein pour ne pas mettre l'entreprise ou le cartel en péril à cause d'une broutille, d’un détail qu'il n'aurait pas vu, d’une menace qu’il n’aurait pas sentie venir.
Parfois, il ira prétendre être un simple serveur dans le café géré par Rei en plein Shinjuku, le plus grand de l'archipel, revenant à la simplicité du contact avec le client, au contentement de participer à un instant de calme ou de satisfaction chez un anonyme, au plaisir d’un travail bien fait. Ils iront prendre un verre après la fermeture du café, dans un bar huppé, chez l’un ou l’autre, jouer un coup, discuter de leurs gosses et commérer sur le monde.
Parfois, il ira faire le sale boulot à la place des sbires du cartel, ignorant leurs protestations, leurs jefe, vous ne devriez pas vous salir les mains avec ce type. Ça lui sert d’excuse. La violence du milieu justifie la sienne et il n'y a que là qu'il peut l'exprimer sans retenue. Avant qu'elle déborde, avant qu'elle ne risque de dégueuler sa noirceur ailleurs et finisse en tâches indélébiles maculant les choses qui lui sont précieuses.
Les rares fois où Cal n’est pas préoccupé par toutes ces conneries cependant, quand il peut se permettre de ne penser ni à l’entreprise ni au cartel pour une poignée d’heures, il aime prétendre se glisser dans la peau d'un monsieur tout le monde en début de quarantaine et simple père célibataire. Ce n’est peut-être pas très crédible mais il y tient beaucoup, surtout ces dernières années alors qu’Anna grandit à toute vitesse.
Il profite d’un bon repas ou d’un bon film en compagnie d’Anna le soir s'il a pu rentrer à une heure décente, ce qui arrive un jour sur cinq. Il parcourt des terras d’informations sur internet, s’amuse de découvertes insolites qu’il y fait et appelle sa fille pour un oui ou pour un non quand il tombe sur une vidéo hilarante ou sur une histoire qui l'intéressera à coup sûr. Il envoie des memes stupides à Rei -ils font un concours-, spamme des crétineries à Maria pour le plaisir de les emmerder, elle et sa patience infinie, quand elle bosse alors qu'il est en affaires à l’étranger ou en week-end mensuel. Maria prévient toujours Anna en guise de représailles et la petite engueule son père sans faillir.
Comme monsieur tout le monde, Cal aime la musique de son époque tout autant que celle du siècle dernier et sa fille geint qu’il va lui foutre la honte, à écouter ses vieux groupes ringards aussi fort. Elle dit ça, mais il l’a surprise en train de fouiller dans ses bibliothèques numériques remplies de vieilleries plus d’une fois. Elle aime beaucoup chanter, Anna, alors Cal s’arrange pour qu’il y ait toujours un peu de musique dans l’appartement, de manière à ce que des défis karaoké puissent surgir à tout moment au détour d’un couloir.
Arrivé au dojo, il patiente avec les autres parents, certains qu’il reconnaît et salue à voix basse, s’enquérant de savoir comment ils vont, eux et leurs familles. Ils discutent de la pluie et du beau temps, de mondanités banales et affreusement ennuyeuses et ennuyantes, l'ignorance de ses interlocuteurs sur ses activités professionnelles rendant le tout irréel. Mais qu'y peut-il. Il adore se prendre au jeu.
Les portes s’ouvrent et une rivière de petits êtres s’en échappent en piaillant, dardant des regards inquisiteurs autour d’eux jusqu’à reconnaître les visages familiers qu’ils cherchent. Anna fronce les sourcils et fait la moue, hissée sur la pointe des pieds au milieu de la foule, puis elle le voit et sourit en l’appelant. Il agite doucement la main et attend qu’elle s’extirpe de la forêt de jambes et de bras par elle-même, jusqu'à ce qu'elle vienne tirer sur son manteau et lui racontent déjà la séance avec excitation avant même qu’il n’ait eu le temps de lui dire bonjour. Il lui ébouriffe les cheveux, lui rappelant d’être polie, et Anna s’interrompt. Il se penche, elle bougonne un coucou p'pa contre sa joue, et reprend son récit de plus belle en attrapant sa main pour le tirer vers la voiture qui les attend, agitant l’autre vers ses camarades. Cal n’est certainement pas l’homme le plus innocent du monde et il n’est peut-être pas loin de la crème des enfoirés. Mais il sait qu’il est un bon père, à défaut d’une bonne personne. Il suppose qu’il peut vivre avec ça.
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Olala, le bon vieux Cali de retour

