— Just Married —
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Je suis: pro-Incontestable.
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Uta Kushū

Uta Kushū
Get my pretty name outta your mouth
Don't talk 'bout me like how you might know how I feel
Don't talk 'bout me like how you might know how I feel

![]() | Therefore I Am Nom ;; Kushū. Nom maudit, nom honni. T'aimerais t'en débarrasser mais tu te contentes de le traîner comme un fardeau, un boulet à ta cheville. Avec un peu de chance, l'Incontestable t'en délestera. Le plus tôt sera le mieux. Prénom ;; Uta. Simple, court et efficace. Facile à retenir. C'est ta mère qui l'a choisi. En japonais, ça signifie « chanson, mélodie ». Notons que tu ne sais jouer d'aucun instrument et qu'il vaut mieux ne pas te demander de chanter au risque de provoquer le Déluge. Âge ;; 30 ans. || Né le 21 avril 2084 à 14H15. Genre ;; Homme. Origines ;; Né au Japon, d'un père Japonais et d'une mère Japonaise. Activité ;; PDG de la start-up Obsessive. Ton père répète à qui veut l’écouter que tu alimentes la perversité des gens. Toi, tu préfères dire que tu leur vends un peu de bonheur, un soupçon de plaisir. En fait, tu design, fais fabriquer et vends des sex-toys sur le thème sous-côté de la fantasy. Tu as une boutique en ligne et tu fournis également quelques enseignes de sex-shop. Sexualité ;; Fluide. Avatar ;; Tom Riddle – Harry Potter de J.K. Rowling (ici dessiné par LAS-T) Règlement ;; Validé - Ari Chemin ;; J'ai oublié depuis le temps. Mon campement n'a pas bougé, toujours entre le règlement et les annexes. Commentaire ;; Bonne lecture ? |
Just give me a reason
Uta.
Tu t’appelles Uta.
Ç'aurait pu être Meruem ou Menma, Atsushi ou Natsuo, Ichiro ou Hidenori. Ç'aurait aussi pu être Eisen ou Chōei, Jinta ou Kagami, Natsume ou Otani. Ç'aurait pu être un de ceux-là, parce que tes parents ont beaucoup hésité. Enfin, maman a beaucoup hésité.
Elle a épluché les sites internets, demandé à droite à gauche. Elle voulait un prénom japonais, bien sûr, pas trop long, qui aille bien avec ton nom de famille. Alors elle a noirci des pages et des pages de sa tablette avec ses essais, énoncé chacune des possibilités à voix haute. Est-ce que ça sonne bien ? Est-ce que ça lui ira bien ? Une vraie tempête s’est déroulée dans sa tête, a occupé la moindre de ses minutes. Sa première et seule préoccupation.
Faut dire qu'elle t'a aimé dès le jour où elle a appris ton existence et qu'elle n'a jamais voulu que le meilleur pour toi.
Maman aime les choses douces, sucrées. Les choses simples, aussi. Elle a grandi dans un orphelinat pendant sept ans, avant que de nouveaux parents aimants viennent l’adopter. Elle a eu une vie tranquille, ordinaire, bien comme il faut avec son papa, sa maman, son grand-frère, ses deux petites sœurs. Elle voulait devenir poète - elle a réussi, a publié plusieurs haïkus en parallèle de son poste d’enseignante à l’université de Tokyo. Des rêves plein la tête, des étoiles plein les yeux, maman a eu une belle vie et un long mariage, presque cinq ans, avant de recevoir l’ordre de concevoir un enfant. Les réticences du début, teintées de l’ambition avortée de pousser plus avant sa carrière, se sont changées en regrets doux-amers lorsque tomber enceinte s’est avéré plus compliqué que prévu. Mais le Japon est grand, le Japon est puissant, le Japon est surtout à la pointe de la technologie médicale et, de traitements en tentatives, tu as fini par être conçu, enfin. Ça a pris deux ans.
Deux ans de galère. Deux ans de rendez-vous médicaux, de check-up réguliers, de piqûres dans la fesse et de régimes surveillés. Deux ans de tourments, où elle a parfois dû arrêter de travailler à cause d'effets secondaires indésirables - vue qui se trouble, mains qui tremblent. Deux ans de doutes, d'inquiétudes, de colères aussi et de disputes. Deux ans, longs et compliqués, où papa aurait tout abandonné si ce n'était pour l'Incontestable, où maman aurait tout donné même sans l'Incontestable.
Parce que maman a toujours su qu’elle voudrait au moins un enfant, peut-être pas tout de suite mais un jour, pour lui apporter au moins autant que ses propres parents. Parce que papa adore son travail, les défis présentés par chaque nouveau patient, l’excitation au moment d’entrer au bloc ; il s’endort en regardant des interventions en live ou en lisant des revues médicales, et ne souhaite rien de plus qu’enfin ouvrir sa propre clinique.
Quand le gynécologue leur a dit félicitations Kushū Hanabi-san, vous êtes enceinte, ils ont tous les deux pleuré - mais pas pour les mêmes raisons.
C’est pour ça que c’est maman qui s’est occupée de te trouver un prénom, seule.
Ç'aurait pu être Meruem ou Menma, Atsushi ou Natsuo, Ichiro ou Hidenori. Ç'aurait aussi pu être Eisen ou Chōei, Jinta ou Kagami, Natsume ou Otani. Mais un jour, alors qu’elle te lisait un livre, tu as donné un coup de pied. Le premier. Le héros de l’histoire s’appelait Uta. Elle a pris ça pour un signe, a caressé son ventre et l’a murmuré une fois, deux fois. Tu as bougé encore.
Alors tu t’appelles Uta.
Tu es né un 21 avril, à 14H15.
Accouchement déclenché, parce que tu ne voulais pas sortir et que le terme était déjà dépassé de presque une semaine. Bébé tardif dans tous les sens du terme, de la conception à la délivrance.
Mais même si c’était programmé, papa n’est pas venu, a préféré rester au bloc toute la journée et refaire le nez ou les seins de sa patiente du jour pour ce que t'en sais. Déjà, il montrait qu’il ne te désirait pas, n’était pas prêt à faire le moindre effort pour toi. En vérité, tu t’en moques, ça ne t’intéresse pas de savoir si c’est ton père et la sage-femme qui a coupé le cordon ombilical. Mais quand tu penses à ta maman, seule à la clinique, tu vois rouge. Il aurait dû faire l'effort de venir pour la soutenir, l'épauler. Parce qu'il l’aimait, elle.
Mais pas toi.
Jamais toi.
D'ailleurs, la première fois où il t'a pris dans ses bras, c'est le jour où il vous a ramenés de la maternité. Et c'était uniquement pour te poser dans le siège auto flambant neuf et éviter à maman de se fatiguer à te porter. Quel homme prévenant.
Ça n'a pas duré longtemps.
Dès le début, tu as eu ta chambre à toi.
Pas de berceau dans la chambre parentale, pas de cododo non plus, même si maman aurait aimé essayer.
Mais quand même, c’était une jolie chambre. Bleue comme un ciel d’été, avec des meubles en bois blanc et un parquet clair. Il y avait déjà beaucoup de jouets, trop pour un nourrisson, certains dédiés à des bambins d’une autre tranche d’âge, mais faut dire que t’as été gâté Uta.
Tu n’as jamais eu de gros problème, petit.
Aucun souci de santé, si ce n’est deux-trois petites gastro et la varicelle à deux ans. Tu as grandi entouré de tes peluches et jouets, bercé par le parfum de maman - ginseng et pomme. Ah, qu’est-ce qu’elle était belle, ta maman, si belle. Tu ne te souviens pas vraiment de sa voix, ni de son visage, c’est trop vieux maintenant, mais elle aimait faire des photos avec toi alors t’as gardé quelques souvenirs tangibles, à défaut d’une mémoire infaillible.
Parce que maman, elle est partie très vite - trop vite.
T’avais quoi ?
Trois ans depuis deux jours.
Un baiser sur le front à la sortie de la crèche, sa main chaude sur ta joue, ton oreille contre son ventre rond pour écouter les jumeaux à venir, quelques courses au konbini du coin. Paraît qu’on n’est pas supposé se souvenir de ce qui se passe dans sa petite enfance. Que le cerveau efface les informations, ou ne les retient pas. Pourtant, tu te rappelles nettement le sang sur ses cuisses, la peur dans ses yeux.
Maman voulait un autre enfant. Elle te racontait ses aventures avec ses sœurs, Hibari et Hanae, comment son grand-frère, Seiryû, la protégeait, te disait qu’un jour, toi aussi tu aurais un meilleur ami à la maison, quelqu’un avec qui passer un bout de ta vie. Papa n’était pas trop pour - un marmot à charge, c’est déjà suffisamment de contrainte, ça l’a ralenti dans ses projets et il n’a pas encore pu ouvrir sa clinique à cause de toi. Alors pas de retour au centre de fertilité pour maman. Pas de traitement, juste l’oubli spontané et secret de la pilule et, chaque année, le rituel maternel qui passait par le Meiji-jingu pour y sonner la cloche et prier la venue d’un petit frère ou d’une petite sœur. Et ça a porté ses fruits, son ventre s’est arrondi, le médecin a annoncé des jumeaux, maman a souri, papa a hurlé et les mois se sont écoulés. Mais au final, le ciel a préféré t’enlever ta maman plutôt que te donner quelqu’un pour t’appeler nii-san.
T’as probablement jamais autant pleuré que le jour où t’as compris que jamais elle ne reviendrait.
Tu n’es pas un enfant malheureux, Uta.
Tu grandis même dans un cadre privilégié. Pas de maman, certes, mais toujours ton papa, tes grands-parents, ton oncle, tes tantes et c’est plus que beaucoup d’autres. Bon, tu vois de moins en moins la famille de maman, parce qu’ils habitent loin, qu’ils ne peuvent pas venir souvent et que papa rechigne à t’emmener mais ce n’est pas si grave.
Personne ne te crie après, personne ne te frappe. T’as tous les jouets que tu veux, la tablette dernier cri, une montagne de livres numériques interactifs et au moins autant de fringues. Votre maison est grande, belle, bien placée dans un quartier résidentiel tranquille et t’as ta chambre à toi, avec un grand lit à l’occidentale. L’arrivée des factures n’est pas source d’angoisse ou d’incertitude, tu n’as pas à te demander si demain l'électricité sera coupée ou s'il y aura bien à manger sur la table.
Tu n’es pas un enfant malheureux, non.
Mais en réalité, tu t’es toujours senti bien seul.
Papa n’est jamais vraiment là - et quand il l’est, il ne porte pas un regard sur le petit garçon affamé d’attention de quatre, cinq, six ans qui attend un baiser sur la joue, une main sur l’épaule, un regard, quelque chose, n’importe quoi.
Papa, il travaille dur.
Il a enfin pu ouvrir sa propre clinique avec un collègue - t’as quoi ? cinq ans, dans ces eaux-là. Il passe plus de temps dans ses papiers, avec ses clients, bistouri à la main ou dossier sous les yeux qu’à te regarder grandir et vivre. En fait, les seules fois où il te parle, c’est pour te demander comment c’est, l’école. Si tu travailles bien. Si la maîtresse est contente de toi. Si t’as eu un bon point et comment sont tes petits camarades. Meilleurs que toi ? Tu devrais faire un effort, c’est inadmissible de te laisser dépasser comme ça.
Alors, Uta, toi aussi tu travailles dur.
Peut-être que papa te regardera un peu plus comme ça.
Peut-être que grand-père Chikayoshi et grand-mère Fuyu seront fiers de toi, la prochaine fois que tu les verras.
T’es un gamin appliqué, armé de toute la volonté qu’on peut rassembler à cet âge-là, et bien vite, tu deviens bon. Au-dessus de la moyenne. Bien au-delà de la norme juste acceptable qui fait plisser les yeux de grand-mère, soupirer papa. Les professeurs chantent tes louanges et te félicitent, t’attirent au passage les foudres d’élèves jaloux.
Mais tu ne dis jamais à personne que non, tu n’as pas égaré ton livre, quelqu’un te l’a emprunté.
Tu n’avoues pas non plus que si t’es tombé dans la cour, la dernière fois, c’est parce que Takeshi t’a poussé.
Et que s’il y a une tâche sur ton uniforme, c’est la faute d’Honoka.
Non, tout ça tu le gardes pour toi, tu le balaies bien loin sous le tapis et tu fais de ton mieux pour oublier, te concentrer sur tes études.
Tu n’as même pas encore huit ans.
Et tu sais déjà ce que ça fait, d’être élevé par quelqu’un qui ne voulait pas de toi.
Karl est parti.
Tu as neuf ans maintenant et aujourd’hui c’est la veille de Noël.
Sauf que ton cousin est parti - s’est envolé, a disparu.
Il y a quelque chose qui se brise dans ta poitrine, au creux de tes côtes.
Ton cousin a toujours été là pour toi, malgré la différence d’âge, malgré le peu d’amour que porte papa à ton oncle Seiryû.
Tu l’as rencontré lors de la veillée funèbre pour maman.
Un drôle de garçon à l’accent déconcertant, que bien vite tu t’es mis à suivre partout, ta petite main accrochée à son pantalon. Il te fascinait, te mettait des étoiles dans les yeux et tous les dessins, toutes les créations que tu ramenais de l’école, elles étaient pour lui. Karl, c’était ta parenthèse, ta bulle d’air. Oh Uta, tu aimais tellement quand papa t’autorisait à le voir même s’il n’avait rien de l’adolescent de bonne famille, bien comme il faut.
Si seulement t’avais su.
Qu’un jour il partirait sans même te prévenir. Qu’un jour il t’abandonnerait, lui aussi, comme maman avant lui, comme tant d’autres après lui.
Si seulement t’avais su, oui.
Faut croire que toi, tu n’étais rien pour lui.
Ta nouvelle maman s’appelle Erina.
Elle vient du bord de l’eau, d’une ville qui s’appelle Kamakura. C’est à cause d’elle - enfin, de la lettre plutôt, mais chut - que vous avez dû déménager, quitter la jolie maison aux grands escaliers et ta chambre bleue comme un ciel sans nuage. Tu ne l’aimes pas. Tu la détestes, même.
Pourtant elle n’est pas méchante, Erina.
Elle a un drôle de sourire, un peu bancal avec ses dents pas parfaitement alignées, et une voix toute douce. Elle a de grosses lunettes rondes, des yeux qui brillent et son parfum de fleurs embaume toute la maison, te fait presque oublier celui de ginseng et de pomme de maman. Elle n’est pas méchante, non, mais elle a quand même essayé de se débarrasser des photos de maman. Tu les as récupérées et cachées dans ta chambre.
A part ça, elle ne s’occupe pas vraiment de toi, ne te parle pas, prend beaucoup de place dans la vie de papa - tellement alors qu’il n’en a déjà pas tant que ça pour toi.
Tu n’as que dix ans, suffisamment âgé pour comprendre que c’est l’ordinateur que tout le monde appelle l’Incontestable qui l’a choisie, donc qu’elle est parfaite pour papa.
Tu n’as que dix ans, encore trop jeune pour accepter qu’une inconnue prenne si facilement la place de ta vraie maman.
Tu dois avoir onze ou douze ans quand t’entends les mots stérile et hors de question de recommencer. Il y a des cris, des pleurs. Papa quitte la maison en claquant la porte, Erina lui court après, essaie de le retenir, échoue. Toi, tu regardes tout ça depuis la table de la salle-à-manger, attablé devant ta tablette et des devoirs, sans trop réaliser ce qui se passe.
