Mad dog - Mei Okane

Il n’a pas fallu bien plus qu’une vulgaire dette et l’esprit rebelle d’un parent pour sceller le destin de la famille Okane. Un père joueur; qui pariait trop, plus qu’il ne possédait parce qu’il comptait sur sa chance innée. Si cette habitude a au début porté ses fruits et protégé son couple malgré leurs jeunes âges; elle fut loin d’être pérenne. Il avait suffi d’un pari; celui de trop, pour que les dés changent de camp et enterrent toute la fortune de famille. Evidemment; quand on manque d’argent et qu’on ne l’assume pas, on se tourne souvent vers les mauvaises personnes; celles auxquelles on doit l'argent. Les paris sportifs, notamment dans l'univers de la boxe underground, fonctionnent comme un business à part, et ils s'amusent bien de leurs joueurs qui voient trop grand.

Ce sport officieux prétend être un pilier de confiance; on s’embourbe dans leur jeu et on termine la gueule ouverte à attendre qu’une main daigne nous nourrir. C’est ce qui est arrivé à ton père, avant qu’il ne s’essaye au jeu dangereux de fuir et renier l’autorité de l’Incontestable. Il veut repartir à zéro, mais pour ça; il faut jeter l’alliance et l’enfant. Sauf que la puce n’est pas de cet avis; elle n’est jamais du côté des lâches; et cette forme absolue de pouvoir ne lui donne pas l'occasion de redémarrer une vie. Il aurait bien aimé se rapprocher des anti-Incontestables; mais ce réseau était loin d'être porteur de solutions quant à son cas précis. Son désespoir le pousse à tenter un casse ridicule avec des collègues qui le plantent aux mains des policiers; il termine emprisonné pour des délis qui ne sont pas les siens; et quelque part, il s'en contente, car il est au moins à l'abri de ses créanciers. C'est pour cela qu'il ne contestera jamais sa peine; qu'il attendra que les années passent avant de ressortir la queue entre les jambes; avec l'espoir malsain d'être oublié par ses pairs et pour ses... Impairs.

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Ta vie commence avec celle de ta mère qui est prête à tout pour te protéger. Elle te montre l’exemple; elle prend sur ses maigres épaules tout le poids du monde. Elle te donne la définition la plus singulière du courage et de la bravoure. Ta mère, c’est ton idole; et tes yeux d’enfants qui ne comprennent pas tout la suivent désespérément alors qu’elle redouble d’efforts pour rembourser la dette.

Pour ton salut; elle t’emmène dans des associations de quartier qui apprennent la self-défense aux jeunes enfants. Et ce qui devait être une forme de prévoyance devient rapidement un hobby. Tu excelles comme personne aux arts martiaux; t’envoies au tapis les grands, les petits, les fins et les enrobés. Le pire, c’est que tu prends plaisir à le faire; à imposer ta force, qui est presque hors norme pour ton âge. Tu es plus grande que la moyenne, tu t’entraînes plus souvent et le résultat est là; tu deviens rapidement la petite starlette du quartier, sous le regard rieur mais cerné de ta mère.

Trop obnubilée par ta soif de victoire; tu ne vois pas que la plus grande combattante de cette terre ne sera jamais toi; et qu’elle s’étiole au fil des années. Bien sûr que tu les as vus, ces joueurs nocturnes qui cognent aux portes à n’importe quelle heure; à réclamer leur dû. Mais comme une idiote, tu as pensé que c’était normal, t’as grandi avec et t’as vu ta mère sourire pour apaiser les colères.

Et ce n’est que le jour de tes 20 ans que ton esprit obnubilé par la violence « amicale » se noircit. Ton héroïne a lâché son bouclier; sa santé s’est détériorée avec fulgurance; et tu n’apprends qu’avec trop de délai qu’elle s’était oubliée pour te préserver. Idiote comme pas deux; tu lui jures de la sauver. Mais tu ne sauras au final que la regarder dépérir pendant que les foudres du réseau de paris sportifs transvasent peu à peu vers toi. Tu comprends alors ce que représente le poids moral d’être celle qui gère tout; jusqu’à ce que tu laisses ton sale caractère exploser et… provoquer les mauvaises personnes. Toi, tu refuses de payer pour le crevard qui a essayé de vous abandonner. Tu leur hurles cette vérité en te pensant maligne d’abuser de tes talents de combats pour t’en sortir… Mais t’es à peine capable d’en étaler deux; et les autres te font vite comprendre la définition du mot douleur.

