Car je porte ton nom

Le réveil sera à la fois doux et un peu difficile malgré tout. Avec le retour de ma conscience me reviennent aussi les souvenirs de la veille. Et forcément, se mêlent les caresses agréables et tentatrices aux aveux et à la panique qui m'a prise. De ce fait, je me lèverais rapidement en m'assurant de ne pas réveiller Heero. Et retrouver mon tee-shirt sera ma première épreuve du jour avant de passer rapidement à la douche et de sortir de la chambre en silence.

Il a beau être très tôt, j'ai déjà rendez-vous. Avec mes chers 'parents' français, que le décalage horaire nous force à trouver ce genre d'arrangement. Eux se coucheront tard alors que moi, je suis tombée du lit pour parvenir à les croiser plus que quelques instants. Je me suis installée dans le salon après avoir caressé Sésame qui a ouvert un oeil avant de se recoucher alors que la connexion se lance. Et évidemment, après les salutations d'usage et les habituels échanges de douces familiarités, ils ne manqueront pas de relever un air un peu soucieux sur mon visage.

Si je ne leur conterait pas les détails de la veille, je ne leur cacherais pas le retour de cette ombre qui me hante depuis toujours. Bien sur, ils me rassureront et seront même heureux d'entendre la réaction bienveillante de mon époux et notre échange à ce sujet tout en se sentant impuissant d'être aussi loin. A leur façon, ils me consoleront et me rassureront également avant de me poser une question qui me laissera franchement un peu perdue sur le coup.  

Joany s'en indignera un peu tandis que le sourire de Marité à mes joues qui se coloreront un peu sera éclatant. Eh oui, les temps changent et la France n'est pas le Japon. Alors, pourquoi vivre dans le passé alors que j'ai tout l'avenir devant moi qui me fait de l'oeil au présent ? Certes, il est difficile de tout laisser derrière soi mais accepter de prendre ce que l'on nous offre n'est nullement un crime. Mais la discussion prenant un tournant qui met mal à l'aise Joany, nous en revenons à de sujets plus légers et faciles.  

Et comme à chaque fois, cette petite demi-heure ma paraitra finir bien trop vite. Evidemment, je leur promet de prendre soin de moi et aujourd'hui, ils me demandent également le droit de voir un jour mon mari et ses filles. Si je ne peux rien leur promettre, je leur assure que j'essayerais quand même mais je me vois mal lever les fillettes un dimanche aux aurores pour cela. En attendant, je leur fais aussi promettre de me tenir au courant pour les examens de Joany à venir avant de les laisser raccrocher. Moi, je n'y arrive toujours pas.    

L'écran devenu noir, je reste simplement là, à l'observer un instant. Sésame a fini par se lever et vient se caler contre mes jambes. Je le caresse un peu machinalement en venant réfléchir aux paroles de Marité. Qui ne cesse de résonner en moi de façon un peu étrange.

"- Qu'est-ce que je veux, moi ? "

C'est à la fois si simple et si compliqué comme question. Un soupire m'échappe après avoir laisser sortir cette interrogation dans un murmure. Aussi, pour ne pas me perdre trop dans mes pensées, je décide de me mettre à préparer le petit déjeuner. Les triplées ne seront ramenées que ce soir alors, pas la peine de prévoir pour cinq. Et quitte à tenter quelque chose, autant essayer là. Me sachant cuisinière très moyenne, je viens donc récupérer les deux pâtes feuilletées que j'ai acheté il y a quelques jours pour tenter d'en faire des croissants et des pains au chocolat. Avec une résultat clairement mitigé.  

Avec un résultat clairement mitigé. Si la forme et la couleur sont bien là, le gout reste très moyen. Enfin, pour la Française que je suis, ces viennoiseries sont franchement médiocres alors qu'au fond, elles ne sont pas mauvaises. Seulement pas à la hauteur de mes souvenirs et de ce que j'espérais. Enfin, je laisse refroidir dans une assiette mes créations du jour avant de me servir une immense tasse de thé et de venir m'asseoir sur le bord de la terrasse après avoir juste repoussé la fenêtre derrière moi.  

"- ♫♪ Le jour se lève, on le doit peut-être qu'à nous et quand je dis ça, c'est pas juste une métaphore
Le jour se lève et si ça se trouve, c'est uniquement parce qu'on l'a espéré assez fort... ♪♫ "

Quelques paroles de chansons qui m'échappent alors que je frissonne, ma tasse bien serrée dans mes mains. Qu'elle idée d'être sortie en simple pyjama, aussi. Mais l'aube est si belle que je n'ai pas envie de la rater alors, je reste là à l'observer. Et à l'espérer plus belle encore pour l'avenir que je voudrais voir se dessiner pour ... la famille Kyomizu.