Après ça, Erina a commencé à avoir l’air triste et fatiguée, avec de grands cernes sous les yeux, des traits tirés, la bouche pincée. Et tu comprends pas trop pourquoi mais elle te fixe comme si c’était de ta faute, si elle est comme ça.
T’as rien fait pourtant, promis juré.
Les cours se suivent et s’enchaînent. Les années passent, trépassent - et tu grandis.
Le lycée, le début de ton addiction à la cigarette, comme tant d'autres, pour avoir chaud peut-être, pour te tenir compagnie pourquoi pas. Et parce que malgré ton air d’intello l’argent amène une popularité indésirée, indésirable, les gens chuchotent un peu sur ton passage. Alors ces années-là, c’est aussi quelques lettres, timides. Des déclarations sur le toit. Les premiers baisers, les premières aventures. Les premiers refus. Les rendez-vous qui s'enchaînent. L'adolescence fait son œuvre. Ton regard s'égare, découvre les courbes et les angles des corps, s'attarde sur les sourires, l'éclat d'un regard. C'est l'époque des découvertes, des premières tentatives. Des approches, des flirts et des heurts.
Et quelque part au milieu de tout ça, il y a ces dessins qui viennent ponctuer tes journées. Quelques traits par-ci, puis par-là. Il court, il court ton stylet, sur la tablette graphique dernier cri que papa t’a offert - ou que tu lui as extorqué, façon de point de vue.
Au début, c’était de simples tracés pour te rappeler. Le sourire de papa. La photo de maman. Les fleurs du jardin de Mamie Kazumi et Papy Hitoshi. Le chaton offert par Grand-Père Chikayoshi pour fêter tes quinze ans et ta réussite à l’école.
Après, c’est devenu un peu plus. Parce qu’à l’école, tu bossais dur, si dur, que t’avais le temps pour rien d’autre. Pas de hobby, pas de club après le cours. Juste le retour à la maison, les devoirs et rebelote. Ta seule parenthèse ? Cette tablette et ses dizaines, ses centaines de dossiers que t’accumulais. Parce que personne t’a jamais dit que c’était mal, de dessiner. Personne t’en a jamais empêché, alors t’as juste continué. Tu t’es mis à esquisser des paysages, mais tu t’es retrouvé vite limité. Alors tu t’es rabattu sur les gens. Toutes ces silhouettes qui passaient et repassaient sous tes fenêtres, les enfants sur leurs vélos, les couples qui se tenaient la main, la voisine sur son balcon en face, le vieil homme du rez-de-chaussée assis sur un banc dans la rue. Tu n’étais ni bon, ni mauvais. Dans la moyenne. Dans la norme. Des traits plus ou moins correctement proportionnés. Des ombres pas trop mal placées. Des idées un peu limitées. Pas assez mauvais pour arrêter. Suffisament bon pour te demander si d’autres aimeraient.
A ta dernière année de secondaire, t’as décidé d’ouvrir un compte Instagram.
Tu n’as pas mis bien longtemps à saisir les rouages, huiler les mécaniques, t’approprier ce réseau social et apprendre des autres. Tu aimais bien l’idée d’avoir ton propre talent, en dehors des cours où t’excellais. Maman était poète après tout. Tu pouvais bien être un artiste toi aussi, non ?
Si t’avais su, à l’époque, où ça te conduirait.
Tu as enfilé ton uniforme soigneusement repassé la veille, arrangé tes boucles comme tu le fais toujours, poudré ton visage pour cacher les cernes qui commencent à le grignoter. Avant de partir, tu as salué la photo de maman posée sur ta table de chevet.
Aujourd’hui, c’est le jour des résultats du test du centre national des admissions à l’université. Aujourd’hui, tu es sacré meilleur élève de ta promotion.
Aujourd’hui, papa est rentré plus tôt pour te féliciter.
Peut-être que tu es cassé, Uta. Peut-être que tes sentiments sont éventrés, dansent en désaxés sur la corde raide de ton cœur. Peut-être que tu es abîmé, oui, que quelque chose s’est cassé dans ta tête. Parce que là où tu pensais ressentir euphorie et félicité, il n’y avait que le vide et encore le vide.
Pourtant t’as fait tout ça pour lui, pour qu’il te regarde, te respecte, t’aime, un peu, rien qu’un peu.
Tu as dix-sept ans.
Tu viens de comprendre que ton cœur a cessé de courir après ton père bien avant que ta tête ne le réalise.
Papa aimerait que tu fasses médecine.
Grand-Mère et Grand-Père aussi.
Tu refuses.
Pas que tu n’aimes pas la médecine, non. T’as rien contre, en réalité. Mais tu viens de comprendre que tu ne les aimes pas, eux. Alors pourquoi leur faire plaisir ?
— Qu’est-ce que tu vas faire de ta vie, Uta ? N’espère pas rester à mes crochets jusqu’à ton mariage !
Papa n’est pas content, non. Il aimerait que tu perpétues la tradition familiale. Après tout, s’il est chirurgien esthétique, sa mère était chirurgien cardio-thoracique et son père, généraliste.
— Qu’essaies-tu de faire, Uta ? Ruiner ta vie ? Regarde ton père ! Il a tout ce dont un homme peut rêver de nos jours, tu ne veux pas la même chose pour toi, pour ton futur partenaire, pour vos enfants ? Notre pays a plus que jamais besoin de personnes aussi talentueuses que toi… Ne me dis pas que tu vas gâcher ça en essayant de devenir illustrateur de BD ou je ne sais quelle autre stupidité tes dessins t’ont mis dans la tête !
Grand-Mère non plus n’est pas contente. Non, pas du tout.
Elle se calme à peine quand tu annonces entrer à la Tōdai pour y poursuivre des études de commerce et marketing. Grand-Père, lui, t’encourage juste à entretenir tes ambitions et à les poursuivre jusqu’au bout.
Erina a beau s’en plaindre, papa paie pour tout.
Du studio à côté de l’université à l’intégralité de tes cours, en passant par tes courses et tout ce que tu peux lui demander.
Il ne manque pas d’argent, tu le sais, tu comptes bien en profiter. Après tout, c’est tout ce qu’il t’a toujours donné, à défaut d’un sourire ou d’un baiser sur le front. Et il est tellement soulagé que tu ne fasses pas rien de ta vie qu’il ne bronche pas, cède à tous tes caprices.
Cours à n’en plus finir, devoirs à rendre pour le lendemain, juku deux fois par semaine, followers qui se multiplient sur ton compte Instagram, quelques-uns qui essaient de te passer commande. Au début tu hésites, tu dis que tu n’as pas le temps pour ça, puis te demandes si tu ne pourrais pas y gagner deux-trois yens alors pourquoi pas. C’est un franc succès.
Les années passent et même si tu ne te plais pas trop dans tes cours, tu t’accroches parce que tu ne sais rien faire d’autre. Papa te harcèle de plus en plus pour savoir ce que tu comptes faire plus tard. Tu découvres que t’adores la tête qu’il fait quand tu lui avoues que tu n’en sais rien, que tu escomptes bien te laisser porter là où la vie le voudra. En fait, tu aimes tellement ça qu’une fois diplômé, plutôt que t’enraciner dans les propositions bien comme il faut sous lesquelles tu croules, tu préfères postuler à l’O.M.G., chaîne de boutiques britannique fraîchement importée sur le sol japonais, spécialisée dans les accessoires érotiques et la lingerie haut-de-gamme. Ils avaient besoin d’un vendeur à mi-temps rapidement et même si tu n’as pas vraiment d’expérience, tu es motivé, alors ils ont dit oui et t’as été pris.
Le regard que papa t’a adressé quand tu l’as mis devant le fait accompli était juste incroyable.
Quelque part entre ici et là-bas, au détour d’un café ou peut-être d’un repas, tu le rencontres.
Il s’appelle Yuuto, préfères que tu lui donnes du Mickaël.
Tu l’as aimé.
Un peu, beaucoup, passionnément, à la folie.
C’est le premier, ton premier. Il n’y a nulle part où tu ne l’aurais pas suivi. Il n’y a rien que tu n’aurais pas fait pour un baiser de lui.
Tu l’as aimé.
Si fort, si longtemps.
C’est celui qui te connaissait mieux que quiconque, repérait la moindre de tes angoisses, savait faire taire chacune de tes incertitudes. C’est celui qui prenait ta main dans la sienne quand il te voyait la porter à tes cicatrices. C’est celui qui souriait pour deux quand rien n’allait. C’est celui qui t’a appris qui tu es - là, au fond. C’est celui qui a fait de toi une meilleure personne. C’est celui qui t’accaparait tellement que tu as à peine prêté attention à l’apparition des Incontrôlables, leurs manifestations anti-Incontestable. Tu as entendu parler des attentats, bien sûr, mais tu ne connaissais personne qui y était, alors ça ne t’a pas vraiment touché, encore moins bouleversé, juste un peu contrarié. De toute façon, tout ça, c’était bien loin de ton quotidien, de ta vie de tous les jours avec Yuuto.
— Je t’aime.
Tu lui disais tous les matins et tous les soirs.
Tu l’as aimé.
Tu l’as aimé comme tu as aimé le regarder travailler, s’escrimer, s’acharner à progresser.
Tu l’as aimé comme tu as aimé voir ses yeux se perdre dans les tiens pour un rien.
Tu l’as aimé comme tu as aimé caresser ses cheveux si doux, c’était fou.
Tu l’as aimé comme on aime sans lendemain, tu l’as aimé sans pouvoir t’en empêcher.
— Je t’aime.
Tu lui chuchotais sur l’oreiller, lui avouait dans le noir.
Tu l’as aimé.
Vois, comme les temps changent. Dans le monde, dans ce monde, tout se brise, rien ne se conserve. L’amour n’est qu’une illusion indécise, une certitude imprécise. Parce qu’un jour tu es parti, l’as laissé. Parce que tu as pris peur, pas vrai Uta ?
Parce que ces mots que tu murmurais à son oreille, lui les taisait. Parce que lentement mais sûrement, tu l’as vu se détourner, t’échapper.
— Je t’aime.
— Je sais.
Oh ça fait mal, si mal.
Tous ces sentiments que tu ne comprends pas, que tu ne maîtrises pas. Tout cet amour que tu n’as jamais eu avant enfle, enfle, enfle, devient une fièvre qui dévore tout, qui t’emporte et t’empêche d’y voir clair, te laisse à bout de souffle. Doutes. Incertitudes. Il avait ton cœur entre ses mains. Ta confiance. Tout ce qui te restait d’innocence. Et ton espérance, ton espérance toute entière. Et si au début il en prenait soin, il s’est mis à jouer avec - ou c’est ce que tu as cru. Parce que c’est facile, Uta, de se fourvoyer. Oui, c’est si simple de se tromper, de croire que l’autre n’est pas celui qu’on croit, quand en fait on est juste paniqué, quand en fait on est juste un enfant perdu, qu’a jamais appris à aimer à l’endroit ni ce que ça fait.
Tu l’as aimé.
Tu as cru qu’il te trompait.
Alors tu l’as abandonné. Sans un mot, sans un regard.
Après Yuuto, il y a eu Hotaru.
C’était du rapide, rien de très important, juste une de ces relations-pansements. Ce n’était pas un mec bien, Hotaru. Plutôt le genre à oublier de se lever pour aller bosser, traîner tard le soir, rentrer avec l’haleine chargée en bière. Mais quand même, tu l’appréciais. Alors tu t’es accroché. Quelques jours, quelques semaines. Puis un jour il est revenu avec une marque de rouge à lèvres, l’odeur d’un parfum indubitablement féminin accroché à chacun de ses pas - et ça t’a fait mal, mine de rien.
Alors tu l’as jeté, et t’es passé à autre chose.
Après Hotaru, il y a eu Mia.
Une gentille fille, Mia. Douce, attentionnée. Elle t’a presque mis des étoiles dans les yeux mais on était quand même loin des papillons dans le ventre. Après douze mois intense aux côtés de Yuuto, quelques semaines décevantes avec Hotaru, ça a été une belle accalmie. C’était simple, c’était tendre. Y avait pas de question à se poser, pas d’incertitudes à avoir, tout allait bien entre vous. Mais elle était jeune, naïve et le jour où elle t’a avoué qu’elle rêvait de recevoir la lettre avec ton nom entrelacé au sien, t’as pris la tangente. Faut croire que t’aimes ça, fuir, hein Uta ?
En tout cas, c’était ton dernier essai.
Maintenant, tu laisses les relations sentimentales au placard, te contentes de quelques étreintes charnelles à gauche, à droite, parfois pour un soir, d’autres fois pour davantage, tant qu’ils ne cherchent pas à s’attacher, te retenir.
C’est d’abord la tempête - trois typhons, terrible vision, qui grondent au-dessus du Pacifique, débordent sur le Japon. Les gens se terrent, saturent les lignes en essayant de joindre leurs proches pour les enjoindre à se réfugier à l’intérieur. T’es chez toi, perché sur le bord de ton canapé à regarder par la fenêtre. Tu te demandes si papa est rentré ou s’il a quand même essayé d’aller à la clinique récupérer des dossiers.
C’est ensuite le séisme - magnitude 9, dévoileront plus tard les médias. La panique gronde, enfle. Direction l’abri de sécurité le plus proche, que t’atteins rapidement, sans encombrement malgré les mouvements de foule. Tu te dis qu’il est peut-être l’heure de prier quand les sirènes se mettent à résonner dans les rues, annonçant l’horreur qui suit.
C’est finalement le tsunami - côte sud-est ravagée, bâtiments dévastés, milliers de vies arrachées, autant portées disparues. L’eau. C’est la première chose dont tu te souviens quand vous avez pu sortir de là-dessous. L’eau est partout. Elle a tout englouti sur son passage, ravagé le visage de la ville au point de la rendre méconnaissable.
Et après tout ça, c’est le chaos.
Quand tu te rends au domicile familial, tu ne trouves personne. T’apprendras que papa et Erina sont en vie quelques jours plus tard seulement.
Et pendant l’incertitude floue, tu t’es posé la question, terrible, de savoir s’ils te manqueraient, si d’avenir Shukumei les avait emportés.
La réponse ne t’a pas tant surpris.
Papa et Erina l’ont reçue quelques jours après Shukumei.
Honnêtement, tu ne pensais pas ça possible.
Déjà parce que les ravages du tsunami sont considérables. Même si tout un tas de machines sophistiquées ont été mises en place pour aspirer l’eau des rues et vider les égouts, les bâtiments restent éventrés, les arbres déracinés occupent encore les rues, emmêlés aux fils et poteaux électriques arrachés.
Ensuite parce qu’ils sont mariés depuis des années.
Et pourtant, ils l’ont reçue.
L’enveloppe est rose, la lettre blanche, les mots noirs. Elles courent, elles courent les petites lettres. Elles courent, elles courent, se succèdent et s’emmêlent, trébuchent sur le point final. Leur nom entrelacé à celui d’un autre, l’ordre de l’Incontestable qui bouleverse tout. Comment ça, un mariage à trois ? L’incompréhension est totale, papa pense à une mauvaise blague, toi tu te demandes si ce n’est pas plutôt un bug dans la matrice.