(Shin t'envoie des fucks


Merci Lucci, Zach (notamment pour le vava dessiné avec Kiyo ♥) et Lucas pour les avatars et kits

- Spoiler:
- Ce qu'ils ont dit
:
- [22:06:43] Luz E. Alvadaro : "Le RP plus une passion, une profession" "Makoto Nanase 2017"
- Le plus beau compliment
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OMG !!!
Le bon vieux Cali' !

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Bon retour ! 


Kao râle en #9900ff
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la Cali'té cubaine, de retour pour vous jouer de mauvais tours 

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d'abord bjr
ensuite *handshake* bg
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Le début des entourloupes.
(Et un bisou pour Shin.
)
Mais surtout
Mme la députée.

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Caliban Vega

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Arisa Koyama

"Mise à jour contexte incoming."
y'a intérêt wlh.
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Arisa Koyama

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Caliban Vega

Alors peut-être une fiche sans avoir besoin de délai sup' ?
Plus qu'un bout d'histoire à pondre, rdv le week-end prochain. 


Caliban Vega

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C fini. 

Caliban Vega

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Re-bienvenue !!
Il me manque la mention des Incontrôlables et le BBK. Certes, Caliban était bien occupé avec son business, mais qu'en a-t-il pensé lui qui avait aussi un regard négatif sur le système ?
Sinon je n'ai rien à dire, le genre de fiches qu'on lit et relirait avec plaisir.
Il me manque la mention des Incontrôlables et le BBK. Certes, Caliban était bien occupé avec son business, mais qu'en a-t-il pensé lui qui avait aussi un regard négatif sur le système ?
Sinon je n'ai rien à dire, le genre de fiches qu'on lit et relirait avec plaisir.

Arisa Koyama

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Caliban Vega

Il n'en pense pas grand chose, d'où l'oubli.
J'ai rajouté cette petite mention à la fin :
"Au final, le chaos provoqué par la mort soudaine de centaines de millier de Japonais ne fut qu'un cadeau de noël supplémentaire pour les Cuervos. Très différent de cette brève étincelle d'agitation quelques années plus tôt, lors de cette rébellion mollassonne -Big Bang quelque chose ?- et n'ayant menée à rien. Des dissidents du dimanche, des idéalistes sans envergures. Non, cette fois le système faiblissait de l'intérieur, craquelant les murs jusqu'alors imprenables. "
Dis-moi si c'est good.

"Au final, le chaos provoqué par la mort soudaine de centaines de millier de Japonais ne fut qu'un cadeau de noël supplémentaire pour les Cuervos. Très différent de cette brève étincelle d'agitation quelques années plus tôt, lors de cette rébellion mollassonne -Big Bang quelque chose ?- et n'ayant menée à rien. Des dissidents du dimanche, des idéalistes sans envergures. Non, cette fois le système faiblissait de l'intérieur, craquelant les murs jusqu'alors imprenables. "
Dis-moi si c'est good.

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It'z all good !
Bonne aventure etsauve qui peut hmm.
Bonne aventure et
Pré-validation par Arisa
Votre fiche a été pré-validée par un modérateur, un administrateur passera sous peu valider officiellement celle-ci.
Arisa Koyama

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Merci bien.

Adrian Liu

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