Si je n'avais pas fait attention à la porte vitrée qui s'ouvre près de moi, Sésame avait bien sur déjà ramené son nez à hauteur de mon époux, autant pour lui dire bonjour que pour profiter de quelques caresses supplémentaires. Oui, il s'entendent bien tous les deux et même si je ne doutais pas de la bonne volonté de mon animal, cela me fait plaisir de voir que mon mari n'a pas de soucis avec lui.  

- Coucou. Tu es matinale, tu as bien dormi ?

"- Oui, très bien, merci. Et ce n'est que pour les dimanches matins, comme j'ai rendez-vous avec mes parents français... "

- Je vais courir une petite heure, et ensuite je profiterai du petit déjeuné que tu as préparé, il a l'air très bon.

"- J'espère qu'il le sera. "

- Tu veux que j'emmène Sésame ? Attention, je vais le faire courir ! Et toi, si tu veux venir... peut être un peu trop tôt pour faire un jogging ensemble ? J'ai un rythme assez soutenu...

Un jogging ensemble ? Pourquoi pas. En soi, l'idée ne me déplairait pas mais je doute que nous ayons le même rythme. Il reste un sportif de très haut niveau là ou je ne suis qu'une pure amatrice, doublée d'un chien qui plus est. Après, pour l'avenir, ça pourrait être quelque chose à tenter, pour les rares fois ou ses filles ne seront pas là. Et si Sésame est enchanté en saisissant l'idée qu'il pourrait aller se promener, je viens malheureusement le ramener sur terre en lui souriant et en le rappelant vers moi.

"- Une prochaine fois, ce sera avec plaisir. Et un jour sur un rythme plus tranquille mais je serais partante et Sésame également."

Mine de rien, le simple fait qu'il me le propose me fait déjà très plaisir. Se trouver ainsi des petites choses à partager, c'est bien cela aussi, la définition du couple. Et sans avoir besoin de leur Machine ni d'ordres de quelque sorte que ce soit. J'embrasse Heero sur la joue avant d'observer sa silhouette disparaitre et d'entendre ses pas s'éloigner une fois dehors. Il a une belle foulée, en effet. Moi, je reste encore un peu assise là, à profiter du jour naissant avant de rentrer me doucher et surtout m'habiller.    

Une fois prête, je reviens m'installer au salon ou je prendrais mon téléphone pour pianoter dessus. Evidemment, je passerais sur l'application de l'Incontestable et je ne pourrais rater la date butoir à venir. Ce n'est pas encore aujourd'hui mais cela se rapproche tellement. Et en y songeant, me reviennent en mémoire les souvenirs de la veille qui me feront rougir toute seule. Quelle idiote j'ai pu être ! Au moins, cela ne semble pas trop l'avoir rebuté. Même si j'espère que le petit déjeuner m'aidera aussi à lui faire oublier cet épisode.

En l'entendant rentrer, je passe à la cuisine pour préparer le thé et le café qui accompagneront mes viennoiseries. Sésame m'observe avec un air interrogateur avant que je ne vienne m'occuper de lui. Toi, tu n'as pas droit au croissant mais tu peux avoir une petite friandise quand même. Et un gros câlin aussi, cela nous fera du bien à tous les deux. Oh, tu cherches les petites ? C'est vrai que cela fait beaucoup moins d'agitation et de mains pour te caresser, je comprends mieux que tu me colles davantage. Et que tu files si vite trouver mon époux pour réclamer des attentions de sa part me fait sincèrement sourire.      

Finalement, tu t'es trouvé une place ici, toi aussi. Cela me soulage de voir mon chien à l'aise et se comporter comme chez lui. Même les triplées semblent se faire plus ou moins à cette nouvelle vie alors, pourquoi ne pourrais je pas simplement laisser ma tête et mes angoisses se taire pour me laisser respirer plus librement ? Certes, cela sera une première pour moi mais qui ne tente rien n'a rien. Marité à raison, je sais ce que je veux, il me suffit juste que je me l'autorise pour de bon. D'ailleurs, la présence de mon époux dans mon dos et ses mains venues se promener sur ma peau me feront sourire tendrement.

- Je ne me colle pas trop, je suis en sueur... Je vais prendre une douche.

"- Je t'en prie, prends ton temps."

- Je n'ai rien contre l'idée que tu me rejoignes... si tu en as envie.

Instant de surprise et de silence. Je crois même avoir retenu mon souffle sur le coup. Ses lèvres sur mon cou me feront frissonner soudainement alors que son absence laissera un froid dans mon dos. Je resterais là le temps d'entendre la porte de la chambre se refermer, mon esprit tournant à 200 à l'heure. Le rejoindre, vraiment ? Bêtement, mon regard se pose sur les viennoiseries que je pensais remettre au four. Mais cela peut attendre. Et lui, ne m'a t'il pas déjà assez attendu ? C'est bien lui qui a fait quasiment tous les premiers pas alors, ne serait-ce pas normal que je lui rende la pareille ? Et pourquoi est-ce que je me cherche des excuses ?