Le futur te donnera raison, puisque ce drôle de ménage à trois est annulé une quinzaine de jours plus tard. Pourtant, aucun message officiel, aucun communiqué à ce sujet. Le gouvernement fait la sourde oreille et reste muet. Prône toujours les bienfaits de l’Incontestable.
Tu ne sais pas comment c’est venu.
Tu travaillais encore pour l’O.M.G. à ce moment-là. En parallèle, tu continuais à ouvrir régulièrement des commandes sur Instagram, histoire d’arrondir les fins de mois. Rien de mirobolant, mais ça t’allait bien. Jusqu’à ce qu’il te faille plus.
Mais plus de quoi ?
D’argent ? De réussites décalées à balancer à la figure de papa ?
Tu ne sais pas comment c’est venu, non.
Sûrement au contact de ton travail, à la vue de tous ces accessoires que tu rangeais, présentais, vendais. Tu n’as jamais été très pudique, Uta. Pas particulièrement effarouché non plus. Tu aimes le sexe et ce qui s’y rapporte, il y a une certaine beauté dans le fait de prendre du plaisir après tout. Il t’est même déjà arrivé de dessiner des œuvres not safe for work à plus d’une reprise - et pas mal de gens ont aussi passé commande.
Peut-être que l’idée t’a marqué après une conversation avec papa. Une de celles qui ressemblent plus à une dispute qu’autre chose, où il se plaint de ton travail, te demande si tu n’as pas honte, enfin, de faire ce que tu fais, parce que tu devrais, vraiment. Peut-être, oui, que tu voulais lui faire payer, lui faire honte. T’avais la haine aux tripes, la colère dans la gorge à l’époque. Tu voulais faire quelque chose, n’importe quoi, pour t’en débarrasser, pour leur montrer à tous, ce que tu valais. Alors t’as trouvé.
T’as trouvé le meilleur moyen de salir les ambitions idéalisées que papa a toujours nourries pour toi.
Les dessins que tu gardais pour toi, ceux qui dérivaient de ton imagination la plus tordue, la moins classique, tu les as sortis, montrés à tes patrons. Leur as demandé ce qu’ils en pensaient, s’il y avait moyen que, peut-être... Et ça a plu.
Alors tu as poussé le bouchon plus loin, Uta. Tellement plus loin. Sur le coup, tu ne pensais pas que papa allait dire oui, quand tu es allé le voir en lui disant que tu avais trouvé une idée, que tu voulais te lancer dans ta propre entreprise. Oh, tu ne lui as pas tout dit, lui as servi sur un plateau d’argent des explications fumeuses tout droit sorties de tes cours. Tu ne pensais pas qu’il allait dire oui, non, vraiment pas. Mais faut pas chercher très loin, papa a toujours tout résolu avec de l’argent alors il n’a pas hésité longtemps avant de te faire un virement. Le plus beau, c’est qu’il l’a fait comme on fait une donation, comme on distribue de l’argent de poche. Alors t’es pas tenu de le rembourser, pas vrai ? Cette somme rondelette, maintenant, c’est la tienne. Ajoutée à tes propres économies, ça te donne de quoi chercher des fabricants à droite à gauche, rencontrer de potentiels clients parmi les grandes enseignes visées, engager un prestataire correct pour concevoir un site marchand convenable et attractif.
En quelques mois, la marque Obsessive est née et tu te mets à concevoir toujours plus de sex-toys sur le thème sous-côté de la fantaisie.
Et du jour au lendemain, ton père arrête soudain de te parler, te raye définitivement de sa vie. Tu ne sais pas trop comment le prendre, hésite entre exulter et pleurer, te contentes de lui envoyer régulièrement les news de ta société, énième pied-de-nez à cet homme toujours trop occupé pour apprendre à t’aimer.
Qui aurait cru que tant de monde fantasmait en secret sur un jouet en forme de tentacule ou de gueule de dragon ?
Pas toi. Et pourtant.
Tu as toujours été un acharné du travail et ça ne change pas. C’est peut-être pour ça que ce qui n’était qu’un projet s’est si bien réalisé, au final. Tu ne rechignes pas au boulot, au contraire, tu es plutôt maniaque dans ce domaine. Alors tu gères tout. De la conception des croquis à l’avancement de la production des différents produits. De l’organisation de très privées réunions sex-toys à la vente en ligne et auprès de boutiques physiques. L’O.M.G., que tu as quitté au commencement de cette aventure, est devenu l’un de tes principaux acheteurs.
Ça n'a pas été facile, bien sûr.
Tu t’es lancé dans ce milieu sans y connaître grand-chose, mais heureusement pour toi, t’avais ton diplôme de la Tōdai en poche, ta maigre expérience en tant que vendeur dans une boutique érotique. C’est pas énorme, mais c’est mieux que rien. Et c’est probablement ce qui a fait la différence - ça, et l’argent gracieusement donné par papa.
Tu as passé énormément de temps au téléphone, à éplucher les sites internet pour trouver les meilleurs prestataires, signer les meilleurs contrats. Tu as consacré des heures, des nuits même, sur les réseaux sociaux, avant de comprendre que tu devais engager quelqu’un pour s’en charger à ta place avant que t’y passes. Tu as ravalé ta fierté, enterré ton ego, appris à faire des ronds de jambe pour monnayer ta marque, gagner une place dans un rayonnage, obtenir un rabais d’un fournisseur. Tu t’es acharné, t’es relevé chaque fois qu’une porte te claquait au nez, chaque fois qu’on te disait que ça ne fonctionnerait pas.
Et ça a payé.
Aujourd’hui, tu as une petite vie bien rangée, Uta.
Organisée autour du travail, que tu te surprends à apprécier.
Perché dans ton appartement, tu enchaines les mails et les visioconférences, te concentres exclusivement sur le développement de ta marque. Petit à petit, tu t’es forgé un nom, une réputation. Quelqu’un de sérieux, qui parle bien, qui présente bien, avec un site propre et bien présenté, des produits cleans et originaux. Alors t’es que le PDG d’une petite start-up au final, t’es toujours celui qui design et se charge de la quasi totalité des arrangements, mais ça fonctionne très bien comme ça et tu fais ton beurre. Y a que ton chat qui sait à quel point t’en as sué pour y arriver, à quel point tu sues encore parfois, et comment tu abuses de la caféine, du tabac aussi, pour rester éveillé.
C’est normalement l’heure de My Love, My Boss, le drama que tu regardes tous les lundis soirs. Sauf qu’à la place du protagoniste aussi niais que mignon, c’est la tête de Katsura Chiyoda, Ministre de l’Intérieur, qui apparaît à l’écran.
Tu crois un instant t’être trompé de chaîne, mais non.
[...] vous avez probablement pu être témoins d’une extinction totale de l’Incontestable.
Tu as 27 ans et toujours aucune lettre rose à l’horizon alors tu n’y as pas vraiment prêté attention, quand tu as lu les tweets mentionnant l’arrêt soudain de la machine toute-puissante régissant le Japon.
Certains d’entre vous y ont vu l'occasion de revenir à un célibat temporaire et ce malgré vos devoirs d'hommes et de femmes mariés. Avant toute chose je vous assure qu’aucune sanction ne sera prise à cet égard.
Deux mois et des milliers d’articles, d’interrogations sur les réseaux sociaux. Tu te rappelles les théories complotistes évoquant la possibilité qu’un pays étranger ait hacké le système de sécurité de l’Incontestable. Tu te rappelles les appels à l’aide de tous les couples en panique. Tu te rappelles que ça n’a rien changé à la vie d’Erina et papa, ou même de Grand-Père Chikayoshi et Grand-Mère Fuyu.
En effet, cet arrêt temporaire fait partie d’un projet de recherche sociale plus global visant à mesurer l’impact et la réussite de l’Incontestable sur la société japonaise, 58 années après sa création.
Finalement, malgré les suspicions de bug, les rumeurs du retour des Incontrôlables, il s’avère qu’il s’agissait juste d’un test grandeur nature. Tu te demandes un instant comme les gens vont le prendre, avant de balayer l’interrogation et retourner à ton drama dès que le Ministre finit son allocution.
De toute façon, tu n’as pas encore reçu ta lettre.
Alors tu n’es pas vraiment concerné, n’est-ce pas ?
Erina est tombée malade.
Elle a eu de la fièvre, beaucoup de fièvre, s’est mise à tousser.
Grand-Père lui a dit d’aller à l’hôpital rapidement, qu’avec l’épidémie qui se propage, il vaut mieux être prudent. Elle n’a pas écouté. Elle est comme ça, Erina. Un peu trop têtue, incapable de se remettre en question. Jusqu’à ce qu’elle commence à cracher du sang en plus des glaires.
Erina est encore à l’hôpital lorsqu’elle est déclarée morte. Pourtant, elle respire encore.
Et surtout, elle n’est pas la seule à voir son profil ATAI être affublé d’un nouveau statut mortuaire, bien au contraire. Les annonces funèbres pleuvent à n’en plus finir.
Certains parlent d’un dysfonctionnement quelque part dans les systèmes informatiques du Japon. D’autres évoquent à demi-mots le retour des Incontrôlables, un nouveau genre d’attentat. Tout le monde se rue sur les réseaux sociaux, les forums sont pris d’assaut. Des centaines, des milliers d’appels à l’aide se répandent sur le net. Le temps passe, les jours se suivent, on commence à parler de disparitions, on commence à murmurer que la milice s’en mêle, que les malheureux sont en réalité les réfractaires au système et que maintenant qu’ils sont déclarés morts, le gouvernement peut les purger. On se croirait dans un mauvais film.
Tu ne sais pas vraiment ce qui se passe, là, dehors, Uta.
Tu n’es pas sûr de vouloir le savoir non plus.
Tout ça te dépasse un peu - beaucoup.
8 décembre 2111. Le retour de Katsura Chiyoda à l’écran alors que tu allais te lancer dans le dernier épisode de My Love, My Boss. A ce stade, ça tient plus de la parodie que du mauvais film, te dis-tu alors que le communiqué officiel tombe enfin.
Non, il ne s’agit pas d’un retour des Incontrôlables. Non, il n’est pas non plus question d’une opération secrète du gouvernement pour soi-disant effacer les contestataires.
L’Incontestable n’est pas défaillant et ne le sera jamais.
Les puces, par contre, ont atteint leurs limites.
Apparemment, si Erina est encore à l’hôpital à cause de ses reins défaillants, c’est parce que l’épidémie de cet été a en réalité été causée par une faille structurelle des puces, ces petites tumeurs électroniques que tout bon japonais porte à l’arrière de la tête. Soudain, tu as envie d’aller chercher un couteau pour t’ouvrir le crâne et en sortir la bombe à retardement qui s’y trouve.
Au cours des mois flous qui suivent, la milice est déployée, un recensement national est lancé, une véritable chasse à l’homme déclarée à travers tout le pays et même au-delà des frontières. Apparemment, certains des faux-morts en ont profité pour filer.
Quelque part au milieu de tout ça, Erina obtient finalement la greffe d’un nouveau rein et la permission de quitter l’hôpital alors que la campagne de re-puçage débute.
Passer sur le billard t’enchante moyennement, même si l’intervention ne dure pas plus qu’une poignée de minutes et qu’à part une migraine carabinée, tu t’en tires sans dommage. C’est marrant, quand même. Tout le monde se plie silencieusement au processus. Plus personne ne proteste. Plus aucune théorie du complot n’est soulevée, pas même en murmures au coin d’un verre, le soir tard chez soi. L’Incontestable est infaillible, l’Incontestable est grand et tous les hors-la-loi sont revenus sur le droit chemin sans broncher.
Félicitations, Uta.
Aujourd’hui tu as 29 ans.
Tu les fêtes sans personne, bien sûr, avec pour seule compagnie ton vieux chat et un verre de saké.
Tu te demandes si un jour l’Incontestable trouvera quelqu’un de parfait pour toi. Quelqu’un avec qui passer ce genre de journée. Quelqu’un avec qui partager un repas, s’installer sur le canapé devant un bon drama. Quelqu’un qui ne te trompera pas, ne te laissera pas. Quelqu’un.
Tu t’appelles Uta.
Ç'aurait pu être Meruem ou Menma, Atsushi ou Natsuo, Ichiro ou Hidenori. Ç'aurait aussi pu être Eisen ou Chōei, Jinta ou Kagami, Natsume ou Otani. Ç'aurait pu être un de ceux-là, parce que tes parents ont beaucoup hésité. Enfin, maman a beaucoup hésité.
Elle a épluché les sites internets, demandé à droite à gauche. Elle voulait un prénom japonais, bien sûr, pas trop long, qui aille bien avec ton nom de famille. Alors elle a noirci des pages et des pages de sa tablette avec ses essais, énoncé chacune des possibilités à voix haute. Est-ce que ça sonne bien ? Est-ce que ça lui ira bien ? Une vraie tempête s’est déroulée dans sa tête, a occupé la moindre de ses minutes. Sa première et seule préoccupation.
Faut dire qu'elle t'a aimé dès le jour où elle a appris ton existence et qu'elle n'a jamais voulu que le meilleur pour toi.
Maman aime les choses douces, sucrées. Les choses simples, aussi. Elle a grandi dans un orphelinat pendant sept ans, avant que de nouveaux parents aimants viennent l’adopter. Elle a eu une vie tranquille, ordinaire, bien comme il faut avec son papa, sa maman, son grand-frère, ses deux petites sœurs. Elle voulait devenir poète - elle a réussi, a publié plusieurs haïkus en parallèle de son poste d’enseignante à l’université de Tokyo. Des rêves plein la tête, des étoiles plein les yeux, maman a eu une belle vie et un long mariage, presque cinq ans, avant de recevoir l’ordre de concevoir un enfant. Les réticences du début, teintées de l’ambition avortée de pousser plus avant sa carrière, se sont changées en regrets doux-amers lorsque tomber enceinte s’est avéré plus compliqué que prévu. Mais le Japon est grand, le Japon est puissant, le Japon est surtout à la pointe de la technologie médicale et, de traitements en tentatives, tu as fini par être conçu, enfin. Ça a pris deux ans.
Deux ans de galère. Deux ans de rendez-vous médicaux, de check-up réguliers, de piqûres dans la fesse et de régimes surveillés. Deux ans de tourments, où elle a parfois dû arrêter de travailler à cause d'effets secondaires indésirables - vue qui se trouble, mains qui tremblent. Deux ans de doutes, d'inquiétudes, de colères aussi et de disputes. Deux ans, longs et compliqués, où papa aurait tout abandonné si ce n'était pour l'Incontestable, où maman aurait tout donné même sans l'Incontestable.
Parce que maman a toujours su qu’elle voudrait au moins un enfant, peut-être pas tout de suite mais un jour, pour lui apporter au moins autant que ses propres parents. Parce que papa adore son travail, les défis présentés par chaque nouveau patient, l’excitation au moment d’entrer au bloc ; il s’endort en regardant des interventions en live ou en lisant des revues médicales, et ne souhaite rien de plus qu’enfin ouvrir sa propre clinique.