C’est là que ce qui doit être leur genre de chef, ou de référent, peut-être même leur responsable de recrutement sportif, décide d’intervenir et t’épargner. Il a vu ta volonté, pas la meilleure de toutes, mais celle qui a… du « potentiel ».

Il te donne un petit nom; Mad dog. Le chien fou. Celui qu’on entraînera à mordre; à frapper, à fracasser sans compter. A défaut de trouver un travail normal, t’en trouves un qui ne t’oblige plus à donner de l’argent; parce que c’est ton temps de vie que tu vends. Tes poings s’endurcissent; ton regard aussi. Le pire dans tout ça; c’est que tu y trouves presque ton compte, t’as la carrure et l’endurance pour ça; mais t’es loin d’avoir le mental dévoué à la cause. Les jeux sont faits; tu deviens l'égérie comme tant d'autres de ces sports de rue, qui rapportent gros comme font perdre beaucoup.

Mais; ce fardeau est le seul qui puisse te permettre d’assurer les soins à ta mère; qui se meurt petit à petit dans sa chambre d’hôpital. Peut-être qu’avec plus d’argent… Plus être qu’avec plus d’ambition; tu parviendras à lui payer un sursis bien mérité ?

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Lors de tes 24 ans: la triple tempête qui fait rage sur la péninsule Nippone manque de t'arracher la vie. Un loyal pompier te sauve de justesse en t'amenant malgré tes multiples fractures dans l'hôpital le plus proche; et par miracle, tu es prise en charge au dépend des autres; sauvée en priorité peut-être  par le choix de l'âge; ou de ta résilience apparente.

Quelques semaines plus tard, tu es transférée aux côtés de ta mère et subis une batterie d'examens qui révèleront une unique inquiétude; une achromotrichie qui pose le doute sur ta condition globale. Cette forme de mort de la mélanine qui compose normalement ton cheveu relève certains doutes: elle cache potentiellement un mal moins visible mais bien plus grave, qui pour l'heure, n'est pas détecté. Tu ignores les avis et les conseils; certains examens sont loins d'être dans ton budget alors tu laisses mourrir l'idée que ta santé est fragile au profit de ta volonté de retourner sur le ring.

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Quand le system error est tombé; tu as douté; comme tout le monde. Tu as eu les mêmes inspirations; les mêmes rêves. Et si c'était là l'occasion pour toi et ta mère de tout recommencer à zéro ? Fuir la capitale; changer de nom, de vie. Oublier les dettes, les bleus et les escars. Mais... Ta conscience primaire a répondu à ta place ; C'est trop risqué. Ta mère ne supporterait pas des tumultes trop intenses. Alors comme tout le monde, tu as attendu; simplement attendu que l'Incontestable reprenne sa place à vos côtés.

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Le volet de l'Épidémie t'éffleure sans vraiment te toucher; tu n'es pas concernée par la contamination; ta mère non plus... Et le monde s'arrête là à tes yeux. Le lien avec la puce ne te fait pas broncher; tu es Mad dog; un chien rien de plus; alors, même si ta puce n'était pas défectueuse; tu as été la première à te rendre quand les sifflets ont sonné une nouvelle ère. Tu courbes l'échine; ta puce est remplacée.. et tu ne poses pas de questions.

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Le dernier hic; c’est l’attente. L’attente du-dit message qui t’annoncera un jour ton mariage; dont tu ne voudras pas; qui ne sera qu’un poids de plus sauf si l’élu a de quoi renflouer tes caisses. Mais tu peines à comprendre; ton âge est déjà avancé et pourtant l’Incontestable ne se manifeste pas ? Est-ce que même dans les obligations féodales; tu es une paria bonne à jeter ?