Quand le gynécologue leur a dit félicitations Kushū Hanabi-san, vous êtes enceinte, ils ont tous les deux pleuré - mais pas pour les mêmes raisons.
C’est pour ça que c’est maman qui s’est occupée de te trouver un prénom, seule.
Ç'aurait pu être Meruem ou Menma, Atsushi ou Natsuo, Ichiro ou Hidenori. Ç'aurait aussi pu être Eisen ou Chōei, Jinta ou Kagami, Natsume ou Otani. Mais un jour, alors qu’elle te lisait un livre, tu as donné un coup de pied. Le premier. Le héros de l’histoire s’appelait Uta. Elle a pris ça pour un signe, a caressé son ventre et l’a murmuré une fois, deux fois. Tu as bougé encore.
Alors tu t’appelles Uta.
Tu es né un 21 avril, à 14H15.
Accouchement déclenché, parce que tu ne voulais pas sortir et que le terme était déjà dépassé de presque une semaine. Bébé tardif dans tous les sens du terme, de la conception à la délivrance.
Mais même si c’était programmé, papa n’est pas venu, a préféré rester au bloc toute la journée et refaire le nez ou les seins de sa patiente du jour pour ce que t'en sais. Déjà, il montrait qu’il ne te désirait pas, n’était pas prêt à faire le moindre effort pour toi. En vérité, tu t’en moques, ça ne t’intéresse pas de savoir si c’est ton père et la sage-femme qui a coupé le cordon ombilical. Mais quand tu penses à ta maman, seule à la clinique, tu vois rouge. Il aurait dû faire l'effort de venir pour la soutenir, l'épauler. Parce qu'il l’aimait, elle.
Mais pas toi.
Jamais toi.
D'ailleurs, la première fois où il t'a pris dans ses bras, c'est le jour où il vous a ramenés de la maternité. Et c'était uniquement pour te poser dans le siège auto flambant neuf et éviter à maman de se fatiguer à te porter. Quel homme prévenant.
Ça n'a pas duré longtemps.
Dès le début, tu as eu ta chambre à toi.
Pas de berceau dans la chambre parentale, pas de cododo non plus, même si maman aurait aimé essayer.
Mais quand même, c’était une jolie chambre. Bleue comme un ciel d’été, avec des meubles en bois blanc et un parquet clair. Il y avait déjà beaucoup de jouets, trop pour un nourrisson, certains dédiés à des bambins d’une autre tranche d’âge, mais faut dire que t’as été gâté Uta.
Tu n’as jamais eu de gros problème, petit.
Aucun souci de santé, si ce n’est deux-trois petites gastro et la varicelle à deux ans. Tu as grandi entouré de tes peluches et jouets, bercé par le parfum de maman - ginseng et pomme. Ah, qu’est-ce qu’elle était belle, ta maman, si belle. Tu ne te souviens pas vraiment de sa voix, ni de son visage, c’est trop vieux maintenant, mais elle aimait faire des photos avec toi alors t’as gardé quelques souvenirs tangibles, à défaut d’une mémoire infaillible.
Parce que maman, elle est partie très vite - trop vite.
T’avais quoi ?
Trois ans depuis deux jours.
Un baiser sur le front à la sortie de la crèche, sa main chaude sur ta joue, ton oreille contre son ventre rond pour écouter les jumeaux à venir, quelques courses au konbini du coin. Paraît qu’on n’est pas supposé se souvenir de ce qui se passe dans sa petite enfance. Que le cerveau efface les informations, ou ne les retient pas. Pourtant, tu te rappelles nettement le sang sur ses cuisses, la peur dans ses yeux.
Maman voulait un autre enfant. Elle te racontait ses aventures avec ses sœurs, Hibari et Hanae, comment son grand-frère, Seiryû, la protégeait, te disait qu’un jour, toi aussi tu aurais un meilleur ami à la maison, quelqu’un avec qui passer un bout de ta vie. Papa n’était pas trop pour - un marmot à charge, c’est déjà suffisamment de contrainte, ça l’a ralenti dans ses projets et il n’a pas encore pu ouvrir sa clinique à cause de toi. Alors pas de retour au centre de fertilité pour maman. Pas de traitement, juste l’oubli spontané et secret de la pilule et, chaque année, le rituel maternel qui passait par le Meiji-jingu pour y sonner la cloche et prier la venue d’un petit frère ou d’une petite sœur. Et ça a porté ses fruits, son ventre s’est arrondi, le médecin a annoncé des jumeaux, maman a souri, papa a hurlé et les mois se sont écoulés. Mais au final, le ciel a préféré t’enlever ta maman plutôt que te donner quelqu’un pour t’appeler nii-san.
T’as probablement jamais autant pleuré que le jour où t’as compris que jamais elle ne reviendrait.
Tu n’es pas un enfant malheureux, Uta.
Tu grandis même dans un cadre privilégié. Pas de maman, certes, mais toujours ton papa, tes grands-parents, ton oncle, tes tantes et c’est plus que beaucoup d’autres. Bon, tu vois de moins en moins la famille de maman, parce qu’ils habitent loin, qu’ils ne peuvent pas venir souvent et que papa rechigne à t’emmener mais ce n’est pas si grave.
Personne ne te crie après, personne ne te frappe. T’as tous les jouets que tu veux, la tablette dernier cri, une montagne de livres numériques interactifs et au moins autant de fringues. Votre maison est grande, belle, bien placée dans un quartier résidentiel tranquille et t’as ta chambre à toi, avec un grand lit à l’occidentale. L’arrivée des factures n’est pas source d’angoisse ou d’incertitude, tu n’as pas à te demander si demain l'électricité sera coupée ou s'il y aura bien à manger sur la table.
Tu n’es pas un enfant malheureux, non.
Mais en réalité, tu t’es toujours senti bien seul.
Papa n’est jamais vraiment là - et quand il l’est, il ne porte pas un regard sur le petit garçon affamé d’attention de quatre, cinq, six ans qui attend un baiser sur la joue, une main sur l’épaule, un regard, quelque chose, n’importe quoi.
Papa, il travaille dur.
Il a enfin pu ouvrir sa propre clinique avec un collègue - t’as quoi ? cinq ans, dans ces eaux-là. Il passe plus de temps dans ses papiers, avec ses clients, bistouri à la main ou dossier sous les yeux qu’à te regarder grandir et vivre. En fait, les seules fois où il te parle, c’est pour te demander comment c’est, l’école. Si tu travailles bien. Si la maîtresse est contente de toi. Si t’as eu un bon point et comment sont tes petits camarades. Meilleurs que toi ? Tu devrais faire un effort, c’est inadmissible de te laisser dépasser comme ça.
Alors, Uta, toi aussi tu travailles dur.
Peut-être que papa te regardera un peu plus comme ça.
Peut-être que grand-père Chikayoshi et grand-mère Fuyu seront fiers de toi, la prochaine fois que tu les verras.
T’es un gamin appliqué, armé de toute la volonté qu’on peut rassembler à cet âge-là, et bien vite, tu deviens bon. Au-dessus de la moyenne. Bien au-delà de la norme juste acceptable qui fait plisser les yeux de grand-mère, soupirer papa. Les professeurs chantent tes louanges et te félicitent, t’attirent au passage les foudres d’élèves jaloux.
Mais tu ne dis jamais à personne que non, tu n’as pas égaré ton livre, quelqu’un te l’a emprunté.
Tu n’avoues pas non plus que si t’es tombé dans la cour, la dernière fois, c’est parce que Takeshi t’a poussé.
Et que s’il y a une tâche sur ton uniforme, c’est la faute d’Honoka.
Non, tout ça tu le gardes pour toi, tu le balaies bien loin sous le tapis et tu fais de ton mieux pour oublier, te concentrer sur tes études.
Tu n’as même pas encore huit ans.
Et tu sais déjà ce que ça fait, d’être élevé par quelqu’un qui ne voulait pas de toi.
Karl est parti.
Tu as neuf ans maintenant et aujourd’hui c’est la veille de Noël.
Sauf que ton cousin est parti - s’est envolé, a disparu.
Il y a quelque chose qui se brise dans ta poitrine, au creux de tes côtes.
Ton cousin a toujours été là pour toi, malgré la différence d’âge, malgré le peu d’amour que porte papa à ton oncle Seiryû.
Tu l’as rencontré lors de la veillée funèbre pour maman.
Un drôle de garçon à l’accent déconcertant, que bien vite tu t’es mis à suivre partout, ta petite main accrochée à son pantalon. Il te fascinait, te mettait des étoiles dans les yeux et tous les dessins, toutes les créations que tu ramenais de l’école, elles étaient pour lui. Karl, c’était ta parenthèse, ta bulle d’air. Oh Uta, tu aimais tellement quand papa t’autorisait à le voir même s’il n’avait rien de l’adolescent de bonne famille, bien comme il faut.
Si seulement t’avais su.
Qu’un jour il partirait sans même te prévenir. Qu’un jour il t’abandonnerait, lui aussi, comme maman avant lui, comme tant d’autres après lui.
Si seulement t’avais su, oui.
Faut croire que toi, tu n’étais rien pour lui.
Ta nouvelle maman s’appelle Erina.
Elle vient du bord de l’eau, d’une ville qui s’appelle Kamakura. C’est à cause d’elle - enfin, de la lettre plutôt, mais chut - que vous avez dû déménager, quitter la jolie maison aux grands escaliers et ta chambre bleue comme un ciel sans nuage. Tu ne l’aimes pas. Tu la détestes, même.
Pourtant elle n’est pas méchante, Erina.
Elle a un drôle de sourire, un peu bancal avec ses dents pas parfaitement alignées, et une voix toute douce. Elle a de grosses lunettes rondes, des yeux qui brillent et son parfum de fleurs embaume toute la maison, te fait presque oublier celui de ginseng et de pomme de maman. Elle n’est pas méchante, non, mais elle a quand même essayé de se débarrasser des photos de maman. Tu les as récupérées et cachées dans ta chambre.
A part ça, elle ne s’occupe pas vraiment de toi, ne te parle pas, prend beaucoup de place dans la vie de papa - tellement alors qu’il n’en a déjà pas tant que ça pour toi.
Tu n’as que dix ans, suffisamment âgé pour comprendre que c’est l’ordinateur que tout le monde appelle l’Incontestable qui l’a choisie, donc qu’elle est parfaite pour papa.
Tu n’as que dix ans, encore trop jeune pour accepter qu’une inconnue prenne si facilement la place de ta vraie maman.
Tu dois avoir onze ou douze ans quand t’entends les mots stérile et hors de question de recommencer. Il y a des cris, des pleurs. Papa quitte la maison en claquant la porte, Erina lui court après, essaie de le retenir, échoue. Toi, tu regardes tout ça depuis la table de la salle-à-manger, attablé devant ta tablette et des devoirs, sans trop réaliser ce qui se passe.
Après ça, Erina a commencé à avoir l’air triste et fatiguée, avec de grands cernes sous les yeux, des traits tirés, la bouche pincée. Et tu comprends pas trop pourquoi mais elle te fixe comme si c’était de ta faute, si elle est comme ça.
T’as rien fait pourtant, promis juré.
Les cours se suivent et s’enchaînent. Les années passent, trépassent - et tu grandis.
Le lycée, le début de ton addiction à la cigarette, comme tant d'autres, pour avoir chaud peut-être, pour te tenir compagnie pourquoi pas. Et parce que malgré ton air d’intello l’argent amène une popularité indésirée, indésirable, les gens chuchotent un peu sur ton passage. Alors ces années-là, c’est aussi quelques lettres, timides. Des déclarations sur le toit. Les premiers baisers, les premières aventures. Les premiers refus. Les rendez-vous qui s'enchaînent. L'adolescence fait son œuvre. Ton regard s'égare, découvre les courbes et les angles des corps, s'attarde sur les sourires, l'éclat d'un regard. C'est l'époque des découvertes, des premières tentatives. Des approches, des flirts et des heurts.
Et quelque part au milieu de tout ça, il y a ces dessins qui viennent ponctuer tes journées. Quelques traits par-ci, puis par-là. Il court, il court ton stylet, sur la tablette graphique dernier cri que papa t’a offert - ou que tu lui as extorqué, façon de point de vue.
Au début, c’était de simples tracés pour te rappeler. Le sourire de papa. La photo de maman. Les fleurs du jardin de Mamie Kazumi et Papy Hitoshi. Le chaton offert par Grand-Père Chikayoshi pour fêter tes quinze ans et ta réussite à l’école.
Après, c’est devenu un peu plus. Parce qu’à l’école, tu bossais dur, si dur, que t’avais le temps pour rien d’autre. Pas de hobby, pas de club après le cours. Juste le retour à la maison, les devoirs et rebelote. Ta seule parenthèse ? Cette tablette et ses dizaines, ses centaines de dossiers que t’accumulais. Parce que personne t’a jamais dit que c’était mal, de dessiner. Personne t’en a jamais empêché, alors t’as juste continué. Tu t’es mis à esquisser des paysages, mais tu t’es retrouvé vite limité. Alors tu t’es rabattu sur les gens. Toutes ces silhouettes qui passaient et repassaient sous tes fenêtres, les enfants sur leurs vélos, les couples qui se tenaient la main, la voisine sur son balcon en face, le vieil homme du rez-de-chaussée assis sur un banc dans la rue. Tu n’étais ni bon, ni mauvais. Dans la moyenne. Dans la norme. Des traits plus ou moins correctement proportionnés. Des ombres pas trop mal placées. Des idées un peu limitées. Pas assez mauvais pour arrêter. Suffisament bon pour te demander si d’autres aimeraient.
A ta dernière année de secondaire, t’as décidé d’ouvrir un compte Instagram.
Tu n’as pas mis bien longtemps à saisir les rouages, huiler les mécaniques, t’approprier ce réseau social et apprendre des autres. Tu aimais bien l’idée d’avoir ton propre talent, en dehors des cours où t’excellais. Maman était poète après tout. Tu pouvais bien être un artiste toi aussi, non ?
Si t’avais su, à l’époque, où ça te conduirait.
Tu as enfilé ton uniforme soigneusement repassé la veille, arrangé tes boucles comme tu le fais toujours, poudré ton visage pour cacher les cernes qui commencent à le grignoter. Avant de partir, tu as salué la photo de maman posée sur ta table de chevet.
Aujourd’hui, c’est le jour des résultats du test du centre national des admissions à l’université. Aujourd’hui, tu es sacré meilleur élève de ta promotion.
Aujourd’hui, papa est rentré plus tôt pour te féliciter.
Peut-être que tu es cassé, Uta. Peut-être que tes sentiments sont éventrés, dansent en désaxés sur la corde raide de ton cœur. Peut-être que tu es abîmé, oui, que quelque chose s’est cassé dans ta tête. Parce que là où tu pensais ressentir euphorie et félicité, il n’y avait que le vide et encore le vide.
Pourtant t’as fait tout ça pour lui, pour qu’il te regarde, te respecte, t’aime, un peu, rien qu’un peu.
Tu as dix-sept ans.
Tu viens de comprendre que ton cœur a cessé de courir après ton père bien avant que ta tête ne le réalise.
Papa aimerait que tu fasses médecine.
Grand-Mère et Grand-Père aussi.
Tu refuses.
Pas que tu n’aimes pas la médecine, non. T’as rien contre, en réalité. Mais tu viens de comprendre que tu ne les aimes pas, eux. Alors pourquoi leur faire plaisir ?
— Qu’est-ce que tu vas faire de ta vie, Uta ? N’espère pas rester à mes crochets jusqu’à ton mariage !
Papa n’est pas content, non. Il aimerait que tu perpétues la tradition familiale. Après tout, s’il est chirurgien esthétique, sa mère était chirurgien cardio-thoracique et son père, généraliste.
— Qu’essaies-tu de faire, Uta ? Ruiner ta vie ? Regarde ton père ! Il a tout ce dont un homme peut rêver de nos jours, tu ne veux pas la même chose pour toi, pour ton futur partenaire, pour vos enfants ? Notre pays a plus que jamais besoin de personnes aussi talentueuses que toi… Ne me dis pas que tu vas gâcher ça en essayant de devenir illustrateur de BD ou je ne sais quelle autre stupidité tes dessins t’ont mis dans la tête !
Grand-Mère non plus n’est pas contente. Non, pas du tout.
Elle se calme à peine quand tu annonces entrer à la Tōdai pour y poursuivre des études de commerce et marketing. Grand-Père, lui, t’encourage juste à entretenir tes ambitions et à les poursuivre jusqu’au bout.
Erina a beau s’en plaindre, papa paie pour tout.
Du studio à côté de l’université à l’intégralité de tes cours, en passant par tes courses et tout ce que tu peux lui demander.
Il ne manque pas d’argent, tu le sais, tu comptes bien en profiter. Après tout, c’est tout ce qu’il t’a toujours donné, à défaut d’un sourire ou d’un baiser sur le front. Et il est tellement soulagé que tu ne fasses pas rien de ta vie qu’il ne bronche pas, cède à tous tes caprices.
Cours à n’en plus finir, devoirs à rendre pour le lendemain, juku deux fois par semaine, followers qui se multiplient sur ton compte Instagram, quelques-uns qui essaient de te passer commande. Au début tu hésites, tu dis que tu n’as pas le temps pour ça, puis te demandes si tu ne pourrais pas y gagner deux-trois yens alors pourquoi pas. C’est un franc succès.
Les années passent et même si tu ne te plais pas trop dans tes cours, tu t’accroches parce que tu ne sais rien faire d’autre. Papa te harcèle de plus en plus pour savoir ce que tu comptes faire plus tard. Tu découvres que t’adores la tête qu’il fait quand tu lui avoues que tu n’en sais rien, que tu escomptes bien te laisser porter là où la vie le voudra. En fait, tu aimes tellement ça qu’une fois diplômé, plutôt que t’enraciner dans les propositions bien comme il faut sous lesquelles tu croules, tu préfères postuler à l’O.M.G., chaîne de boutiques britannique fraîchement importée sur le sol japonais, spécialisée dans les accessoires érotiques et la lingerie haut-de-gamme. Ils avaient besoin d’un vendeur à mi-temps rapidement et même si tu n’as pas vraiment d’expérience, tu es motivé, alors ils ont dit oui et t’as été pris.
Le regard que papa t’a adressé quand tu l’as mis devant le fait accompli était juste incroyable.
Quelque part entre ici et là-bas, au détour d’un café ou peut-être d’un repas, tu le rencontres.
Il s’appelle Yuuto, préfères que tu lui donnes du Mickaël.
Tu l’as aimé.
Un peu, beaucoup, passionnément, à la folie.
C’est le premier, ton premier. Il n’y a nulle part où tu ne l’aurais pas suivi. Il n’y a rien que tu n’aurais pas fait pour un baiser de lui.
Tu l’as aimé.
Si fort, si longtemps.
C’est celui qui te connaissait mieux que quiconque, repérait la moindre de tes angoisses, savait faire taire chacune de tes incertitudes. C’est celui qui prenait ta main dans la sienne quand il te voyait la porter à tes cicatrices. C’est celui qui souriait pour deux quand rien n’allait. C’est celui qui t’a appris qui tu es - là, au fond. C’est celui qui a fait de toi une meilleure personne. C’est celui qui t’accaparait tellement que tu as à peine prêté attention à l’apparition des Incontrôlables, leurs manifestations anti-Incontestable. Tu as entendu parler des attentats, bien sûr, mais tu ne connaissais personne qui y était, alors ça ne t’a pas vraiment touché, encore moins bouleversé, juste un peu contrarié. De toute façon, tout ça, c’était bien loin de ton quotidien, de ta vie de tous les jours avec Yuuto.
— Je t’aime.
Tu lui disais tous les matins et tous les soirs.
Tu l’as aimé.
Tu l’as aimé comme tu as aimé le regarder travailler, s’escrimer, s’acharner à progresser.
Tu l’as aimé comme tu as aimé voir ses yeux se perdre dans les tiens pour un rien.
Tu l’as aimé comme tu as aimé caresser ses cheveux si doux, c’était fou.
Tu l’as aimé comme on aime sans lendemain, tu l’as aimé sans pouvoir t’en empêcher.
— Je t’aime.
Tu lui chuchotais sur l’oreiller, lui avouait dans le noir.
Tu l’as aimé.
Vois, comme les temps changent. Dans le monde, dans ce monde, tout se brise, rien ne se conserve. L’amour n’est qu’une illusion indécise, une certitude imprécise. Parce qu’un jour tu es parti, l’as laissé. Parce que tu as pris peur, pas vrai Uta ?
Parce que ces mots que tu murmurais à son oreille, lui les taisait. Parce que lentement mais sûrement, tu l’as vu se détourner, t’échapper.
— Je t’aime.
— Je sais.
Pourquoi ne l’a-t-il jamais dit ?
Était-il seulement sincère ?
Était-il seulement sincère ?
Oh ça fait mal, si mal.
Tous ces sentiments que tu ne comprends pas, que tu ne maîtrises pas. Tout cet amour que tu n’as jamais eu avant enfle, enfle, enfle, devient une fièvre qui dévore tout, qui t’emporte et t’empêche d’y voir clair, te laisse à bout de souffle. Doutes. Incertitudes. Il avait ton cœur entre ses mains. Ta confiance. Tout ce qui te restait d’innocence. Et ton espérance, ton espérance toute entière. Et si au début il en prenait soin, il s’est mis à jouer avec - ou c’est ce que tu as cru. Parce que c’est facile, Uta, de se fourvoyer. Oui, c’est si simple de se tromper, de croire que l’autre n’est pas celui qu’on croit, quand en fait on est juste paniqué, quand en fait on est juste un enfant perdu, qu’a jamais appris à aimer à l’endroit ni ce que ça fait.
Tu l’as aimé.
Tu as cru qu’il te trompait.
Alors tu l’as abandonné. Sans un mot, sans un regard.
Après Yuuto, il y a eu Hotaru.
C’était du rapide, rien de très important, juste une de ces relations-pansements. Ce n’était pas un mec bien, Hotaru. Plutôt le genre à oublier de se lever pour aller bosser, traîner tard le soir, rentrer avec l’haleine chargée en bière. Mais quand même, tu l’appréciais. Alors tu t’es accroché. Quelques jours, quelques semaines. Puis un jour il est revenu avec une marque de rouge à lèvres, l’odeur d’un parfum indubitablement féminin accroché à chacun de ses pas - et ça t’a fait mal, mine de rien.
Alors tu l’as jeté, et t’es passé à autre chose.
Après Hotaru, il y a eu Mia.
Une gentille fille, Mia. Douce, attentionnée. Elle t’a presque mis des étoiles dans les yeux mais on était quand même loin des papillons dans le ventre. Après douze mois intense aux côtés de Yuuto, quelques semaines décevantes avec Hotaru, ça a été une belle accalmie. C’était simple, c’était tendre. Y avait pas de question à se poser, pas d’incertitudes à avoir, tout allait bien entre vous. Mais elle était jeune, naïve et le jour où elle t’a avoué qu’elle rêvait de recevoir la lettre avec ton nom entrelacé au sien, t’as pris la tangente. Faut croire que t’aimes ça, fuir, hein Uta ?
En tout cas, c’était ton dernier essai.
Maintenant, tu laisses les relations sentimentales au placard, te contentes de quelques étreintes charnelles à gauche, à droite, parfois pour un soir, d’autres fois pour davantage, tant qu’ils ne cherchent pas à s’attacher, te retenir.
C’est d’abord la tempête - trois typhons, terrible vision, qui grondent au-dessus du Pacifique, débordent sur le Japon. Les gens se terrent, saturent les lignes en essayant de joindre leurs proches pour les enjoindre à se réfugier à l’intérieur. T’es chez toi, perché sur le bord de ton canapé à regarder par la fenêtre. Tu te demandes si papa est rentré ou s’il a quand même essayé d’aller à la clinique récupérer des dossiers.
C’est ensuite le séisme - magnitude 9, dévoileront plus tard les médias. La panique gronde, enfle. Direction l’abri de sécurité le plus proche, que t’atteins rapidement, sans encombrement malgré les mouvements de foule. Tu te dis qu’il est peut-être l’heure de prier quand les sirènes se mettent à résonner dans les rues, annonçant l’horreur qui suit.
C’est finalement le tsunami - côte sud-est ravagée, bâtiments dévastés, milliers de vies arrachées, autant portées disparues. L’eau. C’est la première chose dont tu te souviens quand vous avez pu sortir de là-dessous. L’eau est partout. Elle a tout englouti sur son passage, ravagé le visage de la ville au point de la rendre méconnaissable.
Et après tout ça, c’est le chaos.
Quand tu te rends au domicile familial, tu ne trouves personne. T’apprendras que papa et Erina sont en vie quelques jours plus tard seulement.
Et pendant l’incertitude floue, tu t’es posé la question, terrible, de savoir s’ils te manqueraient, si d’avenir Shukumei les avait emportés.
La réponse ne t’a pas tant surpris.
Papa et Erina l’ont reçue quelques jours après Shukumei.
Honnêtement, tu ne pensais pas ça possible.
Déjà parce que les ravages du tsunami sont considérables. Même si tout un tas de machines sophistiquées ont été mises en place pour aspirer l’eau des rues et vider les égouts, les bâtiments restent éventrés, les arbres déracinés occupent encore les rues, emmêlés aux fils et poteaux électriques arrachés.
Ensuite parce qu’ils sont mariés depuis des années.
Et pourtant, ils l’ont reçue.
L’enveloppe est rose, la lettre blanche, les mots noirs. Elles courent, elles courent les petites lettres. Elles courent, elles courent, se succèdent et s’emmêlent, trébuchent sur le point final. Leur nom entrelacé à celui d’un autre, l’ordre de l’Incontestable qui bouleverse tout. Comment ça, un mariage à trois ? L’incompréhension est totale, papa pense à une mauvaise blague, toi tu te demandes si ce n’est pas plutôt un bug dans la matrice.
Le futur te donnera raison, puisque ce drôle de ménage à trois est annulé une quinzaine de jours plus tard. Pourtant, aucun message officiel, aucun communiqué à ce sujet. Le gouvernement fait la sourde oreille et reste muet. Prône toujours les bienfaits de l’Incontestable.
Tu ne sais pas comment c’est venu.
Tu travaillais encore pour l’O.M.G. à ce moment-là. En parallèle, tu continuais à ouvrir régulièrement des commandes sur Instagram, histoire d’arrondir les fins de mois. Rien de mirobolant, mais ça t’allait bien. Jusqu’à ce qu’il te faille plus.
Mais plus de quoi ?
D’argent ? De réussites décalées à balancer à la figure de papa ?
Tu ne sais pas comment c’est venu, non.
Sûrement au contact de ton travail, à la vue de tous ces accessoires que tu rangeais, présentais, vendais. Tu n’as jamais été très pudique, Uta. Pas particulièrement effarouché non plus. Tu aimes le sexe et ce qui s’y rapporte, il y a une certaine beauté dans le fait de prendre du plaisir après tout. Il t’est même déjà arrivé de dessiner des œuvres not safe for work à plus d’une reprise - et pas mal de gens ont aussi passé commande.
Peut-être que l’idée t’a marqué après une conversation avec papa. Une de celles qui ressemblent plus à une dispute qu’autre chose, où il se plaint de ton travail, te demande si tu n’as pas honte, enfin, de faire ce que tu fais, parce que tu devrais, vraiment. Peut-être, oui, que tu voulais lui faire payer, lui faire honte. T’avais la haine aux tripes, la colère dans la gorge à l’époque. Tu voulais faire quelque chose, n’importe quoi, pour t’en débarrasser, pour leur montrer à tous, ce que tu valais. Alors t’as trouvé.
T’as trouvé le meilleur moyen de salir les ambitions idéalisées que papa a toujours nourries pour toi.
Les dessins que tu gardais pour toi, ceux qui dérivaient de ton imagination la plus tordue, la moins classique, tu les as sortis, montrés à tes patrons. Leur as demandé ce qu’ils en pensaient, s’il y avait moyen que, peut-être... Et ça a plu.
Alors tu as poussé le bouchon plus loin, Uta. Tellement plus loin. Sur le coup, tu ne pensais pas que papa allait dire oui, quand tu es allé le voir en lui disant que tu avais trouvé une idée, que tu voulais te lancer dans ta propre entreprise. Oh, tu ne lui as pas tout dit, lui as servi sur un plateau d’argent des explications fumeuses tout droit sorties de tes cours. Tu ne pensais pas qu’il allait dire oui, non, vraiment pas. Mais faut pas chercher très loin, papa a toujours tout résolu avec de l’argent alors il n’a pas hésité longtemps avant de te faire un virement. Le plus beau, c’est qu’il l’a fait comme on fait une donation, comme on distribue de l’argent de poche. Alors t’es pas tenu de le rembourser, pas vrai ? Cette somme rondelette, maintenant, c’est la tienne. Ajoutée à tes propres économies, ça te donne de quoi chercher des fabricants à droite à gauche, rencontrer de potentiels clients parmi les grandes enseignes visées, engager un prestataire correct pour concevoir un site marchand convenable et attractif.
En quelques mois, la marque Obsessive est née et tu te mets à concevoir toujours plus de sex-toys sur le thème sous-côté de la fantaisie.
Et du jour au lendemain, ton père arrête soudain de te parler, te raye définitivement de sa vie. Tu ne sais pas trop comment le prendre, hésite entre exulter et pleurer, te contentes de lui envoyer régulièrement les news de ta société, énième pied-de-nez à cet homme toujours trop occupé pour apprendre à t’aimer.
Qui aurait cru que tant de monde fantasmait en secret sur un jouet en forme de tentacule ou de gueule de dragon ?
Pas toi. Et pourtant.
Tu as toujours été un acharné du travail et ça ne change pas. C’est peut-être pour ça que ce qui n’était qu’un projet s’est si bien réalisé, au final. Tu ne rechignes pas au boulot, au contraire, tu es plutôt maniaque dans ce domaine. Alors tu gères tout. De la conception des croquis à l’avancement de la production des différents produits. De l’organisation de très privées réunions sex-toys à la vente en ligne et auprès de boutiques physiques. L’O.M.G., que tu as quitté au commencement de cette aventure, est devenu l’un de tes principaux acheteurs.
Ça n'a pas été facile, bien sûr.
Tu t’es lancé dans ce milieu sans y connaître grand-chose, mais heureusement pour toi, t’avais ton diplôme de la Tōdai en poche, ta maigre expérience en tant que vendeur dans une boutique érotique. C’est pas énorme, mais c’est mieux que rien. Et c’est probablement ce qui a fait la différence - ça, et l’argent gracieusement donné par papa.
Tu as passé énormément de temps au téléphone, à éplucher les sites internet pour trouver les meilleurs prestataires, signer les meilleurs contrats. Tu as consacré des heures, des nuits même, sur les réseaux sociaux, avant de comprendre que tu devais engager quelqu’un pour s’en charger à ta place avant que t’y passes. Tu as ravalé ta fierté, enterré ton ego, appris à faire des ronds de jambe pour monnayer ta marque, gagner une place dans un rayonnage, obtenir un rabais d’un fournisseur. Tu t’es acharné, t’es relevé chaque fois qu’une porte te claquait au nez, chaque fois qu’on te disait que ça ne fonctionnerait pas.
Et ça a payé.
Aujourd’hui, tu as une petite vie bien rangée, Uta.
Organisée autour du travail, que tu te surprends à apprécier.
Perché dans ton appartement, tu enchaines les mails et les visioconférences, te concentres exclusivement sur le développement de ta marque. Petit à petit, tu t’es forgé un nom, une réputation. Quelqu’un de sérieux, qui parle bien, qui présente bien, avec un site propre et bien présenté, des produits cleans et originaux. Alors t’es que le PDG d’une petite start-up au final, t’es toujours celui qui design et se charge de la quasi totalité des arrangements, mais ça fonctionne très bien comme ça et tu fais ton beurre. Y a que ton chat qui sait à quel point t’en as sué pour y arriver, à quel point tu sues encore parfois, et comment tu abuses de la caféine, du tabac aussi, pour rester éveillé.
C’est normalement l’heure de My Love, My Boss, le drama que tu regardes tous les lundis soirs. Sauf qu’à la place du protagoniste aussi niais que mignon, c’est la tête de Katsura Chiyoda, Ministre de l’Intérieur, qui apparaît à l’écran.
Tu crois un instant t’être trompé de chaîne, mais non.
[...] vous avez probablement pu être témoins d’une extinction totale de l’Incontestable.
Tu as 27 ans et toujours aucune lettre rose à l’horizon alors tu n’y as pas vraiment prêté attention, quand tu as lu les tweets mentionnant l’arrêt soudain de la machine toute-puissante régissant le Japon.
Certains d’entre vous y ont vu l'occasion de revenir à un célibat temporaire et ce malgré vos devoirs d'hommes et de femmes mariés. Avant toute chose je vous assure qu’aucune sanction ne sera prise à cet égard.
Deux mois et des milliers d’articles, d’interrogations sur les réseaux sociaux. Tu te rappelles les théories complotistes évoquant la possibilité qu’un pays étranger ait hacké le système de sécurité de l’Incontestable. Tu te rappelles les appels à l’aide de tous les couples en panique. Tu te rappelles que ça n’a rien changé à la vie d’Erina et papa, ou même de Grand-Père Chikayoshi et Grand-Mère Fuyu.
En effet, cet arrêt temporaire fait partie d’un projet de recherche sociale plus global visant à mesurer l’impact et la réussite de l’Incontestable sur la société japonaise, 58 années après sa création.
Finalement, malgré les suspicions de bug, les rumeurs du retour des Incontrôlables, il s’avère qu’il s’agissait juste d’un test grandeur nature. Tu te demandes un instant comme les gens vont le prendre, avant de balayer l’interrogation et retourner à ton drama dès que le Ministre finit son allocution.
De toute façon, tu n’as pas encore reçu ta lettre.
Alors tu n’es pas vraiment concerné, n’est-ce pas ?
Erina est tombée malade.
Elle a eu de la fièvre, beaucoup de fièvre, s’est mise à tousser.
Grand-Père lui a dit d’aller à l’hôpital rapidement, qu’avec l’épidémie qui se propage, il vaut mieux être prudent. Elle n’a pas écouté. Elle est comme ça, Erina. Un peu trop têtue, incapable de se remettre en question. Jusqu’à ce qu’elle commence à cracher du sang en plus des glaires.
Erina est encore à l’hôpital lorsqu’elle est déclarée morte. Pourtant, elle respire encore.
Et surtout, elle n’est pas la seule à voir son profil ATAI être affublé d’un nouveau statut mortuaire, bien au contraire. Les annonces funèbres pleuvent à n’en plus finir.
Certains parlent d’un dysfonctionnement quelque part dans les systèmes informatiques du Japon. D’autres évoquent à demi-mots le retour des Incontrôlables, un nouveau genre d’attentat. Tout le monde se rue sur les réseaux sociaux, les forums sont pris d’assaut. Des centaines, des milliers d’appels à l’aide se répandent sur le net. Le temps passe, les jours se suivent, on commence à parler de disparitions, on commence à murmurer que la milice s’en mêle, que les malheureux sont en réalité les réfractaires au système et que maintenant qu’ils sont déclarés morts, le gouvernement peut les purger. On se croirait dans un mauvais film.
Tu ne sais pas vraiment ce qui se passe, là, dehors, Uta.
Tu n’es pas sûr de vouloir le savoir non plus.
Tout ça te dépasse un peu - beaucoup.
8 décembre 2111. Le retour de Katsura Chiyoda à l’écran alors que tu allais te lancer dans le dernier épisode de My Love, My Boss. A ce stade, ça tient plus de la parodie que du mauvais film, te dis-tu alors que le communiqué officiel tombe enfin.
Non, il ne s’agit pas d’un retour des Incontrôlables. Non, il n’est pas non plus question d’une opération secrète du gouvernement pour soi-disant effacer les contestataires.
L’Incontestable n’est pas défaillant et ne le sera jamais.
Les puces, par contre, ont atteint leurs limites.
Apparemment, si Erina est encore à l’hôpital à cause de ses reins défaillants, c’est parce que l’épidémie de cet été a en réalité été causée par une faille structurelle des puces, ces petites tumeurs électroniques que tout bon japonais porte à l’arrière de la tête. Soudain, tu as envie d’aller chercher un couteau pour t’ouvrir le crâne et en sortir la bombe à retardement qui s’y trouve.
Au cours des mois flous qui suivent, la milice est déployée, un recensement national est lancé, une véritable chasse à l’homme déclarée à travers tout le pays et même au-delà des frontières. Apparemment, certains des faux-morts en ont profité pour filer.
Quelque part au milieu de tout ça, Erina obtient finalement la greffe d’un nouveau rein et la permission de quitter l’hôpital alors que la campagne de re-puçage débute.
Passer sur le billard t’enchante moyennement, même si l’intervention ne dure pas plus qu’une poignée de minutes et qu’à part une migraine carabinée, tu t’en tires sans dommage. C’est marrant, quand même. Tout le monde se plie silencieusement au processus. Plus personne ne proteste. Plus aucune théorie du complot n’est soulevée, pas même en murmures au coin d’un verre, le soir tard chez soi. L’Incontestable est infaillible, l’Incontestable est grand et tous les hors-la-loi sont revenus sur le droit chemin sans broncher.
Félicitations, Uta.
Aujourd’hui tu as 29 ans.
Tu les fêtes sans personne, bien sûr, avec pour seule compagnie ton vieux chat et un verre de saké.
Tu te demandes si un jour l’Incontestable trouvera quelqu’un de parfait pour toi. Quelqu’un avec qui passer ce genre de journée. Quelqu’un avec qui partager un repas, s’installer sur le canapé devant un bon drama. Quelqu’un qui ne te trompera pas, ne te laissera pas. Quelqu’un.
Just a little bit's enough
Tu es beau, Uta.
Beau comme un art. Beau comme quelque chose de nécessaire.
Une poupée. Une photo, une peinture.
Inaltérable, inabordable. Incontestable.
Tu es beau, tu le sais.
On pourrait mettre ça sur le compte de la loterie génétique, de la tambouille réussie par le mariage de papa-maman. Ce ne serait pas totalement faux. Tu fais bien partie de ces chanceux aux traits réguliers, qui savent aussi naturellement se tenir et s’habiller, beauté classique sans avoir à te donner trop de mal. Mais la vérité, c’est que tu paies le prix fort pour t’entretenir, conserver cette façade sculptée dans la glace. Ça fait partie de ton côté narcissique, de ce paraître que ton paternel chérit et t’a inculqué bien malgré toi.
Tu n’es pas bien grand, pas spécialement petit pour autant, même si tu n’atteins pas vraiment le mètre soixante-dix. Les remarques sur ta taille, t’y fais pas attention. De toute façon, elle n’a rien d’extraordinaire au Japon, où la moyenne atteint à peine le mètre soixante-douze depuis quelques années. Svelte et élancé, un peu dégingandé, tout en douceur et en finesse. Des muscles esquissés. Des épaules droites. Des omoplates qui se dessinent, discrètes, comme cette colonne qui s’arque, superbe, vers ta chute de reins. Des clavicules peut-être trop voyantes, percées toutes les deux - quatre petites boules argentées accrochant la lumière à chaque mouvement. Des poignets osseux, des doigts de pianistes. Tout chez toi est tendre, délicat. Et pour ça, il faut le bon régime alimentaire, la bonne activité physique. Excellente hygiène de vie, que des plats préparés, majorité de légumes, un jogging tous les mercredis, des longueurs dans la piscine municipale deux fois par semaine, du yoga tous les jours. Personne ne se rend compte, à quel point ça peut être épuisant de toujours être en forme, rester physiquement impeccable. Seule entorse à ton régime, ces sucettes sans sucre que tu aimes tant. Entre ça et le tabac, tu uses et abuses des stylos blancheurs. D’ailleurs, n’oublions pas les rendez-vous chez le dentiste, pour s’assurer qu’aucune carrie ne traîne. Ceux chez le coiffeur aussi, histoire d’entretenir tes boucles parfaites. Et puis l’esthéticienne pour avoir une belle peau et pas un poil qui dépasse.
Parfois, tu te demandes si ça vaut le coup. Tous ces efforts. Si en dehors des peines et des contraintes, tu y trouves le moindre plaisir.
Puis tu croises ton reflet.
Tes cheveux comme une nuit sans étoile, leurs belles boucles soigneusement coiffées, précieuse mise en pli bien ordonnée. Ton visage ovale, un peu allongé, aux traits fins et structurés. Ta peau pâle, lisse et claire, que tu protèges du soleil, sur laquelle tu traques la moindre imperfection. Ta mâchoire dessinée, sans l’ombre d’un duvet ou d’une barbe. Tes pommettes saillantes, tellement qu’on dirait presque que la peau qui se tend par-dessus est proche de se déchirer. Ton nez droit, un peu trop pour un Japonais, merci le petit coup de bistouri passé par là. Tes sourcils épais, bien dessinés, tout aussi bien épilés. Tes yeux bridés sans une ride, sans un cerne, parfaits écrins pour ces iris entre le gris et le bleu, couleur aseptisée, presque fatiguée. Parlons-en un peu plus, d’ailleurs, de ces yeux - peut-être ce qu’il y a de plus remarquable chez toi, finalement, puisqu’ils ne se rapprochent même pas un chouïa du grain noir typiquement japonais. Tu ne sais pas d’où te vient cette drôle de teinte trop claire, ce bleu délavé, ce gris un peu passé. Simple hasard, t’a dit ton père le jour où tu as osé lui demander. Gêne récessif éveillé par l’apport du bon génome, raconteraient sûrement les médecins, jamais avares d’explications aussi fumeuses qu’incompréhensibles. De toute façon, l’Incontestable n’aurait pas autorisé maman à tromper papa donc tu imagines qu’il y a quelqu’un, quelque part dans l’arbre généalogique, qui partage cette anomalie avec toi. Tant pis. Tant mieux. Tu les aimes, tes yeux. Parce qu’ils sont beaux. Parce qu’ils te rendent beau. L’orgueil est un travers plutôt répandu, et tu t’y connais bien en la matière, pas vrai Uta ?
Oui.
Oui, tu es beau, tu le sais.
Et tu sais tout aussi bien t’en servir.
Pencher la tête sur le côté, juste ce qu’il faut pour dégager ta gorge. Relever les coins de la bouche, sourire assez pour creuser cette fossette trop rarement visible. Attirer les regards sur ta bouche entrouverte, sur le reflet de ton piercing à la langue. Ah, on ne s'y attend pas, quand on voit l'élégance caractéristique de tes tenues. On s’attend encore moins à deviner que ce n’est pas le seul, que tu en as encore un sur la nuque, et puis un au creux de chaque clavicule et enfin un autre sur ta hanche droite. Tu adores quand tes amants d’un soir laissent leurs doigts t’effleurent, voyager sur ta peau, jusqu’à découvrir ce petit secret.
Ils préfèrent généralement celui-ci à l’autre.
Les cicatrices qui courent à l'intérieur de tes cuisses, du pli de l’aine jusqu’au creux des genoux, espacées d’un centimètre chacune. Leurs jumelles, le long de ton flanc gauche. Il faut qu’elles soient précises, sinon ça ne marche pas. Sinon, tu n’es pas en contrôle. Parce que c’est ça, ce que tu caches vraiment derrière le lin tes chemises ajustées, sous l’étoffe de tes pantalons droits, n’est-ce pas ?
Le besoin de contrôler, de diriger, au moins ton corps à défaut du restant de ton existence.
Beau comme un art. Beau comme quelque chose de nécessaire.
Une poupée. Une photo, une peinture.
Inaltérable, inabordable. Incontestable.
Tu es beau, tu le sais.
On pourrait mettre ça sur le compte de la loterie génétique, de la tambouille réussie par le mariage de papa-maman. Ce ne serait pas totalement faux. Tu fais bien partie de ces chanceux aux traits réguliers, qui savent aussi naturellement se tenir et s’habiller, beauté classique sans avoir à te donner trop de mal. Mais la vérité, c’est que tu paies le prix fort pour t’entretenir, conserver cette façade sculptée dans la glace. Ça fait partie de ton côté narcissique, de ce paraître que ton paternel chérit et t’a inculqué bien malgré toi.
Tu n’es pas bien grand, pas spécialement petit pour autant, même si tu n’atteins pas vraiment le mètre soixante-dix. Les remarques sur ta taille, t’y fais pas attention. De toute façon, elle n’a rien d’extraordinaire au Japon, où la moyenne atteint à peine le mètre soixante-douze depuis quelques années. Svelte et élancé, un peu dégingandé, tout en douceur et en finesse. Des muscles esquissés. Des épaules droites. Des omoplates qui se dessinent, discrètes, comme cette colonne qui s’arque, superbe, vers ta chute de reins. Des clavicules peut-être trop voyantes, percées toutes les deux - quatre petites boules argentées accrochant la lumière à chaque mouvement. Des poignets osseux, des doigts de pianistes. Tout chez toi est tendre, délicat. Et pour ça, il faut le bon régime alimentaire, la bonne activité physique. Excellente hygiène de vie, que des plats préparés, majorité de légumes, un jogging tous les mercredis, des longueurs dans la piscine municipale deux fois par semaine, du yoga tous les jours. Personne ne se rend compte, à quel point ça peut être épuisant de toujours être en forme, rester physiquement impeccable. Seule entorse à ton régime, ces sucettes sans sucre que tu aimes tant. Entre ça et le tabac, tu uses et abuses des stylos blancheurs. D’ailleurs, n’oublions pas les rendez-vous chez le dentiste, pour s’assurer qu’aucune carrie ne traîne. Ceux chez le coiffeur aussi, histoire d’entretenir tes boucles parfaites. Et puis l’esthéticienne pour avoir une belle peau et pas un poil qui dépasse.
Parfois, tu te demandes si ça vaut le coup. Tous ces efforts. Si en dehors des peines et des contraintes, tu y trouves le moindre plaisir.
Puis tu croises ton reflet.
Tes cheveux comme une nuit sans étoile, leurs belles boucles soigneusement coiffées, précieuse mise en pli bien ordonnée. Ton visage ovale, un peu allongé, aux traits fins et structurés. Ta peau pâle, lisse et claire, que tu protèges du soleil, sur laquelle tu traques la moindre imperfection. Ta mâchoire dessinée, sans l’ombre d’un duvet ou d’une barbe. Tes pommettes saillantes, tellement qu’on dirait presque que la peau qui se tend par-dessus est proche de se déchirer. Ton nez droit, un peu trop pour un Japonais, merci le petit coup de bistouri passé par là. Tes sourcils épais, bien dessinés, tout aussi bien épilés. Tes yeux bridés sans une ride, sans un cerne, parfaits écrins pour ces iris entre le gris et le bleu, couleur aseptisée, presque fatiguée. Parlons-en un peu plus, d’ailleurs, de ces yeux - peut-être ce qu’il y a de plus remarquable chez toi, finalement, puisqu’ils ne se rapprochent même pas un chouïa du grain noir typiquement japonais. Tu ne sais pas d’où te vient cette drôle de teinte trop claire, ce bleu délavé, ce gris un peu passé. Simple hasard, t’a dit ton père le jour où tu as osé lui demander. Gêne récessif éveillé par l’apport du bon génome, raconteraient sûrement les médecins, jamais avares d’explications aussi fumeuses qu’incompréhensibles. De toute façon, l’Incontestable n’aurait pas autorisé maman à tromper papa donc tu imagines qu’il y a quelqu’un, quelque part dans l’arbre généalogique, qui partage cette anomalie avec toi. Tant pis. Tant mieux. Tu les aimes, tes yeux. Parce qu’ils sont beaux. Parce qu’ils te rendent beau. L’orgueil est un travers plutôt répandu, et tu t’y connais bien en la matière, pas vrai Uta ?
Oui.
Oui, tu es beau, tu le sais.
Et tu sais tout aussi bien t’en servir.
Pencher la tête sur le côté, juste ce qu’il faut pour dégager ta gorge. Relever les coins de la bouche, sourire assez pour creuser cette fossette trop rarement visible. Attirer les regards sur ta bouche entrouverte, sur le reflet de ton piercing à la langue. Ah, on ne s'y attend pas, quand on voit l'élégance caractéristique de tes tenues. On s’attend encore moins à deviner que ce n’est pas le seul, que tu en as encore un sur la nuque, et puis un au creux de chaque clavicule et enfin un autre sur ta hanche droite. Tu adores quand tes amants d’un soir laissent leurs doigts t’effleurent, voyager sur ta peau, jusqu’à découvrir ce petit secret.
Ils préfèrent généralement celui-ci à l’autre.
Les cicatrices qui courent à l'intérieur de tes cuisses, du pli de l’aine jusqu’au creux des genoux, espacées d’un centimètre chacune. Leurs jumelles, le long de ton flanc gauche. Il faut qu’elles soient précises, sinon ça ne marche pas. Sinon, tu n’es pas en contrôle. Parce que c’est ça, ce que tu caches vraiment derrière le lin tes chemises ajustées, sous l’étoffe de tes pantalons droits, n’est-ce pas ?
Le besoin de contrôler, de diriger, au moins ton corps à défaut du restant de ton existence.
Just a second we're not broken just bent
Uta.
Uta, qu’est-ce que tu es ?
Uta, tu n’es pas un mauvais garçon. Promis, juré que tu n’es pas si méchant - juste un peu insupportable par moment. Faut savoir que t’as été bien élevé et qu’en vrai, t’es plutôt du genre à aider la voisine à monter ses courses, à donner le bras au vieil homme qui traverse la rue passante, à t’énerver contre le gosse mal élevé qui ne sait pas céder son siège à une femme enceinte. Tu n’es pas celui qui dira un mot plus haut que l’autre. Pas celui non plus qui insultera son prochain. Parce qu’on t’a inculqué des valeurs, le respect, la politesse, tout un tas de trucs bien pensés que tu voudrais vomir mais qui restent ancrés. Malgré tout tu n’es pas très souvent souriant alors parfois tu donnes l’impression de mépriser le monde entier, mais c’est faux. C’est juste que personne ne t’a appris à te dérider.
Uta, tu es quelqu’un de plutôt égocentrique quand on y pense. Narcissique assumé, tu aimes prendre soin de toi et ça se voit, à la précieuse mise en pli de tes boucles, à la douceur de ta peau claire, à tes vêtements choisis avec soin. Peut-être est-ce parce que tu n’aimes pas qui tu es à l’intérieur. Peut-être est-ce parce qu’il faut bien maquiller la poupée vide, éventrée. La mode, le nouveau régime de l’année, tout ça, c’est une occupation comme une autre, qui habille tes matinées, déguise tes soirées. Tu es quelqu’un de difficile à satisfaire, même toi tu ne te plais pas complètement, même toi tu te déçois souvent.
Uta, tu as un problème avec l’autorité. Tu dois être celui en contrôle. Peut-être que c’est pour ça que tu t’épanouis tellement dans ton travail. Peut-être que c’est pour ça que tout chez toi est ordonné, carré - organisé à en devenir maniaque, de la propreté au rangement, en passant par ta propre personne. Peut-être que c’est pour ça que tu es un acharné du travail, incapable de t’arrêter, ce gars qui bosse jusque tard le soir, oublie de se coucher, parfois de manger. Peut-être que c’est pour ça que tu détestes tous ceux qui se laissent aller, vivent aux dépens des autres, sans ambitions ni rêves. Peut-être que c’est pour ça qu’un jour t’as commencé à te couper, histoire de maîtriser un peu plus ta chair à défaut du restant de ton existence.
Uta, tu ne t’attaches pas - ou plus. Tu aimes les gens, leur corps surtout, passer du temps en leur compagnie, te sentir aimé l’espace d’un instant, rien qu’un moment. Et si tu peux déguerpir au petit matin sans qu’une main s’accroche à ta manche, t’es le plus heureux. Pourtant, tu n’as pas toujours été comme ça. Tu te souviens ? Dis, Uta. Tu te souviens ? De Yuuto, d’Hotaru et de Mia. Tu te souviens ? Yuuto te manque encore. Hotaru et Mia, moins, mais quand même un peu, à leur façon. Ils ont été les seuls. Les premiers et les derniers. Et qu’est-ce que tu leur en veux. C’est à cause d’eux, et de papa aussi, si aujourd’hui tu es devenu un handicapé des sentiments, de l’amour, de l’affection. Tu ne laisses personne approcher trop près de ce cœur que tu couves précieusement.
Uta, t’es rien qu’un enfant traumatisé, bourré de peurs et d’incertitudes, en totale opposition avec l’image de confiance glacée que tu dégages. Yuuto te connaissait et il savait. Que tu préfères être détesté plutôt qu’ignoré, parce qu’au moins ça veut dire que tu comptes. Que tu ne supportes pas qu’on ne te regarde pas, parce que t’as une peur panique de l’abandon. Que tu ne tolères pas d’être moins que parfait, parce que tu crains que les gens se détournent de toi. Que si t’es jaloux, c’est juste que tu ne sais pas exprimer ton affection. Que ce qui te rend le plus mal à l’aise, ce sont les gestes tendres, caresses d’un doigt sur la joue, une main entrelacée à la tienne, un baiser sans arrière-pensée. Que si tu couvres les gens de cadeaux, souvent onéreux, c'est parce que c'est la seule façon que tu connais de montrer ton affection. Que parfois, tard le soir, tu te demandes pourquoi tu es venu au monde, pour quelle raison. Que derrière ton visage de glace, t’es ce type sensible qui regarde encore des dessins animés, qui préfère les films à l’eau de rose et les dramas aux polars ou chefs d'œuvres scénaristiques, parce que c'est plus simple de s'y échapper. Que si tu laisses une veilleuse allumée la nuit, c’est parce que t’as peur du noir et des monstres - ces monstres que personne n’est venu chasser quand t’avais trois, quatre, cinq ans, ces monstres qui t’ont donné des cauchemars, fait pleurer, te recroqueviller sous tes draps, ces monstres qui n’existent pas, tu le sais, mais impossible de raisonner avec cette angoisse intangible. Qu’en fait, t’es juste ce gosse qui cherche la validation, l’approbation, la quête sans jamais le dire trop fort de peur de décevoir encore.
Uta, pauvre Uta, t’es à l’étroit dans ta propre tête, ton propre corps. Tu joues à la perfection celui pour qui tout va bien, celui qui est heureux, celui qui a tout ce qu’il veut - tu le joues si bien que parfois, t’arrives à te tromper toi-même. Mais derrière la façade, tu transpires, tu trembles.
Uta, tu crois que tu n’aimes pas ton père, mais c’est faux.
Uta, qu’est-ce que tu es ?
Uta, tu n’es pas un mauvais garçon. Promis, juré que tu n’es pas si méchant - juste un peu insupportable par moment. Faut savoir que t’as été bien élevé et qu’en vrai, t’es plutôt du genre à aider la voisine à monter ses courses, à donner le bras au vieil homme qui traverse la rue passante, à t’énerver contre le gosse mal élevé qui ne sait pas céder son siège à une femme enceinte. Tu n’es pas celui qui dira un mot plus haut que l’autre. Pas celui non plus qui insultera son prochain. Parce qu’on t’a inculqué des valeurs, le respect, la politesse, tout un tas de trucs bien pensés que tu voudrais vomir mais qui restent ancrés. Malgré tout tu n’es pas très souvent souriant alors parfois tu donnes l’impression de mépriser le monde entier, mais c’est faux. C’est juste que personne ne t’a appris à te dérider.
Uta, tu es quelqu’un de plutôt égocentrique quand on y pense. Narcissique assumé, tu aimes prendre soin de toi et ça se voit, à la précieuse mise en pli de tes boucles, à la douceur de ta peau claire, à tes vêtements choisis avec soin. Peut-être est-ce parce que tu n’aimes pas qui tu es à l’intérieur. Peut-être est-ce parce qu’il faut bien maquiller la poupée vide, éventrée. La mode, le nouveau régime de l’année, tout ça, c’est une occupation comme une autre, qui habille tes matinées, déguise tes soirées. Tu es quelqu’un de difficile à satisfaire, même toi tu ne te plais pas complètement, même toi tu te déçois souvent.
Uta, tu as un problème avec l’autorité. Tu dois être celui en contrôle. Peut-être que c’est pour ça que tu t’épanouis tellement dans ton travail. Peut-être que c’est pour ça que tout chez toi est ordonné, carré - organisé à en devenir maniaque, de la propreté au rangement, en passant par ta propre personne. Peut-être que c’est pour ça que tu es un acharné du travail, incapable de t’arrêter, ce gars qui bosse jusque tard le soir, oublie de se coucher, parfois de manger. Peut-être que c’est pour ça que tu détestes tous ceux qui se laissent aller, vivent aux dépens des autres, sans ambitions ni rêves. Peut-être que c’est pour ça qu’un jour t’as commencé à te couper, histoire de maîtriser un peu plus ta chair à défaut du restant de ton existence.
Uta, tu ne t’attaches pas - ou plus. Tu aimes les gens, leur corps surtout, passer du temps en leur compagnie, te sentir aimé l’espace d’un instant, rien qu’un moment. Et si tu peux déguerpir au petit matin sans qu’une main s’accroche à ta manche, t’es le plus heureux. Pourtant, tu n’as pas toujours été comme ça. Tu te souviens ? Dis, Uta. Tu te souviens ? De Yuuto, d’Hotaru et de Mia. Tu te souviens ? Yuuto te manque encore. Hotaru et Mia, moins, mais quand même un peu, à leur façon. Ils ont été les seuls. Les premiers et les derniers. Et qu’est-ce que tu leur en veux. C’est à cause d’eux, et de papa aussi, si aujourd’hui tu es devenu un handicapé des sentiments, de l’amour, de l’affection. Tu ne laisses personne approcher trop près de ce cœur que tu couves précieusement.
Uta, t’es rien qu’un enfant traumatisé, bourré de peurs et d’incertitudes, en totale opposition avec l’image de confiance glacée que tu dégages. Yuuto te connaissait et il savait. Que tu préfères être détesté plutôt qu’ignoré, parce qu’au moins ça veut dire que tu comptes. Que tu ne supportes pas qu’on ne te regarde pas, parce que t’as une peur panique de l’abandon. Que tu ne tolères pas d’être moins que parfait, parce que tu crains que les gens se détournent de toi. Que si t’es jaloux, c’est juste que tu ne sais pas exprimer ton affection. Que ce qui te rend le plus mal à l’aise, ce sont les gestes tendres, caresses d’un doigt sur la joue, une main entrelacée à la tienne, un baiser sans arrière-pensée. Que si tu couvres les gens de cadeaux, souvent onéreux, c'est parce que c'est la seule façon que tu connais de montrer ton affection. Que parfois, tard le soir, tu te demandes pourquoi tu es venu au monde, pour quelle raison. Que derrière ton visage de glace, t’es ce type sensible qui regarde encore des dessins animés, qui préfère les films à l’eau de rose et les dramas aux polars ou chefs d'œuvres scénaristiques, parce que c'est plus simple de s'y échapper. Que si tu laisses une veilleuse allumée la nuit, c’est parce que t’as peur du noir et des monstres - ces monstres que personne n’est venu chasser quand t’avais trois, quatre, cinq ans, ces monstres qui t’ont donné des cauchemars, fait pleurer, te recroqueviller sous tes draps, ces monstres qui n’existent pas, tu le sais, mais impossible de raisonner avec cette angoisse intangible. Qu’en fait, t’es juste ce gosse qui cherche la validation, l’approbation, la quête sans jamais le dire trop fort de peur de décevoir encore.
Uta, pauvre Uta, t’es à l’étroit dans ta propre tête, ton propre corps. Tu joues à la perfection celui pour qui tout va bien, celui qui est heureux, celui qui a tout ce qu’il veut - tu le joues si bien que parfois, t’arrives à te tromper toi-même. Mais derrière la façade, tu transpires, tu trembles.
Uta, tu crois que tu n’aimes pas ton père, mais c’est faux.
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Zacharie Nakashima

Bienvenue à ce nouveau bg
j'ai hâte d'en découvrir plus :3 bon courage pour la rédaction o/


Zacharie Nakashima

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Merci. 


Merci Fu.
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Il est là le beau garçon!
Bon courage pour la rédaction de ta fiche :) Bien hâte de lire la suite!

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Monsieur. 

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Rebienvenue! Histoire toujours aussi magnifique ! 
( Maintenant il faut poster pour que ce soit vrai...)

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Mesdames et Messieurs, pour vous, un petit bout de l'histoire (espérons que tout tienne en un post) et le physique.
(merci pour vos messages, vous êtes les meilleurs
)

(merci pour vos messages, vous êtes les meilleurs

Uta Kushū

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Reeeeeebienvenu
Voldy s'est reconverti dans un domaine... nezxcitant
*sort* allez, fini vite qu'on puisse lire en entier





Parle en #c176c1
Michiko Nakashima

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Vous êtes bien pressée, Mme.
La suite cet après-midi - peut-être.

Edit : faites pas gaffe au caractère, c'est du vrac total, juste le brouillon de mes notes.
Uta Kushū

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Dear lord, c'est la saison des grands retours en ce moment !
Un bon retour à Uta ohlàlà...


Tout comme mes VDD, hâte d'avoir la suite pour lire tout ça en entier.

(Yuu envoie des bisous à sa version précédente :yukina01: Et moi j'en envoie à sa joueuse :hearts:)
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J'ai tellement pensé à toi en le faisant revenir.

Je compte garder sa relation avec Yuu, si ça ne te dérange pas.

(Uta bisoute Yuu avec amour. :hearts: Et je t'envoie tout plein de kokoros aussi ma belle. :hearts:)
Uta Kushū

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COUSIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIN ! 
Content de revoir cette bouille
.

Content de revoir cette bouille

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MON COUSIN !

T'auras ta place à l'honneur dans l'histoire.
(même si plus ça avance, plus j'ai peur que ça ne tienne pas en un post jpp)


T'auras ta place à l'honneur dans l'histoire.


Merci Fu.
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Seyfried Hohental

UTAAAA JE VAIS ENFIN POUVOIR T'APPELER UTA DE FACON LEGIT NOW 
j'avais oublié sa tête trop fab je suis

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Seyfried Hohental

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C'est tout de ta faute s'il est revenu. 
Oui il est beau, hein ?

Oui il est beau, hein ?


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Chris J. Attacks

C'est la semaine des morts-vivants.
Rebienvenue, le grand chelem est tjrs d'actu tmtc.

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Chris J. Attacks

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Le grand retour des vieux de la vieille. 
J'arrive, attends-moi.

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Merci Fu.
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Utata 
Bon retour à ce perso et bon courage pour la rédaction de la fiche ! o/

Bon retour à ce perso et bon courage pour la rédaction de la fiche ! o/
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Merci Honoka ! 
Avec un peu (beaucoup) de chance, ce sera fini d'ici ce soir.

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Double-post de l'amûr.
C'est fini, c'est beau, c'est propre - ou pas, parce que j'ai tellement lu et relu mes phrases que je dois être devenue aveugle aux fautes qui y traînent, pardon d'avance pour ça.
C'est fini, c'est beau, c'est propre - ou pas, parce que j'ai tellement lu et relu mes phrases que je dois être devenue aveugle aux fautes qui y traînent, pardon d'avance pour ça.


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Arisa Koyama

Re-bienvenue encore et encore o//
Deux minuscules fautes dans l'histoire :
parve que
celui - se charges
Et sinon bah c'est parfait. C'est très agréable à lire, l'image qu'il renvoie et ce qu'il est en réalité diffèrent et cela en fait un personnage profond, intéressant et qui demande à être suivi en rp.

J'ai vraiment hâte de voir son évolution, ses interactions avec les autres personnages, il pique notre curiosité !
Amuses-toi bien avec lui !

Pré-validation par Arisa
Votre fiche a été pré-validée par un modérateur, un administrateur passera sous peu valider officiellement celle-ci.
Arisa Koyama

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Ah bah, forcément qu'il en restait. 
C'est corrigé, merci Arisamour.
T'es la meilleure. 

C'est corrigé, merci Arisamour.



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Tu es validé(e) !
Toutes mes félicitations, votre fiche est validée !
N'oubliez pas :
• De remplir les champs de votre profil.• De réserver votre avatar ; Réservation avatars
• Si vous souhaitez trouver des partenaires pour vous lancer, n'hésitez pas à faire un tour par ici !

• Dans l'ordre, vous pouvez faire une demande de conjoint ici, ensuite vous faites une demande d'habitation ici et enfin, vous pourrez valider votre mariage ici.
• De faire un peu de pub autour de vous pour le forum et de voter régulièrement aux tops sites.

& Surtout, AMUSEZ-VOUS !

Merci Lucci, Zach (notamment pour le vava dessiné avec Kiyo ♥) et Lucas pour les avatars et kits

- Spoiler:
- Ce qu'ils ont dit
:
- [22:06:43] Luz E. Alvadaro : "Le RP plus une passion, une profession" "Makoto Nanase 2017"
- Le plus beau compliment
:
- Le plus beau compliment
- Merci Karlito
:
- Merci Oz
:
- Ce qu'ils ont dit
Makoto Nanase

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